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21/06/2024 | FRANCE | N°22NT02586

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 21 juin 2024, 22NT02586


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 août 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 25 mai 2021 des autorités consulaires françaises à Luanda (Angola) refusant de délivrer à la jeune B... D... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié.



Par un jugement n° 21

13047 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 26 août 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 25 mai 2021 des autorités consulaires françaises à Luanda (Angola) refusant de délivrer à la jeune B... D... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié.

Par un jugement n° 2113047 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 août 2022 et le 14 mars 2024, M. D..., en son nom propre et en qualité de représentant légal de son enfant mineure, B... D..., représenté par Me Bourgeois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juin 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 26 août 2021 de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à la jeune B... D... le visa sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer la demande de visa, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. D... soutient que :

- la décision contestée est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen sérieux ;

- en estimant que les documents d'état civil produits sont frauduleux la commission de recours a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits ainsi que par la possession d'état ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. D... tendant à l'annulation de la décision du 26 août 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Luanda (Angola) rejetant la demande de visa de long séjour présentée pour l'enfant B... D... en qualité de membre de famille d'un réfugié. M. D... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses ascendants directs au premier degré, accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective. L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. ".

3. Aux termes de l'article L.811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Il ressort des termes mêmes de la décision contestée que la commission a rejeté le recours de M. D... au motif que l'identité de la demanderesse ainsi que le lien de filiation allégué n'étaient pas établis.

6. Pour justifier de l'identité de l'enfant B... D..., née en 2006, ainsi que de sa filiation paternelle, ont été produits successivement, à l'appui d'une précédente demande de visa en 2017, puis, à l'occasion de la demande en litige en 2020, deux actes de naissance différents dressés, respectivement, sous le n° 4566/2015 le 22 juin 2015 par le 1er bureau d'état civil de Luanda et sous le n° 2912 le 11 mars 2020 par le 5ème bureau. Le requérant produit un courrier du 2 juin 2023 par lequel la conservatrice du 1er bureau de l'état civil explique que l'acte de naissance n°4566/2015 a été annulé au motif que la naissance de l'enfant avait déjà été enregistrée, en 2020, au 5ème bureau. Si l'acte n° 2912 indique que M. D... est angolais, alors qu'il est constant qu'il est ressortissant de la République démocratique du Congo, M. D... fait valoir sans être contredit que la mère de l'enfant, qui a déclaré la naissance, a entendu dissimuler sa nationalité, en raison de l'hostilité existant alors en Angola à l'encontre des ressortissants congolais. Il ressort également des pièces du dossier que cet acte n° 2912, établi 13 ans après la naissance, soit au-delà du délai de trente jours prévu à l'article 119 du code de procédure civile angolais, ne comporte pas la mention des réquisitions du ministère public prévues par l'article 121 du même code, en cas de déclaration tardive. Toutefois, cette seule circonstance n'est pas de nature à retirer son caractère probant à l'acte ainsi produit qui a fait l'objet d'un certificat d'authenticité, établi le 11 septembre 2020, par le bureau de l'état civil de Luanda. Enfin, le ministre de l'intérieur et des outre-mer fait valoir que M. D... n'a pas déclaré la jeune B... au moment du dépôt de sa demande d'asile et qu'il n'a signalé son existence à l'OFPRA qu'en 2016, soit sept ans après avoir obtenu le statut de réfugié. Toutefois, M. D... explique n'avoir appris lui-même qu'en 2015 cette naissance, survenue en 2006, à la suite de sa relation avec une ressortissante angolaise, lors d'une mission de courte durée à Boma, en tant qu'officier dans l'armée de la République démocratique du Congo. Par suite, le caractère inauthentique de l'acte de naissance n°2912 du 11 mars 2020 n'est pas démontré de sorte que l'identité de la demandeuse de visa ainsi que le lien de filiation l'unissant à M. D... sont établis. Il suit de là qu'en refusant de délivrer le visa sollicité pour le motif énoncé au point 5, la commission de recours a fait une inexacte application des dispositions précitées.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à l'enfant B... D.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa à cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à M. D... au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E:

Article 1er : Le jugement du 7 juin 2022 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 26 août 2021 par laquelle la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a refusé d'accorder un visa de long séjour à la jeune B... D... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à la jeune B... D... un visa de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à M. D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2024.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02586


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02586
Date de la décision : 21/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-21;22nt02586 ?
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