Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 4 décembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du
28 septembre 2021 des autorités consulaires françaises au Cameroun refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'étudiante.
Par un jugement n°2200037 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 septembre et 25 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Bella Etoundi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B... soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée, en violation des articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L. 332-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle remplit les conditions posées par les articles 7 et 11 de la directive européenne 2016/801 du 4 juillet 2019, réitérés aux points 2.1, 2.2, 2.3 et 2.4 de l'instruction ministérielle, en justifiant d'une
pré-inscription dans l'établissement de son choix, réputé pour la qualité des enseignements, de ressources suffisantes, d'un hébergement ainsi que du paiement des droits d'inscription et qu'elle ne constitue pas une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la santé publique ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que son séjour en France est uniquement motivé par la poursuite de ses études et qu'elle justifie d'un projet d'études cohérent et sérieux ;
- la décision contestée méconnaît le droit à l'éducation tel que garanti par l'article 26 de la déclaration universelle des droits de l'homme, l'article 2 du protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tel qu'amendé par le protocole n° 14, l'article 11 de la charte des droits fondamentaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante camerounaise, née le 12 septembre 2001, a présenté une demande de visa de long séjour en qualité d'étudiante auprès des autorités consulaires françaises au Cameroun. Par une décision du 28 septembre 2021, ces autorités ont refusé de lui délivrer le visa sollicité. Par une décision implicite née le 4 décembre 2021, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. Par un jugement du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la commission de recours. Mme B... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour dont la durée de validité ne peut être supérieure à un an. Ce visa peut autoriser un séjour de plus de trois mois (...) en qualité (...) d'étudiant (...) et plus généralement tout type de séjour d'une durée supérieure à trois mois conférant à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles
L. 421-9 à L. 421-11 et L. 421-13 à L. 421-24 ".
3. Selon l'article 5 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, l'admission d'un ressortissant d'un pays tiers à des fins d'études est soumise à des conditions générales, fixées par l'article 7, comme l'existence de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance durant son séjour ainsi que ses frais de retour et à des conditions particulières, fixées par l'article 11, telles que l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur ainsi que le paiement des droits d'inscription. L'article 20 de la même directive, qui définit précisément les motifs de rejet d'une demande d'admission, prévoit qu'un État membre rejette une demande d'admission si ces conditions ne sont pas remplies ou encore, peut rejeter la demande, selon le f) du 2, " s'il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que l'auteur de la demande souhaite séjourner sur son territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission ".
4. En l'absence de dispositions spécifiques figurant dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de visa de long séjour formée pour effectuer des études en France est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 de ce code. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article
L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, laquelle participe de la transposition de cette même directive.
5. L'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 dispose dans son point 2.1, intitulé " L'étranger doit justifier qu'il a été admis dans un établissement d'enseignement supérieur pour y suivre un cycle d'études " : " Il présente (...) au dossier de demande de visa un certificat d'admission dans un établissement en France ". Dans son point 2.4 intitulé " Autres vérifications par l'autorité consulaire ", cette même instruction indique que cette dernière " (...) peut opposer un refus s'il existe des éléments suffisamment probants et des motifs sérieux permettant d'établir que le demandeur séjournera en France à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande un visa pour études ". Ainsi, l'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle des juges de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.
6. Il ressort des écritures du ministre de l'intérieur que la décision de refus de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est fondée sur le motif tiré de l'absence de caractère sérieux et cohérent des études envisagées par Mme B... et dès lors de l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa.
7. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir obtenu, en juin 2020 au Cameroun, un " General Certificate of Education ", option scientifique, diplôme anglophone équivalent au baccalauréat, Mme B... a été admise, en mai 2021, après sélection sur dossier et entretien, à intégrer, au titre de l'année académique 2021/2022, la première année du cycle préparatoire intégré au diplôme d'ingénieur généraliste organisée par l'établissement
ECAM-EPMI, établissement privé reconnu par l'Etat et habilité à délivrer le diplôme d'ingénieur. Elle a indiqué, lors de l'entretien conduit par un conseiller de Campus France, qu'elle vise à obtenir, dans un premier temps, un diplôme d'ingénieur généraliste et à se spécialiser, dans un second temps, dans le domaine aéronautique. Ce projet d'études et professionnel a été qualifié de cohérent par le conseiller Campus France, pour lequel il a émis un avis favorable. Il ressort en outre des pièces du dossier, notamment du relevé de notes établi à la suite des épreuves du baccalauréat (DPI p. 122), que Mme B... a obtenu les mentions " Bien " en biologie, " Assez bien " en chimie, " Bien " en mathématiques pures avec mécanique, " Assez bien " en sciences physiques et la mention " Passable " en mathématiques avancées et que l'établissement a retenu la candidature de Mme B... après étude de son dossier et entretien. La seule circonstance que des filières préparatoires au cursus d'ingénieur sont proposées au Cameroun dans le cadre de partenariats avec certains établissements en France, au nombre desquels n'est d'ailleurs pas citée l'école où la requérante a été admise, ne suffit pas à démontrer l'absence de toute plus-value que présenterait pour l'intéressée le suivi de la formation envisagée. Dans ces conditions, la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer le visa sollicité au motif que le projet d'études de l'intéressée ne présente pas de caractère sérieux et cohérent.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et la régularité du jugement, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Mme B.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des
outre-mer de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 4 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme B... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2024.
La rapporteure,
I. MONTES-DEROUETLa présidente,
C. BUFFET
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02892