Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque ce délai sera expiré.
Par un jugement n° 2101473 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 juin 2022 et un mémoire enregistré le 29 septembre 2022 qui n'a pas été communiqué Mme A..., représentée par Me Renard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2021 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour dans le même délai et sous la même astreinte et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 800 euros au profit de son avocat, Me Renard, qui renoncera, dans cette hypothèse, à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé s'agissant de la réponse apportée au moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation, de la réponse apportée aux moyens tirés de ce que ce refus et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la réponse au moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnait l'article 3 de cette convention ; ce jugement souffre également d'un défaut d'examen de sa situation ;
sur la décision portant refus de titre de séjour :
- elle n'a pas été précédée de l'examen sérieux et complet de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors que la rupture de son contrat de travail résulte d'une rupture conventionnelle et non d'une démission, contrairement à ce que mentionne la décision contestée ;
- elle méconnaît l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour la prive de base légale ;
- elle n'a pas été précédée de l'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
sur la décision fixant le pays de destination :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français la prive de base légale ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 septembre 2022, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par une décision du 12 mai 2022, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante nigériane née le 3 octobre 1985, est entrée en France, selon ses déclarations, le 14 janvier 2010, sans être munie des documents alors prévus à l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 5 juillet 2012 et une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 27 octobre 2014. Par un arrêté du 3 février 2012, le préfet de la Loire-Atlantique avait refusé son admission provisoire au séjour au titre de l'asile. Par un arrêté du 17 septembre 2012, le préfet de la Loire-Atlantique lui avait fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Les recours dirigés par Mme A... contre cette décision et cet arrêté ont été rejetés par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 25 janvier 2013 et un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 9 mai 2014. Mme A... s'est néanmoins maintenue sur le territoire français et a sollicité du préfet de la Loire-Atlantique, au mois de janvier 2015, la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Elle a été mise en possession d'un tel titre, valable du 13 avril 2016 au 12 avril 2017, et en a par la suite sollicité le renouvellement. Par une décision du 12 juin 2018, le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour pour raisons de santé mais lui a remis un titre de séjour en qualité de salariée, qui a été renouvelé jusqu'au 17 octobre 2020. Par ailleurs, Mme A... a été condamnée le 26 mai 2020 par le tribunal correctionnel de Rennes à une peine d'emprisonnement de trois ans dont deux ans avec sursis. Elle a ensuite sollicité du préfet de la Loire-Atlantique le renouvellement de son titre de séjour en qualité de salariée. Par l'arrêté du 25 janvier 2021 dont elle a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation, le préfet de la Loire-Atlantique le lui a refusé et a assorti ce rejet d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle obligation fixe le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque ce délai de départ volontaire sera expiré. Par un jugement du 1er février 2022, le tribunal a rejeté sa demande. Mme A... fait appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Il ressort des termes de la décision juridictionnelle attaquée que les motifs retenus par le jugement s'agissant de la réponse apportée au moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour est entaché d'un défaut d'examen particulier de la situation de la requérante, de la réponse apportée aux moyens tirés de ce que ce refus et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la réponse au moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnait les stipulations de l'article 3 de cette convention sont suffisants au regard des dispositions de l'article précité, les premiers juges n'ayant pas l'obligation de répondre à tous les arguments de la requérante et alors même que le préfet a commis une erreur de fait dans l'arrêté contesté. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué ne peut donc qu'être écarté. Enfin, si Mme A... soutient que le jugement attaqué souffre d'un défaut d'examen de sa situation, ce moyen porte en réalité sur le bien-fondé du jugement et est sans incidence sur sa régularité.
