Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 9 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 24 novembre 2021 de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjoint de Français.
Par un jugement n° 2204098 du 23 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 février 2023, M. B..., représenté par Me Frery, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 9 février 2022 de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France est insuffisamment motivée en droit ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'erreur de droit, en ce que la commission s'est fondée sur une disposition inapplicable à sa situation ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 mai 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 18 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 mai 2024.
Des mémoires de production de pièces ont été présentés pour M. B... les 25 septembre 2024 et 26 septembre 2024, après la clôture de l'instruction et n'ont pas été communiqués.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 23 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B..., ressortissant tunisien né le 3 mars 1989, tendant à l'annulation de la décision du 9 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 19 novembre 2021 des autorités consulaires françaises à Tunis rejetant sa demande de visa de long séjour présentée en qualité de conjoint de Français. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. L'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour dont la durée de validité ne peut être supérieure à un an. " Aux termes de l'article L. 312-3 du même code : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. ".
3. Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, de l'établir, la seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée n'y faisant pas obstacle.
4. Pour rejeter la demande de visa présentée par M. B..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le caractère frauduleux du mariage de l'intéressé avec Mme D... F..., ressortissante française, le 21 août 2021, qui aurait été contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale compte tenu de l'absence de communauté de vie entre les époux et d'échanges réguliers entre les époux depuis le mariage, de l'absence de projet concret de vie commune et de l'absence de participation de M. B... aux charges du mariage.
5. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur, M. B... justifie, par de nombreuses attestations de proches, plusieurs photographies, des factures, des documents bancaires, des relevés téléphoniques et des messages échangés sur des services de messagerie instantanée depuis le mois d'octobre 2019, que les époux se sont rencontrés en octobre 2019, ont emménagé ensemble au domicile de Mme F... en décembre 2019, ouvert un compte bancaire joint le 28 octobre 2020 et ont régulièrement échangé pendant toute la période précédant leur mariage, intervenu vingt-deux mois après leur rencontre et après vingt mois de vie commune, jusqu'au départ du couple pour la Tunisie le 7 novembre 2021 ainsi qu'après le retour en France de Mme F... le 4 décembre 2021. Les seules circonstances, invoquées par le ministre de l'intérieur, que M. B... était en situation irrégulière en France lorsqu'il a rencontré puis épousé Mme F... et qu'un échange de messages du 5 novembre 2021, postérieur au mariage célébré le 21 août 2021, témoigne d'une dispute entre M. B... et Mme F..., ne sauraient établir l'absence d'intention matrimoniale des époux. Il s'ensuit que le ministre n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère frauduleux de ce mariage.
6. Dans ces conditions, en refusant le visa sollicité au motif que le mariage de M. B... aurait été contracté à des fins étrangères à l'intention matrimoniale, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à M. B.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 23 décembre 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision du 9 février 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée par M. B... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. B... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.
Le rapporteur,
B. MASLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
M. LE REOUR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT00381