Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Le Pôle de Santé Léonard de Vinci a demandé au tribunal de Rennes d'annuler l'avis des sommes à payer n° 1446911 du 17 juillet 2020 d'un montant de 3 504,60 euros émis par le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Rennes pour le paiement d'actes de biologie moléculaire hors nomenclature.
Par un jugement n° 2003726 du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 août 2023, le Pôle de Santé Léonard de Vinci, représenté par Me Martin demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'avis n° 1446911 émis le 17 juillet 2020 par le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Rennes pour le règlement d'actes de biologie moléculaire hors nomenclature et de le décharger de l'obligation de payer la somme de 3 504,60 euros correspondante ;
3°) de mettre à la charge du CHRU de Rennes la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les prestations réalisées par le CHRU de Rennes ne peuvent lui être facturées dès lors que les patients qu'elles concernent n'étaient pas hospitalisés en son sein, ont été examinés dans le cadre de consultations privées, qu'aucun lien juridique ne les relie avec le Pôle de santé et qu'ils doivent être considérés comme des patients du CHRU de Rennes qui a réalisé les analyses médicales à leur bénéfice ;
- l'instruction ministérielle du 16 avril 2018, en tant qu'elle crée un lien juridique entre un établissement privé à but lucratif et des patients reçus en consultation par des médecins libéraux disposant de locaux au sein dudit établissement est illégale au regard des dispositions des articles L. 162-22-6 d) du code de la sécurité sociale et R. 162-33-2 2° du code de la santé publique excluant des tarifs de prestations les honoraires perçus par les médecins libéraux, y compris les examens de biologie médicale ; il ne peut être réclamé au Pôle des sommes qu'il ne peut facturer puisqu'elles ne correspondent à aucune prestation effectivement rendue par lui au patient et qu'il n'existe aucun contrat le liant à celui-ci ;
- le Pôle de santé Léonard de Vinci ne peut être qualifié d'établissement demandeur pour les patients soignés par des médecins libéraux dans le cadre de consultations externes ;
- à supposer qu'il doive prendre en charge ces prestations, celles-ci ne peuvent lui être facturées en l'absence d'accord préalable ;
- alors que l'instruction ministérielle du 16 avril 2018 rappelle le caractère limitatif de la dotation MERRI et que le Pôle finance sur ses deniers propres une partie non négligeable, de l'ordre de 50%, des dépenses de biologie médicale pour ses patients, l'extension de cette prise en charge pour les examens prescrits aux patients externes accueillis en libéral a pour effet de faire peser une charge indue sur le Pôle.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 février 2024, le CHRU de Rennes, représenté par la SELARL Houdart et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du Pôle de Santé Léonard de Vinci la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 18 juin 2019 fixant la liste des structures, des programmes, des actions, des actes et des produits financés au titre des missions d'intérêt général mentionnées aux articles D. 162-6 et D. 162-7 du code de la sécurité sociale, ainsi que la liste des missions d'intérêt général financées au titre de la dotation mentionnée à l'article L. 162-23-8 du même code ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne,
- et les conclusions de M. Berthon,
Considérant ce qui suit :
1. Le 17 juillet 2020, le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Rennes a émis à l'encontre du Pôle de santé Léonard de Vinci, établissement de santé privé à but lucratif, un avis des sommes à payer d'un montant de 3 504,60 euros correspondant à la facturation d'actes de biologie moléculaire hors nomenclature réalisés par son laboratoire d'analyses. Le Pôle de santé Léonard de Vinci estime que cette somme est indûment mise à sa charge dès lors qu'elle correspond à des prestations effectuées pour répondre à des prescriptions établies par des médecins libéraux pour soigner leur patientèle externe en dehors de toute hospitalisation, dont le financement doit être assuré par la dotation constituée au sein de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour financer les " missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation " (MIGAC). Il relève appel du jugement du 21 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet avis et à la décharge de l'obligation de payer cette somme.
Sur les conclusions à fins d'annulation de l'avis de somme à payer du 17 juillet 2020 et de décharge de l'obligation de payer la somme mise à sa charge :
2. Aux termes aux termes de l'article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale : " Il est créé, au sein de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie prévu au 3° de l'article
LO 111-3-5, une dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation des établissements de santé mentionnés aux a, b, c et d de l'article
L. 162-22-6. Cette dotation participe notamment au financement de la recherche (...). Elle participe également au financement des engagements relatifs (...) à la mise en œuvre de la politique nationale en matière d'innovation médicale (...) ". Cette dotation est désignée sous le sigle " MIGAC ". Aux termes de l'article D. 162-6 du même code : " Peuvent être financées par la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation mentionnée à l'article L. 162-22-13 les dépenses correspondant aux missions d'intérêt général suivantes : / 1° L'enseignement, la recherche, le rôle de référence et l'innovation. Notamment, à ce titre : / (...) / d) Les activités de soins réalisées à des fins expérimentales ou la dispensation des soins non couverts par les nomenclatures ou les tarifs ; / (...) ". Ces missions sont couramment désignées sous le sigle " MERRI ". Aux termes de l'article D. 162-8 du même code : " Un arrêté précise la liste des structures, des programmes et des actions ainsi que des actes et produits pris en charge par la dotation nationale mentionnée à l'article L. 162-22-13 au titre des missions mentionnées aux articles D. 162-6 et D. 162-7 (...) ".