Sur le refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, l'arrêté contesté mentionne les éléments relatifs à la situation familiale et à la situation professionnelle de l'intéressée et à la durée de son séjour en France. Si le préfet a commis une erreur de fait en mentionnant une démission au lieu d'une rupture conventionnelle, cette erreur est sans influence sur l'appréciation qu'il a portée sur la situation personnelle de la requérante, pour les motifs indiqués au point 5. Les seules circonstances tirées de ce que le préfet aurait, à tort, considéré qu'un court séjour au Nigéria en 2013 a interrompu la continuité de sa résidence en France, de ce que son comportement et son intégration professionnelle n'ont pas été précisés, de même que son éligibilité à un aménagement de peine, ne suffisent pas à entacher l'arrêté contesté d'un défaut d'examen particulier de la situation de Mme A..., alors que le préfet n'avait pas à mentionner l'ensemble des éléments de la situation de la requérante mais seulement ceux sur lesquels il entendait fonder sa décision.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". / La carte de séjour est prolongée d'un an si l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 5422-1 du code du travail : " I. -Ont droit à l'allocation d'assurance les travailleurs aptes au travail et recherchant un emploi qui satisfont à des conditions d'âge et d'activité antérieure, et dont : (...) / 2° Soit le contrat de travail a été rompu conventionnellement selon les modalités prévues aux articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du présent code ou à l'article L. 421-12-2 du code de la construction et de l'habitation ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 1237-11 du même code : " L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. / La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. / Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a travaillé à compter du 1er février 2018 pour la société " Igloo Nettoyage ", dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée pour un emploi d'agent de service. Toutefois, il est constant que ce contrat a pris fin le 2 octobre 2020, par une rupture conventionnelle. L'existence d'une rupture conventionnelle, si elle donne droit à l'allocation d'assurance mentionnée à l'article L. 5422-1 du code du travail, ne permet pas en elle-même de considérer que la requérante aurait été involontairement privée de cet emploi au sens de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'une telle rupture résulte d'un accord entre les deux parties. En l'espèce, si la requérante soutient que la rupture du contrat à durée indéterminée serait imputable à son employeur, elle ne l'établit pas. Dans ces conditions, Mme A... ne peut être regardée comme ayant été involontairement privée de son emploi au sens des dispositions précitées et, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique aurait méconnu à ce titre les dispositions citées au point 4 de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour ce seul motif, le préfet pouvait légalement refuser le renouvellement du titre de séjour sollicité, sans qu'il soit besoin d'examiner le bien-fondé de son autre motif tiré de ce que la présence de Mme A... en France serait constitutive d'un risque de menace à l'ordre public.
6. En troisième et dernier lieu, si la requérante est entrée en France en 2010, sa présence n'est pas établie en 2011, par la seule production de deux attestations de domiciliation datées de septembre 2011. Au vu des documents produits, Mme A... doit être regardée comme présente en France depuis 2012, soit neuf ans avant l'arrêté contesté. Toutefois, par un jugement du tribunal correctionnel de Rennes du 26 mai 2020, Mme A... a été condamnée à une peine d'emprisonnement de trois ans dont deux ans avec sursis à raison de faits de proxénétisme aggravé à l'égard d'une pluralité de victimes et de blanchiment du produit du délit de proxénétisme aggravé, faits commis du 1er janvier 2015 au 8 octobre 2018. Ces éléments viennent relativiser l'intégration dans la société française dont se prévaut la requérante, alors même que, pour déterminer le quantum de la peine, le tribunal correctionnel de Rennes a pris notamment en considération la situation particulière d'ancienne prostituée de l'intéressée devenue compagne d'un proxénète violent père de son enfant. Si elle se prévaut de sa libération conditionnelle parentale, cette circonstance est en tout état de cause postérieure à l'arrêté contesté. Ses périodes d'activité professionnelle, en août 2016 et de février 2018 à octobre 2020, sont peu nombreuses eu égard à la durée de sa présence en France, et à temps partiel. En outre, son ancien compagnon qui est le père de son enfant, le jeune C... étant né en France en 2017, a été condamné en France le 26 mai 2020 à une peine d'emprisonnement d'une durée de sept ans et est incarcéré, et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait entretenu des liens avec son enfant. Dès lors, rien ne fait obstacle à ce que le jeune C... réside dans le pays d'origine de sa mère, où cette dernière n'allègue pas ne plus avoir d'attaches familiales, pour y poursuivre sa scolarité. Si la requérante bénéficie d'un suivi associatif, cela ne suffit pas à établir qu'elle aurait noué des relations personnelles stables et d'une particulière intensité en France. Ainsi, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée doivent être écartés.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, pour les motifs indiqués aux points 3 à 6, le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour étant illégale, la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée doit être écarté.
8. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été précédée de l'examen particulier de sa situation personnelle doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 3.
9. En troisième et dernier lieu, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 6.
Sur la décision fixant le pays de destination :
10. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée et méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que Mme A... réitère en appel sans apporter d'éléments nouveaux.
11. En second lieu, pour les motifs indiqués aux points 3 à 9, le moyen tiré de ce que, la décision portant obligation de quitter le territoire étant illégale, la décision fixant le pays de destination devrait être annulée doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2021 pris par le préfet de la Loire-Atlantique à son encontre. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2023.
La rapporteure
P. D...
La présidente
I. PerrotLa greffière
S. Pierodé
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT01838