Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Par un jugement n° 2203042 du 22 juin 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Pasteur, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 22 juin 2022 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 13 juin 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de prendre en charge sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé ;
- cette décision révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle et familiale ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 ; le recours à deux interprètes n'est pas justifié par le préfet ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de fait et d'une erreur de droit dans la mesure où il a sollicité l'asile pour la première fois en Roumanie et non en Autriche ; il a méconnu les critères de détermination de l'Etat responsable de l'instruction de sa demande d'asile prévus aux articles 3.2 et 7 du règlement du 26 juin 2013 ;
- cette décision méconnaît les stipulations des articles 3.2 du règlement du 26 juin 2013, 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet n'a pas examiné les risques de refoulement en Afghanistan en cas de transfert en Autriche ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; plusieurs membres de sa famille résident régulièrement en France ;
- l'arrêté portant assignation à résidence est insuffisamment motivé ;
- l'illégalité de l'arrêté de transfert entache d'illégalité l'arrêté d'assignation à résidence ;
- le préfet a entaché cette décision d'une erreur de droit.
Le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui a reçu communication de la requête, n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... ;
- et les observations de Me Pasteur.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan, relève appel du jugement du 22 juin 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 3 du règlement°(UE) n° 604/2013 " (...) 2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. (...) ". Aux termes de l'article 7 du même règlement : " 1. Les critères de détermination de l'État membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre. / 2. La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre. (...). ". Lors de son entretien individuel qui s'est tenu le 4 mars 2022, M. B... a déclaré être entré en France après avoir traversé l'Iran, la Turquie, la Grèce, la Serbie, la Roumanie l'Autriche et la Suisse. L'extrait du fichier Eurodac produit par le préfet confirme que ses empreintes ont été relevées le 7 février 2022 par les autorités roumaines sous le n° RO 1 AR204T2202071637 et le 21 février 2022 par les autorités autrichiennes sous le n° AT 1 29230131-11305168. A aucun moment le préfet n'indique avoir saisi la Roumanie, premier Etat membre où une demande de protection a été enregistrée, en l'état du dossier, d'une demande de reprise en charge de M. B.... Par suite, en se bornant à recueillir l'accord des autorités autrichiennes, le préfet d'Ille-et-Vilaine ne s'est pas assuré que ce pays devait effectivement être désigné comme l'Etat responsable de l'instruction de la demande d'asile de l'intéressé. Le requérant est par suite fondé à soutenir que l'arrêté de transfert litigieux est entaché d'une erreur de droit. Il y a lieu d'en prononcer l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celle de l'arrêté portant assignation à résidence pris sur son fondement.
3. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions contestées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Le présent arrêt implique seulement que le préfet d'Ille-et-Vilaine réexamine la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
5. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut ainsi se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à la condition de renoncer à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Pasteur, avocate du requérant, d'une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2203042 du tribunal administratif de Rennes en date du 22 juin 2022 ainsi que les arrêtés du préfet d'Ille-et-Vilaine du 13 juin 2022 portant transfert de M. B... auprès des autorités autrichiennes et assignation à résidence sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la demande présentée par M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Pasteur, conseil de M. B..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2022.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02340