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20/09/2024 | FRANCE | N°23NT01793

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 20 septembre 2024, 23NT01793


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier d'Argentan à lui verser la somme de 393 529,45 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2019 en réparation des préjudices résultant des conditions de sa prise en charge par le centre hospitalier d'Argentan le 22 août 2018.



Par un jugement n° 2101880 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Caen a :

- condamné le centre h

ospitalier d'Argentan à verser à Mme B... la somme de 64 950,56 euros assortie des intérêts au taux léga...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier d'Argentan à lui verser la somme de 393 529,45 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2019 en réparation des préjudices résultant des conditions de sa prise en charge par le centre hospitalier d'Argentan le 22 août 2018.

Par un jugement n° 2101880 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Caen a :

- condamné le centre hospitalier d'Argentan à verser à Mme B... la somme de 64 950,56 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2021 (article 1er) ;

- mis à la charge du centre hospitalier le versement à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Orne de la somme de 4 904,53 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2021 et de leur capitalisation à compter du 9 février 2023 (article 2) ;

- mis à la charge du centre hospitalier le versement annuel à la CPAM de l'Orne de la somme de 1 605,80 euros, ladite rente étant revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale (article 3) ;

- condamné le centre hospitalier à rembourser à la CPAM la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion (article 4) ;

- mis les frais d'expertise, liquidés et taxés à hauteur de 1 200 euros, à la charge définitive du centre hospitalier d'Argentan (article 5) ;

- mis à la charge du centre hospitalier le versement à Mme B... de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (article 6) ;

- rejeté le surplus des conclusions des parties (article 7).

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée sous le n° 23NT01793, le 17 juin 2023, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne, représentée par Me Bourdon, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a limité à 4 904,53 euros le montant de l'indemnité à laquelle il a condamné le centre hospitalier d'Argentan en réparation du préjudice qu'elle a subi ;

2)° de condamner le centre hospitalier d'Argentan à lui rembourser les sommes de 1 344,22 euros, 3 320,60 euros et 3 212,33 euros ainsi qu'une rente annuelle de 2 917,13 euros à compter du 6 avril 2023 à revaloriser et une indemnité forfaitaire de gestion à hauteur de 1 162 euros à parfaire ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier les dépens ainsi que le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les préjudices évalués par l'expert judiciaire ne concernent que la paralysie sensitivomotrice séquellaire L5 gauche dont Mme B... reste atteinte ;

- les dépenses de santé actuelles qu'elle a exposées pour Mme B... avant sa consolidation, qui sont en rapport avec le seul retard de diagnostic qu'elle a subi, s'élèvent à 1 344,22 euros ;

- l'intégralité des indemnités journalières versées du 23 novembre 2018 au 11 décembre 2019 sont dues à la paralysie du pied gauche de Mme B... ; elle est fondée à solliciter, au titre des pertes de gains professionnels actuelles, le remboursement de la somme de 3 320,60 euros dès lors que le préjudice économique personnel de Mme B... s'élève à 4 790,53 euros sur un montant de 8 111,13 euros tenant déjà compte de sa perte de chance de 70 % ;

- les dépenses de santé futures postérieures à la décision ouvrent droit à une rente annuelle de 4 167,33 euros, laquelle doit être ramenée à 2 917,13 euros pour tenir compte de la perte de chance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2024, le centre hospitalier d'Argentan, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne ne sont pas fondés et s'en rapporte à sa requête enregistrée sous le n° 23NT02083.

Il ajoute que les frais futurs viagers s'élevant à la somme de 2 059,91 euros par an, la rente annuelle mise à sa charge ne saurait excéder 1 441,93 euros.

II - Par une requête, enregistrée sous le n° 23NT01950, le 30 juin 2023, Mme C... B..., représentée par Me Arin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 12 mai 2023 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de porter la somme que le centre hospitalier d'Argentan a été condamné à lui verser à la somme globale de 398 453,85 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2019 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la responsabilité du centre hospitalier est engagée à raison d'un retard de diagnostic ;

- ce retard, qui a différé le traitement chirurgical adéquat, et même nécessité une intervention chirurgicale qui n'était peut-être pas nécessaire et diminué ses chances de récupération neurologique ; sa perte de chance ne peut être inférieure à 90 % ;

- le retard de diagnostic a impliqué une intervention chirurgicale qui n'aurait peut-être pas été nécessaire de sorte que ses dépenses de santé s'élèvent à 5 713,19 euros ;

