Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Stauff a demandé au tribunal administratif d'Orléans de décider que la garantie, qu'elle propose à l'appui de sa demande de sursis de paiement de suppléments d'impôt sur les sociétés, de retenue à la source et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquels elle a été assujettie, doit être acceptée par le comptable public.
Par une ordonnance n° 2000557 du 28 février 2020 le juge du référé fiscal du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 mars et 28 avril 2020, la SAS Stauff, représentée par Me Karleskind, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de prononcer le sursis de paiement.
Elle soutient que :
- la caution offerte par sa société mère, qui accepte de signer un contrat de caution dans les formes voulues par l'administration et rédigé en langue française, est une garantie solide et personnelle pour obtenir le sursis de paiement ; cette société peut même faire élection de domicile en France en vue de l'application du droit français ;
- elle ne peut pas offrir d'autres garanties compte tenu de ses difficultés financières liées à la crise sanitaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Stauff ne sont pas fondés.
Par un arrêt n° 20NT00756 du 10 juin 2021 la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la SAS Stauff contre cette ordonnance.
Par une décision n° 453950 du 12 décembre 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 10 juin 2021 de la cour administrative d'appel de Nantes et renvoyé à celle-ci l'affaire, qui porte désormais le n° 22NT03898.
Procédure devant la cour après cassation :
Par des mémoires, enregistrés les 20 décembre 2022 et 3 janvier 2023, sous le
n° 22NT03898, la SAS Stauff, représentée par Me Karleskind, maintient ses moyens et ses conclusions.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Penhoat,
- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité, la société par actions simplifiée (SAS) Stauff a été assujettie, au titre de ses exercices clos de 2014 à 2016, à des suppléments d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ainsi qu'à des retenues à la source, mis en recouvrement le 30 décembre 2019. À l'appui de sa réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement, la société Stauff a présenté à l'administration fiscale, afin de constituer les garanties exigées par l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, l'engagement de sa société-mère de droit allemand, la SRL Stauffenberg Beteiligungs, de se porter caution de sa dette vis-à-vis du Trésor public. Cette garantie ayant toutefois été rejetée par le comptable public, la société Stauff a saisi le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans sur le fondement de l'article L. 279 du livre des procédures fiscales. Par une ordonnance du 28 février 2020, ce juge a rejeté la demande de la société tendant à ce que la garantie qu'elle présentait soit jugée propre à assurer le recouvrement des créances détenues par le Trésor. Par un arrêt du 10 mars 2021, la cour a rejeté l'appel formé par la SAS Stauff. Par une décision du 14 décembre 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, sur pourvoi de la SAS Stauff, annulé cet arrêt et a renvoyé devant la cour l'affaire qui porte désormais le n° 22NT03898.
2. Aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. / (...) / Lorsque la réclamation mentionnée au premier alinéa porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés. / A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés. (...) ". Aux termes de l'article L. 279 du même livre : " En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque les garanties offertes par le contribuable ont été refusées, celui-ci peut, dans les quinze jours de la réception de la lettre recommandée qui lui a été adressée par le comptable, porter la contestation, par simple demande écrite, devant le juge du référé administratif, qui est un membre du tribunal administratif désigné par le président de ce tribunal. / (...) / Dans les huit jours suivant la décision du juge, le redevable et le comptable peuvent, par simple demande écrite, faire appel devant le président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet. Celui-ci, dans le délai d'un mois, décide si les garanties doivent être acceptées comme répondant aux conditions de l'article L. 277. (...) ". Aux termes de l'article R. 277-1 de ce livre : " Le comptable compétent invite le contribuable qui a demandé à différer le paiement des impositions à constituer les garanties prévues à l'article L. 277. Le contribuable dispose d'un délai de quinze jours à compter de la réception de l'invitation formulée par le comptable pour faire connaître les garanties qu'il s'engage à constituer. / Ces garanties peuvent être constituées par un versement en espèces qui sera effectué à un compte d'attente au Trésor, par des créances sur le Trésor, par la présentation d'une caution, par des valeurs mobilières, des marchandises déposées dans des magasins agréés par l'Etat et faisant l'objet d'un warrant endossé à l'ordre du Trésor, par des affectations hypothécaires, par des nantissements de fonds de commerce. / Si le comptable estime ne pas pouvoir accepter les garanties offertes à sa demande ou spontanément par le contribuable parce qu'elles ne répondent pas aux conditions prévues au deuxième alinéa, il lui notifie sa décision par pli recommandé avec demande d'avis de réception postal dans un délai de quarante-cinq jours à compter du dépôt de l'offre. (...) ".
3. Il appartient au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 279 du livre des procédures fiscales, d'apprécier si les garanties proposées par le contribuable présentent un degré de sécurité et de disponibilité suffisant, propre à assurer, le cas échéant, le recouvrement de la créance du Trésor. En l'espèce, la SAS Stauff, propose comme garantie la caution de sa société mère de droit allemand, la SRL Stauffenberg Beteiligungs qui détient 100 % de son capital, en se plaçant sous le régime du droit français. Compte tenu de la situation financière de cette société, dont le caractère favorable est d'ailleurs reconnu par l'administration fiscale et de la possibilité pour la société allemande de faire élection de domicile en France permettant ainsi l'application du droit français pour le recouvrement ce qui n'est pas davantage contesté par l'administration, cet engagement de caution offre un degré de sécurité et de disponibilité suffisant pour constituer la garantie prévue à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.
4. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Stauff est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge du référé fiscal a refusé d'admettre la garantie qu'elle a présentée comme propre à assurer le recouvrement du solde de la créance du Trésor. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de
1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2000557 du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans du 28 février 2020 est annulée.
Article 2 : La garantie offerte par la SAS Stauff consistant en la caution de sa société mère de droit allemand, la SRL Stauffenberg Beteiligungs répond aux conditions prévues à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales et doit être acceptée par le comptable public.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS Stauff la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Stauff et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023.
Le rapporteur,
A. PenhoatLe président,
G. Quillévéré
La greffière
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 22NT038982