Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite née le 3 mars 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 4 novembre 2021 de l'autorité consulaire française à Rabat (Maroc) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français.
Par un jugement n°2205699 du 16 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 juin 2023, Mme B... D..., représentée par Me Janvier-Lupart, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite née le 3 mars 2022 de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son mariage, célébré au Maroc en 2011 avec un ressortissant français, ne présente pas un caractère frauduleux ; elle justifie de la sincérité de leur union matrimoniale ;
- elle a dû attendre la transcription de ce mariage, qui n'est survenue qu'en juillet 2020, pour pouvoir déposer sa première demande de visa en cause ; il ne saurait lui être reproché le caractère tardif de la demande de visa, présentée pour la première fois en septembre 2020 ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Montes-Derouet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 16 janvier 2023, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme D..., ressortissante marocaine, tendant à l'annulation de la décision implicite née le 3 mars 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises à Rabat (Maroc) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français. Mme D... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de ressortissant français. Il ne peut être refusé qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire afin que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir, par des éléments précis et concordants, que le mariage est entaché d'une telle fraude, de nature à légalement justifier le refus de visa.
3. Il ressort des écritures présentées en défense que la décision contestée est fondée sur le caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, dans le seul but de faciliter l'établissement en France de la demandeuse de visa.
4. Il est constant que Mme D... s'est mariée au Maroc le 21 avril 2011 avec M. C..., ressortissant français. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, cinq mois plus tard, le 15 septembre 2011, ce dernier a également épousé une autre ressortissante marocaine, Mme A..., mariage qui a fait l'objet, à la demande de M. C..., d'une transcription sur les registres de l'état-civil français le 4 juillet 2012, en application des dispositions de l'article 171-5 du code civil. Il ressort également des pièces du dossier que la situation de bigamie de M. C... a perduré jusqu'à la dissolution par divorce de cette seconde union le 10 novembre 2016, permettant la transcription sur les registres de l'état-civil, le 3 juillet 2020, de son mariage avec Mme D.... Les éléments produits par Mme D..., à savoir un journal d'appels d'une application de messagerie instantanée retraçant des appels depuis 2019, dont un très grand nombre d'appels manqués, trois attestations de proches, non datées et peu circonstanciées, une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 4 août 2020 délivrée à Mme D... et trois mandats financiers adressés à cette dernière en 2021 sont insuffisants à justifier, compte tenu en outre de leur caractère très récent, de la sincérité de leur union matrimoniale. Il s'ensuit que l'administration doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme apportant la preuve du caractère frauduleux du mariage. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à Mme D... le visa de séjour sollicité au motif du caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme D..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par cette dernière doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme D... une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Dias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.
La rapporteure,
I. MONTES-DEROUETLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
M. E...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01651