- sa perte de gains professionnels actuelle sera évaluée à 10 418,93 euros ;

- ses dépenses de santé futures, sont évaluées à 120 075,26 euros ;

- ses frais de véhicule adapté seront évalués à 26 319,20 euros ;

- ses frais de logement seront évalués à 100 euros ;

- ses pertes de gains professionnels futurs et son incidence professionnelle seront évalués à 174 553 euros et 10 000 euros ;

- son déficit fonctionnel temporaire sera indemnisé par la somme de 10 200 euros ;

- ses souffrances endurées seront indemnisées à hauteur de 3 000 euros ;

- son préjudice esthétique temporaire sera évalué à 6 000 euros ;

- son déficit fonctionnel permanent sera évalué à 22 500 euros ;

- son préjudice esthétique permanent sera indemnisé à hauteur de 3 000 euros ;

- son préjudice d'agrément sera indemnisé à hauteur de 3 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2023, la CPAM de l'Orne, représentée par Me Bourdon, conclut par la voie de l'appel provoqué, à l'annulation des articles 2, 3 et 4 du jugement attaqué, à la condamnation du centre hospitalier d'Argentan à lui rembourser les sommes de 1 344,22 euros, 3 320,60 euros et 3 212,33 euros ainsi qu'une rente annuelle de 2 917,13 euros à compter du 6 avril 2023 à revaloriser, une indemnité forfaitaire de gestion de 1 162 euros et à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier les dépens ainsi que la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle s'en rapporte à sa requête enregistrée sous le n° 23NT01793.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2024, le centre hospitalier d'Argentan, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés et s'en rapporte à sa requête enregistrée sous le n° 23NT02083.

Il ajoute que :

- les frais de véhicule de Mme B... au titre de la période postérieure à 2029 seront réduit à 6 000 euros ;

- et l'indemnisation de son DFT sera ramenée à 809,90 euros.

III - Par une requête et un mémoire, enregistrés, sous le n° 23NT02083, les 7 juillet et 14 août 2023, le centre hospitalier d'Argentan, représentée par Me Le Prado, demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement du tribunal administratif de Caen du

12 mai 2023 ;

2°) de rejeter les conclusions de Mme B... et de la CPAM de l'Orne.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée ; lors de son admission aux urgences,

Mme B... ne présentait pas une sciatique paralysante inférieure à 3/5, ni un syndrome de la queue de cheval, mais une impotence fonctionnelle liée à la douleur, qui a diminué sous

anti-inflammatoires et antalgiques ; il n'y avait donc pas lieu de procéder à un scanner dès le

22 août 2018 ; le déficit moteur constaté le 28 août (loge antéro-externe de la jambe) était différent de celui que présentait Mme B... le 22 août (flexion de la cuisse) ; son état de santé s'est aggravé entre le 22 et le 28 août 2018, puis entre le 7 (déficit de 3/5 aux urgences de Saint-Martin) et le 10 septembre 2018 (déficit de 0/5) ; en tout état de cause lorsqu'il existe une paralysie à 3/5 un scanner doit être réalisé dans un délai de 7 semaines, or Mme B... a bénéficié de cet examen 13 jours après sa prise en charge aux urgences ;

- un retard de diagnostic de quelques jours ne modifie pas significativement le pronostic de récupération de sorte qu'il n'existe pas de lien de causalité entre l'absence de scanner le 22 août 2018 et la persistance d'un déficit moteur en post-opératoire ;

- à supposer que le défaut de réalisation d'un scanner le 22 août 2018 constitue un manquement fautif, il ne pourrait avoir occasionné à Mme B... qu'une perte de chance très limitée de récupération neurologique, laquelle ne saurait être supérieure à 10 % ;

- certaines indemnités allouées par le tribunal administratif ne sont pas justifiées et sont excessives ;

- les pertes de revenus futurs de Mme B... au titre de la période comprise entre le

27 février 2023 et le 29 septembre 2023 devront être écartées si l'intéressée ne justifie pas des revenus professionnels qu'elle a perçus ou qu'elle percevra dans le cadre de sa formation professionnelle en entreprise, lesquels doivent venir en déduction de l'indemnité accordée ;

- Mme B... ne saurait prétendre à une indemnisation au titre de l'incidence professionnelle dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle ne pouvait plus exercer son métier d'hôtesse de caisse et que sa reconversion professionnelle n'est pas de nature à accroître la pénibilité de son travail ; à tout le moins, cette indemnisation sera ramenée à de plus justes proportions ;

