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08/11/2024 | FRANCE | N°23NT01014

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 08 novembre 2024, 23NT01014


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 avril 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation, ainsi que la décision du 8 juillet 2020 rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n° 2008969 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, e

nregistrés les 6 avril, 9 juin et 21 septembre 2023, Mme A..., représentée par Me Krzisch, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 avril 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation, ainsi que la décision du 8 juillet 2020 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2008969 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 avril, 9 juin et 21 septembre 2023, Mme A..., représentée par Me Krzisch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 14 avril 2020 du ministre de l'intérieur, ainsi que la décision du 8 juillet 2020 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A... soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier ; la minute n'est pas signée, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le sens des conclusions du rapporteur public n'a pas été porté à la connaissance des parties en temps utile, en méconnaissance de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

- en rejetant la naturalisation en se fondant sur des faits commis par son fils, le ministre de l'intérieur a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; une ordonnance de non-lieu a été rendue par la juge d'instruction du tribunal judiciaire d'Amiens dans l'enquête pénale engagée à l'encontre de son fils pour des faits de viol commis sur mineur de plus de 15 ans.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Dias a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 9 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 14 avril 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation, d'autre part, de la décision du 8 juillet 2020 par laquelle le ministre a rejeté son recours gracieux. Mme A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / L'avis d'audience reproduit les dispositions des articles R. 731-3 et R. 732-1-1. Il mentionne également les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public, en application du premier alinéa de l'article R. 711-3 ou, si l'affaire relève des dispositions de l'article R. 732-1-1, de la décision prise sur la dispense de conclusions du rapporteur public, en application du second alinéa de l'article R. 711-3. / L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. (...) ". Aux termes de l'article R. 711-3 de ce code : " (...) Lorsque l'affaire est susceptible d'être dispensée de conclusions du rapporteur public, en application de l'article R. 732-1-1, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, si le rapporteur public prononcera ou non des conclusions et, dans le cas où il n'en est pas dispensé, le sens de ces conclusions. ". Aux termes de l'article R. 732-1-1 du même code : " Sans préjudice de l'application des dispositions spécifiques à certains contentieux prévoyant que l'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public, le président de la formation de jugement ou le magistrat statuant seul peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience sur tout litige relevant des contentieux suivants : (...) 3° Naturalisation (...) ".

3. Pour l'application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, si l'affaire sera ou non dispensée de conclusions du rapporteur public.

4. La demande de Mme A... relevait des contentieux énumérés par l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative et était ainsi susceptible d'être dispensée de conclusions du rapporteur public. D'une part, il ressort des mentions du jugement attaqué que le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. D'autre part, il ressort des pièces du dossier de première instance transmis à la cour que, par un avis d'audience du 22 décembre 2022, dont le conseil de la requérante a accusé réception le même jour, le tribunal a informé ce dernier de la date d'audience, et de ce qu'il pouvait, s'il le souhaitait, prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public sur l'application " Sagace ", dans un délai de l'ordre de deux jours avant l'audience prévue le 19 janvier 2023 à 9 heures 30, en application des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative. L'avis d'audience précisait par ailleurs que le conseil de la requérante pouvait solliciter le greffe du tribunal s'il n'était pas en mesure de consulter l'application en ligne et que, pour les requêtes entrant dans le champ de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative, l'information selon laquelle le rapporteur public est dispensé de prononcer des conclusions serait donnée de la même façon. Mme A... n'établit pas ni même n'allègue que la dispense du rapporteur public de présenter des conclusions n'aurait pas été versée sur l'application " Sagace " avant l'audience publique, ni que son conseil aurait vainement saisi le greffe du tribunal pour obtenir le sens des conclusions ou l'information selon laquelle le rapporteur a été dispensé de les prononcer. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière, faute pour le conseil de Mme A... d'avoir été informé, avant la tenue de l'audience, de la dispense des conclusions du rapporteur public doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

6. Il ressort du dossier de procédure que la minute du jugement attaqué a été signée, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, par la magistrate rapporteure, le président de la formation de jugement et la greffière d'audience. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché des irrégularités alléguées.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " Hors le cas prévu à l'article 21-14-1, l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". En vertu des dispositions de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. (...) ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations d'apprécier l'intérêt d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française aux étrangers qui la demandent. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.

9. Pour rejeter, par la décision du 14 avril 2020, la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par Mme A..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur un manquement de celle-ci dans l'obligation d'éducation d'un de ses fils qui, lorsqu'il résidait à son domicile, a été placé en détention provisoire en 2018 pour des faits de viol incestueux commis sur mineur de plus de 15 ans et a commis plusieurs faits délictueux de 2012 à 2015.

10. Si par une ordonnance de non-lieu du 12 février 2021, le juge d'instruction au tribunal judiciaire d'Amiens a mis un terme aux poursuites dont le fils de la requérante était l'objet pour les faits qui ont motivé son placement en détention provisoire en 2018, au motif qu'il ne résultait pas de l'information des charges suffisantes contre le prévenu, il ressort des mentions figurant dans l'extrait du fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) versé au dossier que le fils de la requérante, né en 1998, est défavorablement connu des services de police, pour des faits de menace de délit contre les personnes faite sous condition et agressions sexuelles sur mineur de 15 ans commis le 2 avril 2012, pour des faits de violence ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas 8 jours et d'agressions sexuelles sur mineur de 15 ans, commis le 28 mars 2013, de menace de délit contre les personnes faite sous condition et intrusion non autorisée dans l'enceinte d'un établissement scolaire le 21 mai 2015 et de détention non autorisée de stupéfiants et offre ou cession non autorisée de stupéfiants commis le 27 août 2015. Mme A... ne conteste pas la matérialité de ces faits, ni que son fils, qui était mineur lorsqu'il les a commis, résidait alors à son domicile. A la date de la décision contestée du 14 avril 2020, les derniers faits connus dataient de moins de cinq ans. Eu égard au caractère relativement récent, au nombre et à la gravité des faits commis par l'enfant de Mme A... lorsqu'il était encore mineur, et alors même que cette dernière a été contrainte d'élever seule ses enfants, et que trois d'entre eux ne se seraient pas fait connaître défavorablement, le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande de naturalisation de Mme A....

11. En second lieu, les circonstances que Mme A... réside régulièrement sur le territoire français en qualité de réfugiée, qu'elle y travaille depuis 2013 comme agent d'entretien et qu'elle serait bien intégrée sont sans incidence sur la décision contestée, eu égard au motif sur lequel elle se fonde.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Dias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.

Le rapporteur,

R. DIAS

La présidente,

C. BUFFETLa greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT01014


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT01014
Date de la décision : 08/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Romain DIAS
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : KRZISCH

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-08;23nt01014 ?
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