Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2024 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit un retour sur le territoire français pendant un an ainsi que l'arrêté, daté du même jour, par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a assignée à résidence à Rennes.
Par un jugement n° 2400298 du 24 janvier 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 février et 12 avril 2024, Mme A..., représentée par Me Dahi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 janvier 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2024 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé la Guinée comme pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an, ainsi que l'arrêté daté du même jour par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a assignée à résidence à Rennes ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai d'un mois courant à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en fait ;
- elle méconnaît le 1° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car sa minorité est attestée par un test osseux réalisé le 14 mars 2024 ;
- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car elle présente des problèmes de santé psychiques qui ont nécessité une hospitalisation au centre de pédopsychiatrie Guillaume Régnier de Rennes ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an est illégale par la voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marion a été entendu au cours de l'audience publique,
Considérant ce qui suit :
1. Le 16 janvier 2024, Mme A... a été auditionnée par la police nationale dans le cadre d'une vérification de ses droits de circulation ou de séjour. Elle a déclaré, par le truchement d'un interprète en langue peule, être une ressortissante guinéenne mineure, née le 5 juillet 2007 à Conakry (Guinée), être entrée en France depuis un mois et n'avoir pas entrepris de démarches pour régulariser sa situation. Elle a indiqué ne disposer d'aucun passeport ni document d'identité et avoir fui son pays, en passant par le Sénégal, pour échapper à un mariage forcé. Estimant reconnaître son visage sur un passeport guinéen d'une dénommée B... A..., née le 12 juin 1988 à Labé en Guinée, ayant fait l'objet le 20 octobre 2013 d'une obligation de quitter le territoire français et enregistrée dans le fichier national des étrangers en situation irrégulière, l'officier de police judiciaire a transmis le procès-verbal d'audition de Mme A... au préfet d'Ille-et-Vilaine. Ce dernier, estimant que Mme A... avait en réalité 35 ans, a pris un arrêté du 17 janvier 2024 par lequel il a obligé l'intéressée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant un an. Mme A... demande à la cour d'annuler le jugement du 24 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français :1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; (...) ".
3. Mme A... produit, pour la première fois en appel, le résultat d'un examen radiographique osseux daté du 14 mars 2024 estimant son âge à dix-sept ans et demi. En l'absence de production par le préfet d'un mémoire en défense et de tout document contredisant le résultat de ce test d'âge osseux, il y a lieu de tenir pour exacte l'affirmation de Mme A... selon laquelle elle est mineure. Par suite, la requérante ne pouvait, en application des dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faire l'objet d'une décision d'obligation de quitter le territoire français. Il suit de là que cette décision doit être annulée.
Sur les autres décisions contestées :
4. Les décisions refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et interdisant à Mme A... de retourner sur le territoire français pendant un an et l'assignant à résidence sur le territoire de la commune de Rennes doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la requérante que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés pris le 17 janvier 2024 par le préfet d'Ille-et-Vilaine.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
7. Le présent arrêt annulant seulement l'obligation faite à l'intéressée de quitter le territoire et les décisions accessoires implique nécessairement mais seulement, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet d'Ille-et-Vilaine réexamine la situation administrative de Mme A... et lui délivre une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de ce réexamen. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais d'instance :
9. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2400298 en date du 24 janvier 2024 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 17 janvier 2024 du préfet le préfet d'Ille-et-Vilaine est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à un réexamen de la situation de Mme A... dans le délai de deux mois du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024.
La rapporteure,
I. MARION
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°24NT00563