- Mme B..., qui ne justifie pas, autrement que par ses propres déclarations, qu'elle pratiquait avant le 22 août 2018 une activité sportive ou de loisirs, ne saurait être indemnisée d'un préjudice d'agrément.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2023, la CPAM de l'Orne, représentée par Me Bourdon, conclut au rejet de la requête du centre hospitalier d'Argentan, et par la voie de l'appel incident, à l'annulation des articles 2,3 et 4 du jugement attaqué, à la condamnation du centre hospitalier d'Argentan à lui rembourser les sommes de 1 344,22 euros, 3 320,60 euros et 3 212,33 euros ainsi qu'une rente annuelle de 2 917,13 euros à compter du 6 avril 2023 à revaloriser, l'indemnité forfaitaire de gestion de 1 162 euros et à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier les dépens ainsi que la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le centre hospitalier d'Argentan ne sont pas fondés et s'en rapporte à sa requête enregistrée sous le n° 23NT01793 pour le surplus.

Par un courrier du 22 décembre 2023, Mme B... a été mise en demeure de produire sa défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- et les conclusions de M. Catroux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., qui est née en 1984, a été hospitalisée en urgence au centre hospitalier d'Argentan le 22 août 2018 pour des douleurs vives au niveau de la hanche gauche avec irradiations. A sa sortie de l'hôpital, des antalgiques et des anti-inflammatoires lui ont été prescrits dans l'attente de son rendez-vous déjà programmé le 28 août suivant chez un neurologue en raison des crampes dont elle était victime depuis plusieurs mois. A la suite de cette consultation, un scanner réalisé le 3 septembre 2018 a révélé qu'elle souffrait d'une hernie discale L4/L5, laquelle a justifié une intervention chirurgicale pratiquée le 18 septembre 2018. L'intéressée conserve des séquelles importantes consistant en une paralysie des releveurs du pied gauche accompagnée d'hypoesthésie et de douleurs neuropathiques. La professeure A..., désignée en qualité d'experte judiciaire, a remis son rapport le 4 février 2020 et fixé la date de consolidation de l'état de santé de Mme B... au 11 décembre 2019. Le 17 juin 2021, l'intéressée a présenté une réclamation préalable auprès du centre hospitalier d'Argentan, laquelle est restée sans réponse. Elle a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à l'indemniser à hauteur de la somme globale de 393 529,45 euros. Elle invoquait un retard de diagnostic à l'occasion de son admission aux urgences le 22 août 2018. La CPAM de l'Orne a sollicité le remboursement par le centre hospitalier de ses débours et des dépenses de santé à venir, qu'elle a chiffrés à 202 550,76 euros. Par un jugement du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Caen a estimé que si un scanner avait été réalisé lors de la prise en charge de cette patiente au centre hospitalier d'Argentan, cet examen aurait permis de constater qu'elle souffrait d'une sciatique paralysante par hernie discale susceptible de justifier une intervention chirurgicale en urgence. Les premiers juges ont considéré que ce retard de diagnostic fautif, avait fait perdre à Mme B... une chance de réduire les séquelles dont elle reste atteinte, de 70 %. Le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier d'Argentan à lui verser la somme de 64 950,56 euros en réparation de ses préjudices et mis à la charge de cet établissement le remboursement à la CPAM de ses débours à hauteur de 4 904,53 euros, le versement d'une rente annuelle de 1 605,80 euros au titre des dépenses de santé futures et de la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Les frais d'expertise ont été mis à la charge définitive du centre hospitalier d'Argentan. Dans sa requête enregistrée sous le n° 23NT01793, la CPAM de l'Orne ne conteste que le montant des sommes que le centre hospitalier a été condamné à lui rembourser. Dans sa requête enregistrée sous le n° 23NT01950, Mme B... demande de porter le taux de sa perte de chance à 90 % et remet en cause l'évaluation de certains de ses préjudices. Dans sa requête enregistrée sous le n° 23NT02083, le centre hospitalier d'Argentan soutient, à titre principal, que sa responsabilité ne peut être engagée, à titre subsidiaire, que le taux de perte de chance de Mme B... d'échapper aux séquelles qu'elle présente doit être réduit à 10 % et, à titre très subsidiaire, sollicite la minoration des sommes mises à sa charge.

