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21/06/2024 | FRANCE | N°22NT02857

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 21 juin 2024, 22NT02857


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... B... A... et M. G... E... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 30 octobre 2020 des autorités consulaires françaises au Kenya refusant de délivrer à M. G... E... B... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de membre de famille d'un bénéficiaire de la protection subsidi

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Par un jugement n° 2114430 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... A... et M. G... E... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 30 octobre 2020 des autorités consulaires françaises au Kenya refusant de délivrer à M. G... E... B... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de membre de famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire.

Par un jugement n° 2114430 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à M. E... B... un visa de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 juillet 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... A... et M. E... B... devant le tribunal administratif de Nantes.

Le ministre de l'intérieur et des outre-mer soutient que :

- la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 561-2, et L. 434-3 et L. 434-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit en refusant de lui délivrer un visa de long séjour au motif qu'il n'était pas éligible à la procédure de réunification familiale. M. E... B... n'est pas éligible à la procédure de réunification familiale ; la condition d'âge maximal de 19 ans ne s'applique qu'aux enfants du couple formé par le réunifiant et sa conjointe ;

- en opposant le caractère partiel de la réunification familiale, la commission de recours n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit ; il n'est pas démontré que l'intérêt des enfants mineurs du réunifiant est de rester au Kenya ;

- le réunifiant a sollicité la réunification familiale pour l'enfant issu de son union antérieure sans avoir préalablement demandé la réunification familiale pour les membres de sa cellule familiale actuelle ; il s'agit d'un détournement de la procédure de nature à justifier un refus de visa.

Par des mémoires enregistrés le 15 décembre 2022 et le 24 juillet 2023, M. B... A... et M. E... B..., représentés par Me Pronost, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de prononcer à l'encontre de l'Etat une astreinte de 200 euros par jour de retard s'il n'est pas justifié de l'exécution du jugement du 4 juillet 2022 dans le délai imparti par le tribunal administratif de Nantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à leur conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, subsidiairement de mettre à la charge de l'Etat cette somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- M. B... A... était éligible à la procédure de réunification familiale ;

- les dispositions de l'article R. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles la demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa ajoutent à la loi et sont entachées d'incompétence ;

- en ce qu'il ne prévoit pas que la condition d'âge de l'enfant soit appréciée à la date de la demande d'asile du parent réunifiant, l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas compatible avec les objectifs de la directive 2003/86/CE tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne ;

- il y a lieu d'interpréter le moment où la demande de réunification a été introduite, au sens de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme celui où, soit le réunifiant a complété son formulaire de demande, soit sa demande a été enregistrée ;

- subsidiairement, il y aura lieu d'interroger la Cour de justice de l'Union Européenne, par voie de question préjudicielle sur la compatibilité de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec la directive 2003/86/CE ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; M. E... B... est exposé à un risque d'atteinte à sa sécurité en cas de retour en Somalie ;

- ne constitue pas un motif d'ordre public le motif tiré de ce qu'aucune demande de visa n'a été déposée pour l'épouse du réunifiant et leurs deux enfants mineurs ;

- le principe d'unité de la famille ne fait pas obstacle à ce qu'une demande de visa soit présentée pour l'enfant issu d'une union antérieure sans qu'une demande ne soit présentée pour l'épouse actuelle et les enfants mineurs du couple ;

- le caractère partiel de la réunification est justifié par l'intérêt des enfants ;

- dès lors que le visa sollicité a été délivré, il y a lieu de prononcer un non-lieu à statuer.

