Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du
21 mai 2019 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a prorogé l'arrêté du 27 mai 2014 déclarant d'utilité publique la deuxième opération de restauration immobilière du centre ancien de Rennes par la commune de Rennes ou par son concessionnaire, la société publique locale d'aménagement (SPLA) Territoires Publics.
Par un jugement n° 1904479 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mars 2022, M. A... représenté par Me Lenat, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1904479 du tribunal administratif de Rennes du 20 janvier 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 mai 2019 du préfet d'Ille-et-Vilaine.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré du caractère par trop général et imprécis de la délégation consentie au signataire de l'arrêté contesté ;
- le préfet d'Ille-et-Vilaine a méconnu l'article L. 121-5 du code de l'expropriation dès lors que si des travaux sont nécessaires sur l'immeuble litigieux, les doutes sur sa solidité structurelle ont définitivement été levés, en mai 2018, ce qui constitue un fait nouveau.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de M. A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2022, la SPLA Territoires Publics, représentée par Me Noyer, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Derlange, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Pons, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. En 2011, la commune de Rennes a confié à la société publique locale d'aménagement (SPLA) Territoires Publics, dans le cadre d'une concession d'aménagement, des missions de réhabilitation de son centre ancien. Une opération de restauration immobilière (ORI) portant sur vingt-deux immeubles a donné lieu à une déclaration d'utilité publique (DUP) par un arrêté préfectoral, du 27 mai 2014. A la suite d'une délibération du conseil municipal de la commune de Rennes, du 1er avril 2019, la préfète d'Ille-et-Vilaine, par un arrêté du 21 mai 2019, a prolongé de cinq ans les effets de la DUP du 27 mai 2014. M. A..., copropriétaire d'un des immeubles concernés par la DUP initiale, situé dans le secteur sauvegardé de Rennes, a demandé l'annulation de cet arrêté de prorogation devant le tribunal administratif de Rennes. Sa demande a été rejetée par un jugement du 20 janvier 2022, dont il relève appel.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Dans sa requête devant le tribunal administratif de Rennes, M. A... avait soutenu qu'il n'était pas justifié d'une délégation de signature régulièrement publiée habilitant le secrétaire général de la préfecture d'Ille-et-Vilaine à signer l'arrêté du 21 mai 2019. A la suite de la production par la préfète d'Ille-et-Vilaine d'une telle délégation, dans son mémoire en réplique M. A... a soutenu qu'une telle délégation de signature était irrégulière en raison de son caractère trop général et imprécis. Si le jugement attaqué, en son point 2, constate l'existence de la délégation de signature, il ne vise pas et n'examine pas le moyen tiré de son irrégularité du fait de son caractère trop général, qui n'était pas inopérant. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 21 mai 2019 :
5. En premier lieu, aux termes d'un arrêté du 1er février 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture à la même date, la préfète d'Ille-et-Vilaine a donné délégation à M. Olagnon, secrétaire général de la préfecture et signataire de l'arrêté contesté, pour signer tous actes, arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département d'Ille-et-Vilaine, à l'exception de certains au nombre desquels ne figurent pas les actes en matière de déclaration d'utilité publique. Si M. A... soutient que cette délégation de signature serait trop générale et imprécise, il ressort de son article 3 que l'arrêté du 1er février 2019 réserve à la signature de la préfète les arrêtés de conflit, les arrêtés de réquisition de la force armée et les actes visés par deux décisions du 17 mai 2016 portant délégation de signature de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Par suite, la délégation de signature consentie par la préfète ne présente pas le caractère trop général allégué et M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'est pas justifié d'une délégation de signature régulière autorisant M. Olagnon à signer l'arrêté contesté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque l'opération nécessite une déclaration d'utilité publique (...) à l'initiative de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale compétent pour réaliser les opérations de restauration immobilière (...). ". Aux termes de l'article L. 5217-1 du code général des collectivités territoriales : " I. - La métropole exerce de plein droit, en lieu et place des communes membres, les compétences suivantes : (...) 2° En matière d'aménagement de l'espace métropolitain : a) Schéma de cohérence territoriale et schéma de secteur ; plan local d'urbanisme, document en tenant lieu ou carte communale ; définition, création et réalisation d'opérations d'aménagement d'intérêt métropolitain mentionnées à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; actions de valorisation du patrimoine naturel et paysager ; constitution de réserves foncières (...) Lorsque l'exercice des compétences mentionnées au présent I est subordonné à la reconnaissance de leur intérêt métropolitain, celui-ci est déterminé par le conseil de la métropole à la majorité des deux tiers (...) Il est défini au plus tard deux ans après l'entrée en vigueur du décret prononçant la création de la métropole. A défaut, la métropole exerce l'intégralité des compétences transférées. ". Selon l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations./ Toute action ou opération d'aménagement faisant l'objet d'une évaluation environnementale doit faire l'objet d'une étude de faisabilité sur le potentiel de développement en énergies renouvelables de la zone, en particulier sur l'opportunité de la création ou du raccordement à un réseau de chaleur ou de froid ayant recours aux énergies renouvelables et de récupération. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de prise en compte des conclusions de cette étude de faisabilité dans l'étude d'impact prévue à l'article L. 122-3 du code de l'environnement. ".