2. Les requêtes enregistrées sous les n° 23NT01793, 23NT01950 et 23NT02083 mentionnées au point 1, concernent la mise en cause du centre hospitalier d'Argentan à l'occasion de la prise en charge de Mme B... lors de son admission aux urgences le 22 août 2018 et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la responsabilité du centre hospitalier :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

4. Il résulte de l'instruction, que si lors de son admission aux urgences du centre hospitalier d'Argentan, le 22 août 2018, Mme B... a bénéficié d'examens médicaux approfondis, en revanche, le signe de Lasègue n'a pas été recherché et il n'a pas davantage été jugé utile de procéder à un scanner. Au vu des documents médicaux dont elle disposait et du tableau clinique présenté par l'intéressée, l'experte judiciaire a estimé que l'absence de réalisation de ce dernier examen constituait une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier. A l'appui de sa requête d'appel, le centre hospitalier a produit l'avis du docteur D..., expert auprès des tribunaux et neurochirurgien, remettant en cause cette analyse. Ce spécialiste précise en effet qu'une sciatique paralysante correspond à un déficit strictement à 3/5, et non à un déficit de 3/5 comme le mentionne le compte-rendu établi par le service des urgences du centre hospitalier d'Argentan. Il ajoute que la récupération de la patiente placée sous antalgiques et anti-inflammatoires, atteste plus " vraisemblablement " d'une impotence fonctionnelle liée à la douleur. Dans cette hypothèse, l'absence de réalisation d'un scanner le jour même, alors que Mme B... devait se rendre chez un neurologue six jours plus tard, ne lui apparaît pas fautive. Compte tenu de la contradiction de ces avis médicaux, l'état du dossier ne permet pas de statuer en connaissance de cause sur la requête du centre hospitalier d'Argentan et les prétentions indemnitaires de Mme B....

5. Il y a lieu, dans ces conditions, d'ordonner avant-dire droit une expertise aux fins précisées ci-après à l'article 3 du dispositif du présent arrêt et de réserver jusqu'en fin d'instance les droits et moyens sur lesquels il n'est pas expressément statué par celui-ci, incluant les conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il sera procédé, avant dire droit, à une expertise médicale contradictoire entre les parties.

Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il pourra solliciter la désignation d'un sapiteur et accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 3 : L'expert aura pour mission de :

1°) se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de Mme B... ; convoquer et entendre les parties ainsi que tout sachant ; procéder à l'étude de l'entier dossier médical de Mme B... et à son examen clinique ;

2°) décrire l'état de santé de Mme B... à la date du 22 août 2018 lors de son admission aux urgences du centre hospitalier d'Argentan ainsi que l'évolution chronologique de sa pathologie dans les jours qui ont suivi cette hospitalisation ;

3°) dire si la recherche du signe de Lasègue dès le 22 août 2022 aurait permis de poser le diagnostic d'une hernie discale justifiant une intervention chirurgicale en urgence ou s'il aurait pu mettre en évidence la nécessité de poursuivre les investigations médicales en réalisant notamment un scanner, le jour même ;

4°) dire si, compte tenu du tableau clinique observé par le service des urgences et des recommandations de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation de la santé, l'absence de réalisation d'un scanner le 22 août 2018, est fautive alors que l'intéressée avait un rendez-vous le 28 août suivant chez un neurologue ;

5°) évaluer, en cas de faute commise par le centre hospitalier d'Argentan, le taux de perte de chance subi par Mme B..., en tenant compte de l'évolution prévisible de sa pathologie ;

6°) évaluer les différents préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux, temporaires et permanents, subis par Mme B... en raison de cette perte de chance.

Article 4 : L'expert accomplira la mission définie à l'article 2 dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il pourra, au besoin, se faire assister par un sapiteur préalablement désigné par le président de la cour.

Article 5 : L'expert appréciera, l'utilité de soumettre au contradictoire des parties un pré-rapport.

Article 6 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires, accompagné de l'état de ses vacations, frais et débours. Il en notifiera copie aux personnes intéressées, notification qui pourra s'opérer sous forme électronique avec l'accord desdites parties, à laquelle il joindra copie de l'état de ses vacations, frais et débours.

Article 7 : Les frais et honoraires dus à l'expert seront taxés ultérieurement par le président de la cour conformément aux dispositions de l'article R. 621-13 du code de justice administrative.

Article 8 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au centre hospitalier d'Argentan, et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente de chambre,

- M. Vergne, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 septembre 2024.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

C. BRISSON

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 23NT01793, 23NT01950, 23NT02083


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01793
Date de la décision : 20/09/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : BOURDON VINCENT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-20;23nt01793 ?
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