M. E... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B... A... et de M. E... B..., ressortissants somaliens, la décision implicite née le 26 juin 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 30 octobre 2020 des autorités consulaires françaises au Kenya refusant à M. E... B... la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de membre de famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire. Le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel de ce jugement.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. Il ressort des pièces du dossier qu'en exécution de l'injonction sous astreinte prononcée par le jugement attaqué du 4 juillet 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a délivré un visa d'entrée et de long séjour en qualité de membre de famille d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire à M. E... B.... Cette circonstance ne rend pas toutefois sans objet l'appel formé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer contre ce jugement. L'exception de non-lieu à statuer opposée par M. B... A... et M. E... B... doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; 3° Par les enfants non mariés du couple, n'ayant pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire. Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses ascendants directs au premier degré, accompagnés le cas échéant par leurs enfants mineurs non mariés dont ils ont la charge effective. L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. ". Aux termes de l'article L. 561-4 du même code : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables. (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

5. Aux termes de l'article L. 434-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 434-2 à L. 434-4. Un regroupement partiel peut toutefois être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. ".

6. Aux termes de l'article L. 434-2 de ce code : " L'étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial : / 1° Par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans ; / 2° Et par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Aux termes de l'article L. 434-3 du même code : " Le regroupement familial peut également être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et pour ceux de son conjoint si, au jour de la demande : / 1° La filiation n'est établie qu'à l'égard du demandeur ou de son conjoint ; / 2° Ou lorsque l'autre parent est décédé ou déchu de ses droits parentaux. ". L'article L. 434-4 dudit code prévoit que : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. ".

7. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles des articles L. 434-3 et L. 434-4 du même code, auxquelles l'article L. 561-4 renvoie, que le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaitre la qualité de réfugié ou a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale, par ses enfants non mariés, y compris par ceux qui sont issus d'une autre union, à la condition que ceux-ci n'aient pas dépassé leur dix-neuvième anniversaire à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été présentée. Les demandes présentées pour les enfants issus d'une autre union doivent en outre satisfaire aux autres conditions prévues par les articles L. 434-3 ou L. 434-4, le respect de celles d'entre elles qui reposent sur l'existence de l'autorité parentale devant s'apprécier, le cas échéant, à la date à laquelle l'enfant était encore mineur.

8. Il ressort du mémoire en défense produit par le ministre de l'intérieur en première instance que, pour rejeter le recours formé contre le refus de visa de long séjour opposé à M. E... B..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les motifs tirés, d'une part, de ce que le demandeur de visa n'était pas éligible à la procédure de réunification familiale, d'autre part, de ce que la demande de réunification présentait un caractère partiel, en l'absence de demandes de visas au profit de l'épouse actuelle du réunifiant et de leurs deux enfants mineurs, et enfin, de ce que l'identité du demandeur de visa ne pouvait être établie avec certitude.

9. Il ressort des pièces du dossier que le fils de M. B... A..., à qui la protection subsidiaire a été accordée le 31 mars 2017, est né le 10 septembre 2001 d'une relation précédente avec une ressortissante étrangère non partie à la demande de réunification familiale. Âgé de 18 ans et 11 mois, le 2 septembre 2020, date du dépôt de sa demande de visa au consulat français à Nairobi, M. E... B... n'avait donc pas dépassé son dix-neuvième anniversaire. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa mère l'aurait confié, au titre de l'exercice de l'autorité parentale et en vertu d'une juridiction étrangère, à M. B... A..., à la date où l'enfant était encore mineur, ni que cette dernière aurait autorisé le jeune E... B... à venir en France. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un visa de long séjour au motif qu'il n'était pas éligible à la procédure de réunification familiale. Il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.

10. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler la décision implicite de commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce que cette commission avait méconnu ces dispositions.

11. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... A... et M. E... B... tant devant le tribunal administratif de Nantes que devant la cour.

12. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

13. Si M. E... B... n'était âgé que de 19 ans, à la date de la décision contestée, il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Somalie où résident encore sa mère ainsi que ses frères et sœur. Par suite, le refus de visa de long séjour opposé à M. E... B... ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts de cette mesure. Le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

14. En deuxième lieu, s'il est soutenu que la décision contestée est de nature à exposer M. E... B..., à un danger grave, compte tenu de la situation sécuritaire très dégradée qui caractérise la région dont il est originaire, il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle l'intéressé a sollicité la délivrance d'un visa de long séjour, il vivait au Kenya, et que, par elle-même, la décision contestée n'a pas pour effet de le renvoyer en Somalie. Le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnel de M. E... B... doit, par suite, être écarté.

