Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 2 août 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 2210641 du 31 août 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 septembre et 19 octobre 2022, Mme A..., représentée par Me Ndeko, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 31 août 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 août 2022 du préfet de Maine-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire d'enregistrer sa demande d'asile dans le délai de quarante-huit heures à compter de l'arrêt à intervenir et de lui remettre le dossier de demande d'asile à transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il ne répond pas de manière explicite sur le moyen soulevé tiré de la vulnérabilité au sens de l'article 21 de la directive
2013/33/UE ;
- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu les articles 21 et 22 de la directive
2013/33/UE ;
- le préfet et le magistrat désigné n'ont pas tenu compte, comme il leur appartenait de le faire, des défaillances systémiques du système d'asile en Italie ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles 16 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante guinéenne née le 6 février 1994, est entrée sur le territoire français, le 2 mars 2022 selon ses déclarations. Par un arrêté du 2 août 2022 le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Mme A... relève appel du jugement du 31 août 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par la requérante, a répondu avec la précision requise au point 12 du jugement attaqué, au moyen soulevé par Mme A... tiré de ce que sa vulnérabilité ferait obstacle à son transfert en Espagne. En outre, il n'avait pas à se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 21 de de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dès lors que ce moyen n'avait pas été soulevé dans les écritures de première instance de la requérante. Ainsi, l'irrégularité alléguée du jugement attaqué manque en fait.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. D'une part, aux termes du 1 de l'article 3 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale : " La présente directive s'applique à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui présentent une demande de protection internationale sur le territoire d'un État membre, y compris à la frontière, dans les eaux territoriales ou les zones de transit, tant qu'ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs, ainsi qu'aux membres de leur famille, s'ils sont couverts par cette demande de protection internationale conformément au droit national. ". Aux termes de l'article 21 de cette directive : " Dans leur droit national transposant la présente directive, les États membres tiennent compte de la situation particulière des personnes vulnérables, telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, par exemple les victimes de mutilation génitale féminine ". Aux termes de l'article 22 de la même directive, relatif à l'évaluation des besoins particuliers en matière d'accueil des personnes vulnérables : " 1. Aux fins de la mise en œuvre effective de l'article 21, les États membres évaluent si le demandeur est un demandeur qui a des besoins particuliers en matière d'accueil. Ils précisent en outre la nature de ces besoins (...) ".
5. Les dispositions de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui ne concernent que les normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale et non la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, ne peuvent donc être utilement invoquées pour contester la légalité d'une décision de transfert prise en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions doivent être écartés.
6. D'autre part, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par ces dispositions, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
7. Mme A... fait état de l'existence de défaillances systémiques affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile faisant l'objet de mesures de transfert auprès des autorités italiennes, mais sans faire état d'éléments précis laissant penser que sa propre situation serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par ces autorités dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les autres éléments présentés, relatifs à sa grossesse et aux problèmes de santé dont elle fait état, qu'elle n'avait pas mentionné lors de son entretien et qu'elle n'assortit pas de précisions suffisantes, n'établissent pas qu'elle se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Dans ces conditions, les circonstances invoquées par Mme A... n'entachent pas l'arrêté ordonnant son transfert aux autorités italiennes d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'articles 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
9. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de la requérante à fin d'injonction, sous astreinte, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme C... A..., à Me Ndeko et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 3 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2023.
Le rapporteur,
S. B...
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03100