3. D'autre part, le I de l'article L. 6211-19 du code de la santé publique prévoit que " Lorsqu'un laboratoire de biologie médicale n'est pas en mesure de réaliser un examen de biologie médicale, il transmet à un autre laboratoire de biologie médicale les échantillons biologiques à des fins d'analyse et d'interprétation (...) ".
4. L'arrêté du 18 juin 2019 auquel renvoie l'article D. 162-8 du code de la sécurité sociale comporte en son annexe 1 un tableau des missions ayant vocation à être financées par la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation mentionnée à l'article L. 162-22-13. Y figure notamment, référencée sous le code G03, la mission relative aux " actes de biologie (...) non inscrits aux nomenclatures, à l'exception de ceux faisant l'objet d'autres financements hospitaliers ".
5. L'instruction DGOS/PF4/DSS/1A/2018/101 du 16 avril 2018, publiée au bulletin officiel du ministère des solidarités et de la santé, relative aux actes de biologie médicale et d'anatomopathologie hors nomenclatures éligibles au financement au titre de la mission d'intérêt général d'enseignement, de recherche, de rôle de référence et d'innovation G03, aux règles de facturation de ces actes et aux modalités de délégation, laquelle a abrogé la circulaire du 23 décembre 2009 relative aux règles de facturation des actes de biologie et
d'anatomo-pathologie non-inscrits à la nomenclature des actes de biologie médicale, décrit les modalités de prise en charge des actes effectués au titre de la MERRI G03. Elle prévoit en son point 2. b que " (...) Dans les cas où l'acte est prescrit et réalisé dans le même établissement de santé, il est éligible à un financement par cette dotation. Dans les cas où l'acte est prescrit et réalisé dans des établissements de santé distincts, il peut également être financé par cette dotation. Dans chacun des deux cas précédents, l'acte peut être financé si le patient est en consultation externe, en prestation hospitalière sans hospitalisation ou en prestation hospitalière avec hospitalisation. (...) ". Cette instruction prévoit en outre, dans son point 2. c., que, dans le cas où l'acte est prescrit et réalisé dans des établissements de santé distincts, si les actes hors nomenclature prescrits sont éligibles au financement de la dotation au titre de la mission G03 telle que détaillée au paragraphe 2.b., l'établissement prescripteur peut demander un financement et que l'établissement qui a réalisé tout ou partie d'une ou plusieurs phases de l'acte pour l'établissement prescripteur - dit établissement effecteur - peut adresser une facture à l'établissement prescripteur pour couvrir les coûts de réalisation de la ou des phase(s) de l'acte effectuée(s) dans son établissement.
6. En premier lieu, l'instruction du 16 avril 2018 analysée ci-dessus concerne les actes de biologie médicale et d'anatomopathologie correspondant à des activités de soins réalisées à des fins expérimentales ou à la dispensation de soins non couverts par les nomenclatures, dont les articles L. 162-22-13 et D. 162-6 du code de la sécurité sociale prévoient le financement par une dotation nationale au titre de la mission d'intérêt général d'enseignement, de recherche, de rôle de référence et d'innovation G03 (MERRI G03). Le Pôle requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que cette instruction serait contraire au 2° de l'article R. 162-33-2 du code de la sécurité sociale, excluant les honoraires perçus par les médecins libéraux des établissements de santé privés, " y compris les examens de biologie médicale ", des forfaits applicables pour le remboursement de catégories de prestations d'hospitalisation donnant lieu à une prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette instruction ne peut, par suite, être accueilli.