15. En troisième lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire (...) ". Aux termes de l'article L. 232-4 de ce code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".

16. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. ".

17. Enfin, aux termes de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception. ". Aux termes de l'article L. 112-6 du même code : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. (...) ". L'article R. 112-5 du même code prévoit que si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet, l'accusé de réception de la demande doit l'indiquer et mentionner les délais et les voies de recours contre cette décision.

18. Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'un accusé de réception comportant les mentions prévues par ces dernières dispositions, les délais de recours contentieux contre une décision implicite de rejet ne sont pas opposables à son destinataire.

19. Il ressort des pièces du dossier que le silence gardé pendant plus de deux mois par la commission sur le recours formé, le 26 avril 2021, par M. F... devant la commission de recours, a fait naître une décision implicite de rejet, le 26 juin suivant. Toutefois, M. F... soutient sans être contredit que ce recours n'a pas donné lieu à un accusé de réception comportant les mentions exigées à l'article R. 112-5 du code des relations entre le public et l'administration de sorte que les délais de recours ne lui sont pas opposables. Ces délais n'étaient donc pas expirés à la date du 29 septembre 2021 à laquelle le ministre de l'intérieur a reçu la lettre par laquelle M. F... a sollicité la communication des motifs de la décision litigieuse. Il est constant que les motifs de cette décision n'ont pas été communiqués à l'intéressé dans le mois suivant sa demande de communication, le ministre de l'intérieur ayant expressément refusé de les communiquer, par une lettre du 1er octobre 2021, au motif que cette demande était tardive. Faute pour le ministre d'avoir communiqué les motifs de la décision implicite contestée dans le délai d'un mois prévu par les dispositions précitées, cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle est donc entachée d'illégalité et doit être annulée pour ce motif.

20. En égard au motif d'annulation retenu au point précédent, l'exécution du présent arrêt implique seulement que le ministre de l'intérieur et des outre-mer se prononce de nouveau sur la demande de visa présentée par M. E... B... dans un délai de deux mois. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle qui ne présente pas d'utilité pour la solution du litige, que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Il est fondé en revanche à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le tribunal administratif lui a enjoint de délivrer à M. E... B... un visa de long séjour.

Sur les conclusions présentées en appel par M. C... A... et M. E... B... tendant au prononcé d'une astreinte :

22. Ainsi qu'il vient d'être dit, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a enjoint à l'Etat de délivrer un visa de long séjour à M. E... B.... Par suite, les conclusions présentées en appel par M. C... A... et M. E... B... tendant à ce que soit prononcée " une astreinte de 200 euros par jour à l'encontre de l'Etat à défaut pour le ministre de l'intérieur d'avoir délivré le visa sollicité dans le délai imparti par ce jugement " ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

23. M. B... A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros hors taxe à Me Pronost dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E:

Article 1er : Le jugement du 4 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à M. E... B....

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. B... A... et M. E... B... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à M. E... B... sont rejetées.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de se prononcer de nouveau sur la demande de visa de M. E... B... dans un délai de deux mois.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées en appel par M. B... A... et M. E... B... tendant à ce qu'une astreinte soit prononcée à l'encontre de l'Etat, à défaut pour le ministre de l'intérieur d'avoir délivré le visa sollicité dans le délai imparti par le jugement du 4 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes, sont rejetées.

Article 6 : L'Etat versera à Me Pronost une somme de 1 200 euros hors taxe, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Pronost renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. E... B... A... et à M. G... E... B....

Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2024.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

M. LE REOUR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02857


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02857
Date de la décision : 21/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : PRONOST

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-21;22nt02857 ?
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