Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 4 mai 2022 du préfet du Finistère l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2202352 du 9 mai 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 mai 2022, M. C..., représenté par Me Gonultas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 9 mai 2022 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 4 mai 2022 ;
3°) d'enjoindre à l'autorité administrative compétente de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- cet arrêté a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans est illégale au regard des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 12 août 2022, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant géorgien né 11 décembre 1982, serait entré en France en septembre 2009, selon ses déclarations. Ses demandes d'asile et de réexamen ont été rejetées par des décisions des 26 mai 2010 et 8 octobre 2012 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées respectivement par des décisions des 13 avril 2011 et 28 juin 2013 de la Cour nationale du droit d'asile. Un arrêté portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français a été pris à l'encontre de l'intéressé le 12 novembre 2013 par le préfet de la Loire. Un nouveau refus de délivrance de titre de séjour a été opposé à M. C... par une décision du 26 mars 2015 du préfet du Finistère. Par un jugement du 16 décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Le recours formé contre ce jugement a été rejeté par un arrêt du 22 septembre 2017 de la cour administrative d'appel de Nantes. M. C... a fait l'objet de nouveaux refus de délivrance de titre de séjour, par des décisions des 22 septembre 2016 et 3 novembre 2017. Par un arrêté du 16 avril 2018, le préfet du Finistère a de nouveau refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Par un jugement du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les demandes de l'intéressé tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour des 3 novembre 2017 et 12 juillet 2018 et annulé l'obligation de quitter le territoire français prise à cette dernière date. Un nouvel arrêté portant refus de titre de séjour assorti d'une mesure d'éloignement a été pris à son encontre le 20 octobre 2020 par le préfet du Finistère. Par une ordonnance du 15 novembre 2021, le président de la cour a rejeté le recours formé par M. C... à l'encontre du jugement du 10 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes avait rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. L'intéressé a fait l'objet d'assignations à résidence par des arrêtés des 18 février 2021 et 22 mai 2021 du préfet du Finistère, avant d'être interpellé par les services de police le 4 mai 2022. Par un arrêté du même jour, le préfet du Finistère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit un retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. C... relève appel du jugement du 9 mai 2022 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. L'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Finistère s'est fondé pour obliger M. C... à quitter le territoire français sans délai, fixer le pays de destination et lui interdire un retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par suite, cet arrêté, dont il ne ressort pas que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation du requérant, est suffisamment motivé.
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. M. C..., ressortissant géorgien, fait valoir qu'il est entré en France en 2009, accompagné de sa compagne, également de nationalité géorgienne et de leur premier enfant, né la même année, qu'un second enfant est né de leur union en 2017 et que, bien que ne vivant plus en couple avec la mère de ses enfants, il est hébergé au domicile de cette dernière. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, qui ne justifie pas de l'ancienneté alléguée de sa présence en France, n'y a résidé qu'en qualité de demandeur d'asile, et s'y est maintenu irrégulièrement en dépit des refus de titre de séjour qui lui ont été opposés et des mesures d'éloignement prises à son encontre et à l'exécution desquelles il s'est soustrait. En outre, M. C..., qui n'établit pas résider de façon habituelle chez son ex-compagne, ne démontre pas davantage, en se prévalant de quelques virements bancaires effectués au profit de cette dernière entre mai et octobre 2020 et d'attestations indiquant qu'il accompagne ses enfants à l'occasion de trajets scolaires ou de rendez-vous en cas d'indisponibilité de leur mère, qu'il subviendrait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ou qu'il entretiendrait avec ceux-ci des liens d'une particulière intensité. Par ailleurs, le requérant, qui n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu la majeure partie de sa vie, qui est dépourvu de ressources et ne justifie pas d'une particulière intégration sociale et professionnelle, a fait l'objet de huit condamnations, notamment à des peines d'amende, de travail d'intérêt général et d'emprisonnement, pour des faits commis entre 2011 et 2021 et pour certains réitérés à de multiples reprises de conduite de véhicule sans assurance, sous l'empire d'un état alcoolique et de stupéfiants, de vol et de port d'arme prohibé, avant d'être de nouveau interpellé le 3 mai 2022 dans le cadre d'une infraction routière. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour en France de M. C..., ainsi que de ses agissements, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, en prenant cet arrêté, le préfet du Finistère n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de l'intéressé.
5. En vertu des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris en méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
7. Pour prononcer à l'encontre de M. C... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, le préfet du Finistère, qui a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a estimé que l'intéressé ne justifiait ni d'une présence continue en France depuis 2009, ni d'attaches d'une particulière intensité en France, ni d'une insertion socio-économique et a relevé qu'il avait fait l'objet de quatre refus de titre de séjour et de deux mesures d'éloignement qu'il n'a pas exécutées, qu'il avait manifesté son intention de ne pas se soumettre à une nouvelle obligation de quitter le territoire français et qu'en raison de son comportement, sa présence sur le territoire français représentait une menace pour l'ordre public. Si M. C... soutient qu'il dispose de l'ensemble de ses attaches en France, où résident notamment ses deux enfants mineurs et leur mère, laquelle, titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 25 mai 2021 au 24 mai 2023, occupe un emploi à temps partiel sous couvert d'un contrat à durée déterminée d'insertion courant jusqu'au 16 octobre 2022, l'intéressé n'établit pas, par ces seules circonstances, compte tenu de ce qui a été dit au point 4 et de ce que, le cas échéant, ses enfants et leur mère peuvent le rejoindre ou lui rendre visite en Géorgie, qu'en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, le préfet du Finistère aurait fait une inexacte application des dispositions précités de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 2 décembre 2022.
La rapporteure,
C. B...
Le président,
D. Salvi
Le greffier,
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22NT016052