7. En deuxième lieu, les analyses effectuées par le laboratoire du CHRU l'ont été sur le fondement de prescriptions médicales établies sur des ordonnances à l'en-tête du Pôle de santé Léonard de Vinci et qui suffisent pour identifier celui-ci comme établissement demandeur ou " prescripteur ". Si l'appelant soutient que ces prescriptions ont été émises par des praticiens libéraux exerçant en son sein, dans le cadre de consultations externes, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que cet établissement de santé privé puisse être qualifié d'" établissement prescripteur " au sens des dispositions précitées de l'instruction du 16 avril 2018, éligible au financement par la dotation au titre de la mission G03. En vertu de ces mêmes dispositions, le CHRU de Rennes, dit " établissement effecteur " a pu valablement adresser au Pôle de santé Léonard de Vinci, établissement prescripteur, une facture destinée à couvrir les coûts de réalisation des actes qu'il a effectués pour celui-ci. Par suite, le moyen tiré de ce que l'établissement requérant ne serait pas redevable des sommes mises à sa charge aux motifs qu'elles ne concernent pas des personnes hospitalisées ou liées au Pôle par un contrat ou qu'elles correspondraient à des prescriptions étrangères à ses activités doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 162-17 du code de la sécurité sociale : " Le laboratoire de biologie médicale qui transmet à un autre laboratoire un échantillon biologique (...) accompagne la fiche de transmission de cet échantillon d'une copie de la prescription médicale mentionnée à l'article L. 6211-8 (...) / Le laboratoire de biologie médicale qui a effectué les examens de biologie médicale informe le laboratoire transmetteur du tarif de chacun de ces examens. Les tarifs sont conformes à ceux mentionnés à l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale lorsque les examens réalisés figurent sur la liste d'actes et de prestations prévue à l'article L. 162-1-7 du même code ou sont fixés avec tact et mesure lorsqu'ils n'y figurent pas ". Contrairement à ce que soutient l'établissement requérant, ces dispositions n'imposent pas qu'avant de réaliser les actes qui lui sont demandés, qu'ils soient ou pas inscrits aux nomenclatures, l'établissement dit " effecteur " informe l'établissement dit " prescripteur " du tarif applicable à ces actes, ni qu'il recueille l'accord de celui-ci sur l'application de ce tarif, mais seulement qu'il lui délivre une information lui permettant, s'il s'agit d'actes prévus aux nomenclatures, la vérification de la conformité des tarifs appliqués avec ceux mentionnés à l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale, et, s'il s'agit d'actes hors nomenclature, de s'assurer que les tarifs appliqués ont été fixés avec tact et mesure. Il s'ensuit que le moyen tiré du défaut d'accord préalable de prise en charge des analyses médicales faisant l'objet du titre litigieux doit être écarté.
9. En quatrième lieu, le e) du paragraphe 2 de l'instruction du ministère de la santé n° DGOS/PF4/DSS/1A/2018/101 du 16 avril 2018 prévoit que : " La dotation au titre de la mission G03 ''Actes hors nomenclatures'' est déléguée dans le cadre des circulaires ministérielles relatives aux campagnes tarifaires et budgétaires des établissements de santé. / (...) / Cette dotation est une enveloppe de crédits limitative. La répartition de cette dotation entre les établissements de santé participant à cette mission d'intérêt général est calculée à l'aide des données d'activité remontées par les établissements. / Au début de l'année n, les établissements de santé déclarent l'activité réalisée pendant l'année n-1 pour leurs besoins propres ; l'activité réalisée pour un tiers pendant l'année n-1 et facturée à ce même tiers du 1er janvier de l'année n-1 jusqu'au 31 janvier de l'année n inclus ; l'activité qui a fait l'objet d'une réalisation par un tiers pendant l'année n-1 et d'une facturation par ce même tiers du 1er janvier de l'année n-1 jusqu'au 31 janvier de l'année n inclus. Les établissements de santé sont tenus de respecter les recommandations de déclaration sur le logiciel dédié, telles que diffusées sur la page dédiée du site du ministère chargé de la santé. / (...) ".
10. Il résulte de l'instruction que les analyses médicales dont le règlement fait l'objet du titre de recette litigieux émis le 17 juillet 2020, si elles ont pu être prescrites en 2019, ont toutes été effectuées en 2020. Il suit de là que le Pôle de santé Léonard de Vinci ne peut soutenir que la déclaration de sa créance par le CHRU serait intervenue au-delà de l'année suivant la réalisation de ces actes et qu'elle serait donc tardive au regard de la procédure de déclaration prévue par l'instruction ministérielle du 16 avril 2018. En tout état de cause, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'écarter l'application des dispositions législatives et réglementaires régissant la prescription des créances des personnes publiques et, par suite, d'empêcher un établissement public de santé de facturer un acte de biologie ou d'anatomopathologie hors nomenclature réalisé pour le compte d'un établissement privé au-delà du 31 janvier de l'année suivant celle de l'acte. Le moyen tiré de ce que le titre exécutoire n° 1446911 est tardif pour avoir été émis le 17 juillet 2020 doit dès lors être écarté.
11. En dernier lieu, le Pôle de santé Léonard de Vinci, qui se borne à faire valoir que " les enveloppes financières allouées [au titre de la mission G03 Actes hors nomenclature ] constituent des crédits limitatifs " ne démontre pas que, comme il le soutient, il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un financement au titre de la dotation nationale de financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation des établissements de santé (MIGAC), pour les prescriptions faites dans son établissement. Le moyen tiré de ce que sa prise en charge des examens prescrits aux patients externes accueillis en libéral aurait pour effet de faire peser sur lui une charge injustifiée ne peut donc, en tout état de cause, être accueilli.
12. Il résulte de ce qui précède que le Pôle de santé Léonard de Vinci n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'obligation de payer la somme de 3 504,60 euros qui lui a été réclamée par l'avis des sommes à payer n° 1446911 émis le 17 juillet 2020 par le CHRU de Rennes.
Sur les frais liés à l'instance :
13. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHRU de Rennes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que réclame le Pôle de Santé Léonard de Vinci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D'autre part, en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Pôle de Santé Léonard de Vinci le versement d'une somme de 1 500 euros au CHRU de Rennes au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du Pôle de santé Léonard de Vinci est rejetée.
Article 2 : Le Pôle de Santé Léonard de Vinci versera au CHRU de Rennes une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié au Pôle de Santé Léonard de Vinci et au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Rennes.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2024.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02608