Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du
1er juin 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.
Par un jugement n° 2208632 du 22 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 avril et 23 juin 2023 Mme A..., représentée par Me Seguin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 du préfet de Maine-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la même notification ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne les documents qu'elle a présentés pour justifier son identité ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 juin 2023 le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Geffray a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante de la République démocratique du Congo, qui serait née le 23 septembre 2003, et qui serait entrée en France le 3 octobre 2019 selon ses déclarations, a été placée le 8 octobre 2019 auprès des services de l'aide sociale à l'enfance de Maine-et-Loire en qualité de mineure isolée. Elle a demandé au préfet de ce département la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 1er juin 2022, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a obligé l'intéressée à quitter le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 22 mars 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme A... relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ".
3. Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ".
4. Il résulte des dispositions précitées que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Par ailleurs, lorsqu'elles sont amenées à vérifier si l'étranger justifie de son état-civil et de sa nationalité conformément aux prescriptions de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, les autorités administratives françaises ne peuvent mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère que dans le cas où le jugement produit a un caractère frauduleux.
5. Pour refuser à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de Maine-et-Loire s'est fondé sur le caractère non probant des actes d'état-civil qu'elle a produits.
6. Pour justifier de son identité, Mme A... a présenté l'acte de naissance n°6711/2017 établi le 20 juin 2017, un autre du 27 juin 2017, un jugement supplétif n° 2786/11 du 12 octobre 2016, un acte de signification du jugement, un certificat de non-appel du jugement, la copie intégrale d'un acte de naissance établi le 21 mai 2021 et des actes d'état-civil établis postérieurement à l'acte de naissance du 20 juin 2017, dont un autre acte de naissance établi le 20 février 2021. Toutefois, le service de la police des frontières a eu des doutes sérieux sur l'authenticité du jugement supplétif du 12 octobre 2016 rendu par le tribunal pour enfants de D.../C..., qui a fait l'objet de trois rapports d'analyse établis les 5 juin 2020 et 27 juillet et 2 novembre 2021, dans la mesure où, d'une part, il n'y a pas eu de légalisation émanant de l'ambassade de la République démocratique du Congo en France permettant de produire des effets en France et, d'autre part, le fond de dossier, tel qu'il a été présenté au service, contient un acte de naissance falsifié par grattage. En outre, il y a lieu de relever qu'une partie de l'en-tête du premier feuillet du jugement est manuscrite et non dactylographiée, ce qui remet en cause l'original. Il a noté que l'acte de naissance n°7611/2017 est caractérisé par une marque holographique altérée à la suite d'une " substitution de cette marque d'un autre document et porté sur l'acte analysé " et un " grattage perceptible à hauteur du chiffre 7 (année 2017) ". Au demeurant, cet acte de naissance a été établi deux fois sous le même numéro d'enregistrement en moins de huit jours, soit les 20 et 27 juin 2017, sans que la requérante en donne une explication. Quant à l'acte de naissance n°051/2021 du 21 mai 2021, il a noté qu'il comporte un cachet humide de " piètre qualité " et fait référence à un acte de naissance qui a été regardé comme falsifié dès 2020. L'acte de signification du jugement supplétif et le certificat de non-appel du 17 février 2017, qui ne sont pas des documents d'état-civil mais des actes de procédure civile, ne sont d'aucune utilité au regard du litige. Mme A... n'apporte pas la copie des actes d'état-civil autres que ceux ainsi analysés qu'elle aurait produits postérieurement à l'acte de naissance du 20 juin 2017. Dès lors, le préfet de Maine-et-Loire a pu légalement estimer que Mme A... n'établissait pas son identité. Par conséquent, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Mme A..., célibataire et sans enfant à charge, est récemment entrée en France, soit depuis deux ans et huit mois à la date de l'arrêté contesté. Elle n'établit aucun lien personnel en France alors que sa famille, composée de ses parents et de cinq frères et sœurs, réside dans son pays d'origine. Ainsi, compte tenu de ces conditions d'entrée et de séjour en France, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. La décision de refus de titre de séjour et celle portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquences, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie sera adressée au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2023.
Le rapporteur
J.E. GeffrayLa présidente
I. Perrot
La greffière
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00979