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13/01/2023 | FRANCE | N°22NT00424

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 13 janvier 2023, 22NT00424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2020 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2100637 du 18 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enr

egistrée le 11 février 2022, M. A..., représenté par Me Ifrah, demande à la cour :

1°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2020 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2100637 du 18 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 février 2022, M. A..., représenté par Me Ifrah, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2020 du préfet de la Sarthe ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps de ce réexamen, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au profit de son avocat, Me Ifrah, qui renoncera, dans cette hypothèse, à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- il n'est pas établi qu'elle a été signée par une autorité compétente ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée de l'examen de sa situation personnelle ;

- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ;

- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît le paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

- il n'est pas établi qu'elle a été signée par une autorité compétente ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour la prive de base légale ;

- elle méconnaît le 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

sur la décision fixant le pays de destination :

- il n'est pas établi qu'elle a été signée par une autorité compétente ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français la prive de base légale ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2022, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance et au jugement attaqué.

Par une décision du 2 mai 2022, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien né le 2 janvier 1982, est entré en France, selon ses déclarations, le 6 novembre 2012. Il a sollicité du préfet de la Sarthe la régularisation de sa situation au regard du séjour le 25 novembre 2019. Par l'arrêté du 10 décembre 2020 dont il a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation, ce préfet lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle fixe également le pays de destination. Par un jugement du 18 janvier 2022, le tribunal a rejeté sa demande. M. A... fait appel de ce jugement.

Sur le moyen commun aux différentes décisions contestées :

2. L'arrêté contesté a été signé par M. D... Baron, secrétaire général de la préfecture, qui disposait à cet effet d'une délégation de signature du préfet de la Sarthe en date du 11 décembre 2017, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs, alors même que cette délégation ne visait pas expressément les décisions d'éloignement. La circonstance, alléguée par le requérant, que cette délégation n'a pas été produite avec la notification de l'arrêté contesté est sans influence sur la légalité de cet arrêté. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit donc être écarté comme manquant en fait.

Sur le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

4. Il ressort des pièces du dossier que la décision de refus de titre de séjour, qui n'a pas à mentionner l'ensemble des éléments de la situation de M. A... mais seulement ceux sur lesquels le préfet entend fonder sa décision, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, en particulier s'agissant de sa situation personnelle et familiale. En outre, si le requérant soutient que le préfet aurait dû préciser les motifs pour lesquels sa demande fondée sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était rejetée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il avait été saisi, ou qu'il se serait estimé saisi, d'une telle demande, ces dispositions étant, au demeurant, inopérantes pour les raisons mentionnées au point 3. Il en est de même des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code, qui sont également inopérantes pour les mêmes motifs. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du refus de titre de séjour, le moyen tiré de ce que la motivation révèlerait un défaut d'examen particulier de la situation du requérant, le moyen tiré de ce que ce refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 7° de l'article L. 313-11 du même code et le moyen tiré de ce que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie doivent être écartés.

5. En second lieu, si M. A... soutient être arrivé en France en 2012, la continuité de son séjour sur le territoire ne ressort pas des pièces du dossier. Il est divorcé depuis 2017 et les factures d'achat de vêtements et d'un bureau, produites uniquement pour les années 2020 et 2021, les photographies non datées et les attestations peu circonstanciées ne suffisent pas à établir qu'il contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants, nés au Mans respectivement en 2013 et 2015 et qui résident en France avec leur mère. S'il se prévaut d'une promesse d'embauche du 1er juillet 2021, celle-ci est postérieure à l'arrêté contesté. Enfin, il n'est pas établi qu'il n'aurait plus d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. Par conséquent, les moyens tirés de la méconnaissance du paragraphe 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle doivent être écartés.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ". Le 3° du I de l'article précité est relatif à l'hypothèse où l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour. Comme il a été dit au point 4, il ressort de l'arrêté contesté que le préfet a suffisamment motivé en fait et en droit le refus opposé à la demande de certificat de résidence déposée par M. A.... Dès lors, la décision contestée n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confondant avec celle du refus de certificat de résidence.

7. En deuxième lieu, pour les motifs indiqués aux points 2 à 5, le moyen tiré de ce que, la décision de refus de titre de séjour étant illégale, la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence doit être écarté.

8. En troisième et dernier lieu, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle du requérant et de ce qu'elle méconnaît le 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle se réfère notamment aux dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'absence de justification par l'intéressé de ce qu'il ne pourrait pas regagner son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation sera écarté.

10. En deuxième lieu, pour les motifs indiqués aux points 2 à 8, le moyen tiré de ce que, la décision portant obligation de quitter le territoire français étant illégale, la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence doit être écarté.

11. En troisième et dernier lieu, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant doivent, en tout état de cause, être écartés pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 4 et 5.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 10 décembre 2020 pris par le préfet de la Sarthe à son encontre. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2023.

La rapporteure

P. C...

La présidente

I. PerrotLa greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00424


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00424
Date de la décision : 13/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SCP GALLOT LAVALLEE IFRAH BEGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-01-13;22nt00424 ?
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