Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 19 décembre 2022 par laquelle la préfète de l'Oise a refusé de renouveler sa carte de résident.
Par un jugement n° 2300455 du 10 octobre 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté la requête de M. B... A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 février 2024, M. B... A..., représenté par
Me Pereira, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 octobre 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 19 décembre 2022 par laquelle la préfète de l'Oise a refusé de renouveler sa carte de résident ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de renouveler sa carte de résident.
Il soutient que :
- il ressort de la motivation de la décision attaquée qu'aucun examen de sa situation personnelle et familiale n'a été effectué ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur d'appréciation, eu égard à cette situation personnelle et familiale, alors que la prise en compte de la menace à l'ordre public doit nécessairement se combiner avec le respect des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet de l'Oise, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant marocain, né le 5 mai 1974, est entré régulièrement sur le territoire français le 13 septembre 2001, à l'âge de 27 ans. Il a bénéficié d'un titre de séjour temporaire du 19 mars 2001 au 18 mars 2002 puis, à compter du 19 mars 2002, d'une carte de résident valable dix ans, renouvelée jusqu'au 18 mars 2022. Après avis de la commission du titre de séjour, la préfète de l'Oise, par un arrêté du 19 décembre 2022, a rejeté la demande de renouvellement de sa carte de résident formée par M. A... alors qu'il était en détention pour purger une peine de réclusion criminelle de dix ans. M. A... relève appel du jugement du
10 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cette décision administrative.
2. Aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ". D'autre part, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain susvisé : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. (...) ".
3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la motivation de la décision attaquée, que celle-ci, prise le 19 décembre 2022 par la préfète de l'Oise conformément à la proposition figurant dans une fiche d'analyse du dossier de M. A... visée le 24 novembre 2022 par le directeur de la citoyenneté et des étrangers en France et analysant précisément la situation familiale, administrative et judiciaire du requérant, aurait été prise sans examen particulier de la situation de cet étranger. Le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation, notamment familiale, de M. A..., ne peut qu'être écarté.
4. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que la préfète de l'Oise a refusé de renouveler la carte de résident dont M. A... était titulaire au motif que la présence de celui-ci sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a été écroué à la maison d'arrêt d'Osny le 2 mars 2018 puis incarcéré au centre pénitentiaire de Caen le 8 septembre 2018, a été condamné à une peine de dix ans d'emprisonnement par la cour d'assises de Paris le 22 septembre 2020 pour des faits criminels de viol. Si M. A... fait valoir qu'il a adopté un comportement exemplaire durant sa détention, qu'il a travaillé activement durant son incarcération afin d'indemniser sa victime et qu'il a la capacité et la volonté de s'insérer professionnellement, produisant, d'une part, son titre professionnel de serveur en restauration et ses diplômes d'études de langue française de niveau A1 et A2, obtenus en détention, les preuves de l'exercice d'une activité professionnelle continue en prison à partir de septembre 2019 et une promesse d'embauche en qualité d'agent d'entretien et, d'autre part, une attestation de suivi psychologique en milieu pénitentiaire, la préfète de l'Oise n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant, eu égard à la gravité et au caractère récent des faits commis par l'intéressé, que celui-ci représentait, à la date à laquelle elle statuait, et à laquelle l'intéressé était encore en détention, une menace pour l'ordre public, et en lui refusant, pour ce motif, le renouvellement de sa carte de résident, tout en annonçant que sa situation ferait l'objet d'un nouvel examen après sa libération. La légalité d'une décision s'appréciant à la date à laquelle celle-ci a été prise, M. A... ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision litigieuse, de la circonstance qu'il a fait l'objet, à partir du 29 juin 2023, d'une mesure d'aménagement de peine lui permettant, au bout de cinq ans d'incarcération, de purger le reste de sa peine sous surveillance électronique à domicile, ni de la reprise, après sa libération, d'une activité de négoce de véhicules qu'il avait démarrée en décembre 2013. Dans ces conditions, et alors même que le requérant, qui a déclaré avoir un enfant à charge au Maroc, est marié avec une ressortissante marocaine qui vit en France en situation régulière avec leur fille mineure, née en 2012, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse, qui par elle-même ne sépare pas M. A... de sa fille et de la mère de celle-ci, serait entachée, eu égard à sa situation personnelle et familiale, d'erreur d'appréciation quant à la menace qu'il représenterait pour l'ordre public, et aurait été prise en violation des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 19 décembre 2022 par laquelle la préfète de l'Oise a refusé de renouveler sa carte de résident. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles aux fins d'injonction.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de l'Oise.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Brisson, présidente,
M. Vergne, président-assesseur,
Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2024.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous mandataires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24NT00281