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12/07/2024 | FRANCE | N°22NT02225

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 12 juillet 2024, 22NT02225


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. F... E... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 13 octobre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 1er juin 2021 de l'autorité consulaire française à Yaoundé (Cameroun) refusant de délivrer à Mme C... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.



Par un jugement

n° 2111663 du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.



Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 13 octobre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 1er juin 2021 de l'autorité consulaire française à Yaoundé (Cameroun) refusant de délivrer à Mme C... un visa d'entrée et de long séjour au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n° 2111663 du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 juillet 2022 et 29 août 2022, M. E... et Mme C..., représentés par Me Pronost, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 13 octobre 2021 de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France, qui s'est réunie le 13 octobre 2021, était irrégulièrement composée ;

- le lien marital allégué est établi ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 28 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mas,

- et les observations de Me Pronost, représentant M. E... et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. E... et de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 13 octobre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaires française à Yaoundé (Cameroun) rejetant la demande de visa de long séjour présentée pour Mme C... en qualité d'épouse d'un réfugié. M. E... et Mme C... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ". Aux termes de l'article D. 312-5 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le président de la commission est choisi parmi les personnes ayant exercé des fonctions de chef de poste diplomatique ou consulaire. / La commission comprend, en outre : / 1° Un membre, en activité ou honoraire, de la juridiction administrative ; / 2° Un représentant du ministre des affaires étrangères ; / 3° Un représentant du ministre chargé de l'immigration ; / 4° Un représentant du ministre de l'intérieur. / Le président et les membres de la commission sont nommés par décret du Premier ministre pour une durée de trois ans. Pour chacun d'eux, un premier et un second suppléant sont nommés dans les mêmes conditions. ". L'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prévoit que cette commission " délibère valablement lorsque le président ou son suppléant et deux de ses membres au moins, ou leurs suppléants respectifs, sont réunis ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, lors de la séance du 13 octobre 2021, au cours de laquelle elle a examiné le recours formé pour Mme C..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa s'est réunie en présence de son président et de quatre de ses membres. Le quorum étant atteint, le moyen tiré de la composition irrégulière de cette commission manque en fait et doit, par suite, être écarté.

4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 561-4 du même code : " Les articles L. 434-1, L. 434-3 à L. 434-5 et le premier alinéa de l'article L. 434-9 sont applicables (...) ". Aux termes de l'article L. 561-5 de ce code : " Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. Enfin, aux termes de l'article L. 434-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 434-2 à L. 434-4. Un regroupement partiel peut toutefois être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants ". A... résulte de ces dispositions que la réunification familiale doit concerner, en principe, l'ensemble de la famille du ressortissant étranger qui demande à en bénéficier et qu'une réunification familiale partielle ne peut être autorisée à titre dérogatoire que si l'intérêt des enfants le justifie. L'intérêt des enfants doit s'apprécier au regard de l'ensemble des enfants mineurs du couple, qu'ils soient ou non concernés par la demande de regroupement. C'est au ressortissant étranger qu'il incombe d'établir que sa demande de réunification familiale partielle est faite dans l'intérêt des enfants.

7. Pour rejeter la demande de visa présentée pour Mme C..., la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les motifs tirés de ce que le lien matrimonial entre l'intéressée et M. E... n'est pas établi du fait des déclarations incohérentes de ce dernier quant à sa situation familiale et de ce qu'aucun visa n'a été demandé pour les trois enfants mineurs de M. E..., en méconnaissance du principe d'unité familiale.

8. Pour justifier de leur lien matrimonial, M. E... et Mme C... ont produit un acte de mariage n°2015/CE7705/M/121, établi le 26 décembre 2015 par l'officier d'état-civil du centre d'état-civil de Nfon Alen de la commune de Yaoundé VI, une attestation d'existence de souche de cet acte établie par le même centre d'état-civil le 23 septembre 2021 ainsi qu'une copie du même acte obtenue dans le cadre d'une levée d'acte réalisée à la demande de l'autorité consulaire le 10 mars 2021.

9. Toutefois, le ministre de l'intérieur et des outre-mer fait valoir que M. E... s'est déclaré célibataire lors du dépôt de sa demande d'asile et que la qualité de réfugié lui a été reconnue, par arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 6 novembre 2019, en raison des risques pesant sur lui dans son pays d'origine du fait de son homosexualité. Il ressort des pièces du dossier que, lors de l'entretien qu'il a eu avec un agent de protection le 10 avril 2018, M. E... a précisé avoir contracté un mariage de convenance en 2010 avec une femme avec laquelle il a eu trois enfants, nés en 2011, 2013 et 2015, afin de dissimuler son homosexualité, n'avoir jamais eu de relation avec une autre femme, sans alors évoquer son mariage avec Mme C... célébré en 2014, ainsi que cela ressort d'une note de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) datée du 7 mai 2021. Il ressort des pièces du dossier que M. E... n'a mentionné son mariage avec cette dernière que le 4 décembre 2019 lorsqu'il a renseigné la fiche familiale de référence adressée à l'OFPRA. M. E... et Mme C... n'expliquent pas de manière satisfaisante la contradiction entre ces déclarations et les mentions portées sur l'acte de mariage établi antérieurement, le 26 décembre 2015. Le caractère incohérent des déclarations de M. E... et l'absence d'explication constituent des données extérieures, au sens de l'article 47 du code civil, qui sont de nature à remettre en cause l'exactitude des mentions portées dans l'acte de mariage du 26 décembre 2015. Par ailleurs, si les requérants justifient de l'envoi de mandats financiers à Mme C... à compter du mois de mars 2020 et produisent quelques témoignages de proches et des photographies du couple, ces éléments ne suffisent pas à établir la réalité et l'ancienneté de leur relation maritale. Dans ces conditions, en rejetant la demande de visa formée pour Mme C... au motif que le lien marital unissant l'intéressée à M. E... n'était pas établi, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". En l'absence de lien matrimonial entre M. E... et Mme C..., le moyen tiré de la méconnaissance de ses stipulations doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. E... et de Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions présentées à fin d'injonction et d'astreinte doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par le conseil de M. E... et de Mme C... en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M E... et de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E..., à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Montes-Derouet, présidente,

- M. Dias, premier conseiller,

- M. Mas, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2024.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

I. MONTES-DEROUET

La greffière,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02225


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02225
Date de la décision : 12/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MONTES-DEROUET
Rapporteur ?: M. Benoît MAS
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : PRONOST

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-12;22nt02225 ?
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