7. Le requérant soutient que la commune de Rennes n'était pas compétente pour solliciter la prorogation de la déclaration d'utilité publique et que seule la collectivité Rennes Métropole disposait des compétences " Actions de réhabilitation et résorption de l'habitat insalubre " et " Amélioration du parc immobilier bâti d'intérêt communautaire ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'opération de restauration immobilière en cause a été décidée par la commune de Rennes et que, par une délibération du 7 juillet 2016, le conseil métropolitain de Rennes Métropole a adopté une liste des projets relevant de sa compétence, où il est constant que ne figure pas la restauration du centre-ville de Rennes. L'intérêt métropolitain de l'opération n'étant pas établi, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la commune de Rennes n'était pas compétente pour solliciter de la préfète d'Ille-et-Vilaine la prorogation de la déclaration d'utilité publique du 27 mai 2014.
8. En troisième et dernier lieu, l'article L. 1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose que : " L'expropriation, en tout ou partie, d'immeubles ou de droits réels immobiliers ne peut être prononcée qu'à la condition qu'elle réponde à une utilité publique préalablement et formellement constatée à la suite d'une enquête (...) ". Son article L. 121-2 prévoit que : " L'acte déclarant l'utilité publique ou la décision refusant de la déclarer intervient au plus tard un an après la clôture de l'enquête préalable. (...) " Aux termes du premier alinéa de son article L. 121-4 : " L'acte déclarant l'utilité publique précise le délai accordé pour réaliser l'expropriation. Il ne peut excéder cinq ans, si la déclaration d'utilité publique n'est pas prononcée par décret en Conseil d'Etat en application de l'article L. 121-1. " Enfin, aux termes de l'article L. 121-5 du même code : " Un acte pris dans la même forme peut proroger une fois les effets de la déclaration d'utilité publique pour une durée au plus égale à la durée initialement fixée, lorsque celle-ci n'est pas supérieure à cinq ans. Cette prorogation peut être accordée sans nouvelle enquête préalable, en l'absence de circonstances nouvelles. / Toute autre prorogation ne peut être prononcée que par décret en Conseil d'Etat. ".
9. La prorogation des effets d'un acte déclaratif d'utilité publique, lorsqu'elle intervient avant l'expiration du délai fixé par cet acte pour réaliser les expropriations, n'a pas en principe le caractère d'une nouvelle déclaration d'utilité publique et ne saurait, par suite, ouvrir aux intéressés un nouveau délai pour discuter l'utilité publique de l'opération. Il n'en va autrement que si le projet est substantiellement modifié ou si, par l'effet d'une modification des dispositions législatives ou réglementaires applicables ou d'un changement dans les circonstances de fait, il a perdu, postérieurement à la date de l'acte déclaratif, le caractère d'utilité publique qu'il pouvait présenter à cette date.
10. Les circonstances opposées par M. A... tirées de ce qu'ont été réalisés des travaux importants sur l'immeuble en cause, notamment une réfection complète de la façade, si bien qu'il ne présenterait plus aucun problème structurel, ne sont pas en tant que telles de nature à établir que le programme de travaux prescrit pour l'immeuble litigieux en application de l'arrêté du 27 mai 2014 aurait été entièrement réalisé et qu'en raison d'un tel changement dans les circonstances de fait, l'utilité publique de l'opération à l'égard de cet immeuble aurait disparu.
11. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard en particulier au contenu du compte rendu du 9 octobre 2018 du comité technique, produit par la SPLA Territoires publics, que ce programme de travaux, qui comportait la réfection complète de la façade arrière, la réfection de la toiture, la réfection complète des structures, la consolidation des planchers, la restauration de la cage d'escalier, la sécurisation de l'escalier, la mise aux normes et la réfection des réseaux, la mise en sécurité incendie, la création d'un local à poubelles et la mise aux normes de confort, d'habitabilité et de sécurité conformément au plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) des logements, aurait été réalisé.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 21 mai 2019 du préfet d'Ille-et-Vilaine prorogeant pour une durée de cinq ans le délai de validité de l'arrêté préfectoral du 27 mai 2014 portant déclaration d'utilité publique.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 janvier 2022 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes et le surplus de sa requête devant la cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la commune de Rennes et à la société publique locale d'aménagement (SPLA) Territoires Publics.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juin 2023.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT00725