Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 17 mars 2022 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office lorsque ce délai sera expiré.
Par un jugement n° 2204203 du 15 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 janvier 2023 Mme A... C..., représentée par Me Bearnais, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 mars 2022 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les autorités danoises lui ayant accordé le statut de réfugié, la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale au regard de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale de droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination a été prise sans un examen particulier de sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2023 le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... C... ne sont pas fondés.
Mme A... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Geffray a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 16 février 2021, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 18 août 2021, Mme A... C..., ressortissante soudanaise, née le 1er janvier 1990, a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 17 mars 2022 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de quarante-cinq jours, en application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Par un jugement du 15 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme A... C... relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; ". Les autorités françaises n'ayant pas accordé le statut de réfugié à Mme A... C..., le préfet de la Loire-Atlantique a pu valablement édicter une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 précité. Le préfet n'a pas en conséquence entaché sa décision d'un défaut de base légale.
3. Depuis son entrée en France le 27 octobre 2018 selon ses déclarations, soit à peine depuis trois ans et demi à la date de l'arrêté contesté, Mme A... C... ne justifie d'aucune intégration professionnelle stable ni de liens privés d'une particulière intensité en France. Compte tenu des conditions de séjour en France de l'intéressée, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que cette décision méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale de droits de l'enfant doit être écarté alors même que les quatre enfants de la requérante, âgés de 16, 13, 11 et 7 ans à la date de l'arrêté, sont scolarisés en France depuis 2019.
4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de Mme A... C....
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
5. Le préfet de la Loire-Atlantique mentionne dans ses écritures que les autorités danoises ont accordé l'asile à Mme A... C..., comme celle-ci le soutient dans ses dernières écritures après l'avoir précédemment nié. Dans ces conditions, s'il a pu légalement fixer comme pays de destination tout pays où l'intéressée serait légalement admissible, dont fait partie le Danemark, il n'a pu, sans méconnaître les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, également fixer comme pays de destination le Soudan, pays dont Mme A... C... a la nationalité et où elle ne peut pas retourner. La décision fixant le pays de destination doit, par suite, être annulée en tant qu'elle fixe le Soudan comme pays de destination.
6. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination que Mme A... C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté en tant qu'il fixe comme pays de renvoi celui dont elle a la nationalité.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions de Mme A... C... à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2204203 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes du 15 novembre 2022 en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A... C... dirigées contre l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 17 mars 2022 en tant qu'il fixe le pays dont elle a la nationalité comme pays de destination ainsi que cette dernière décision, dans cette même mesure, sont annulés.
Article 2 : Le surplus de la requête de Mme A... C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2023.
Le rapporteur
J.E. GeffrayLa présidente
I. PerrotLa greffière
S. Pierodé
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00154