Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités suisses, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 2213075 du 19 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2022, Mme C..., représentée par Me Ndeko, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 19 octobre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2022 du préfet de Maine-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire d'enregistrer sa demande d'asile dans le délai de quarante-huit heures à compter de l'arrêt à intervenir et de lui remettre le dossier de demande d'asile à transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il ne répond pas de manière explicite sur le moyen soulevé tiré de la vulnérabilité au sens de l'article 21 de la directive
2013/33/UE ;
- le préfet de Maine-et-Loire a méconnu les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 19, 21 et 22 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante arménienne née le 27 mars 1966, est entrée sur le territoire français, le 4 juillet 2022 selon ses déclarations. Par un arrêté du 20 septembre 2022 le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités suisses, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Mme C... relève appel du jugement du 19 octobre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par la requérante, a répondu avec la précision requise au point 13 du jugement attaqué, au moyen soulevé par Mme C... tiré de ce que sa vulnérabilité ferait obstacle à son transfert en Suisse. En outre, il n'avait pas à se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 21 de de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dès lors que ce moyen n'avait pas été soulevé dans les écritures de première instance de la requérante et qu'il est en tout état de cause sans influence sur la légalité de la décision de transfert. Ainsi, l'irrégularité alléguée du jugement attaqué doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont les stipulations ont été reprises par l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
5. Mme C... soutient qu'elle serait exposée à des traitements inhumains ou dégradants du fait de défaillances systémiques du dispositif de prise en charge des demandeurs d'asile en Suisse. Toutefois, les documents de caractère général qu'elle produit ne permettent pas de caractériser un risque auquel elle serait personnellement exposée en cas de transfert en Suisse, ni d'établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que devraient être constatées en Suisse des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d'asile, alors que la Suisse est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés.
6. En second lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale : " La présente directive s'applique à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui présentent une demande de protection internationale sur le territoire d'un État membre, y compris à la frontière, dans les eaux territoriales ou les zones de transit, tant qu'ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs, ainsi qu'aux membres de leur famille, s'ils sont couverts par cette demande de protection internationale conformément au droit national. ". Aux termes de l'article 19 de cette directive : " 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs reçoivent les soins médicaux nécessaires qui comportent, au minimum, les soins urgents et le traitement essentiel des maladies et des troubles mentaux graves. / 2. Les États membres fournissent l'assistance médicale ou autre nécessaire aux demandeurs ayant des besoins particuliers en matière d'accueil, y compris, s'il y a lieu, des soins de santé mentale appropriés. ". Aux termes de l'article 21 de cette directive : " Dans leur droit national transposant la présente directive, les États membres tiennent compte de la situation particulière des personnes vulnérables, telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, par exemple les victimes de mutilation génitale féminine ". Aux termes de l'article 22 de la même directive, relatif à l'évaluation des besoins particuliers en matière d'accueil des personnes vulnérables : " 1. Aux fins de la mise en œuvre effective de l'article 21, les États membres évaluent si le demandeur est un demandeur qui a des besoins particuliers en matière d'accueil. Ils précisent en outre la nature de ces besoins (...) ".
7. Les dispositions de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui ne concernent que les normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale et non la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, ne peuvent donc être utilement invoquées pour contester la légalité d'une décision de transfert prise en application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions doivent être écartés.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
9. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de la requérante à fin d'injonction, sous astreinte, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme A... C..., à Me Ndeko et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 14 février 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2023.
Le rapporteur,
S. B...
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03448