Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme ... K..., Mme G... K..., M. I... K..., M. D... K... et M. E... K..., représentés par Me Joseph-Oudin ont demandé au tribunal administratif de Caen, à titre principal, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer les préjudices subis en conséquence de la vaccination contre la grippe A/H1N1 de Mme B... K... et de réserver les préjudices non encore évaluables, et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant dire droit.
Par un jugement n° 2101417 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande des consorts K....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 août 2023 et 13 mars 2024, Mme B... K..., Mme G... K..., M. I... K..., M. D... K... et M. E... K..., représentés par Me Joseph-Oudin, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juin 2023 ;
2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à réparer les préjudices subis en conséquence de la vaccination contre la grippe A/H1N1 de Mme B... K..., et, en réservant les préjudices non encore évaluables, et à verser des indemnités de 718 948,60 euros à Mme B... K..., victime directe, de 94 408,75 euros à Mme G... K... sa mère, de 44 408,75 euros à M. I... K... son père, et de 17 500 euros à chacun de ses frères, MM. D... et E... K... ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant dire droit ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Caen la somme de 6 814 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la réparation de leurs préjudices incombe à l'ONIAM sur le fondement de l'article L. 3131-4 du code de la santé publique, dès lors que la narcolepsie avec cataplexie dont Mme B... K... est atteinte est directement imputable à la vaccination par Panenza(r) reçue le 30 novembre 2009 dans le cadre de la campagne nationale de lutte contre le virus H1N1, comme l'a reconnu l'expert médical missionné par l'ONIAM dans son rapport et compte tenu de l'absence d'état antérieur de la patiente, de premiers symptômes apparus en 2010, et d'autres cas répertoriés en lien avec ce vaccin ;
- les données acquises de la science sont en faveur de l'existence d'un lien de causalité entre le Panenza(r) et l'apparition de la narcolepsie-cataplexie chez le sujet vacciné ; les risques sont évoqués par la notice et le résumé des caractéristiques du produit (RCP) concernant ce vaccin ; les données de pharmacovigilance des autorités confirment l'existence d'un risque ; la littérature médicale est en faveur du lien de causalité, de même que les expertises amiables et judiciaires rendues dans plusieurs dossiers, notamment celles rendues par le professeur M..., référent national et international en matière de narcolepsie-cataplexie post-vaccinale;
- il est démontré par des éléments probants constituant un faisceau d'indices concordants que les symptômes post-vaccinaux de la jeune B... K... sont apparus dans le délai de deux ans retenu par la littérature médicale comme compatible avec la reconnaissance d'un lien de causalité entre la vaccination et la maladie et il n'y a pas lieu de tenir compte des délais de constatation médicale de ces symptômes et de diagnostic qui peuvent être très longs compte tenu des difficultés à identifier la pathologie ; la jurisprudence rappelle que la preuve peut être apportée par tous moyens et des attestations de proches ou de l'entourage, même établies longtemps après les faits, ainsi que des certificats rétrospectifs sont à prendre en compte ; au cas particulier, les troubles ont commencé dès 2010, en classe de CM2, de façon insidieuse, et la première manifestation significative date de l'été 2010, ... étant tombée en marchant ;
- il convient aussi de tenir compte des autres critères appréciables de nature à retenir l'imputabilité au vaccin de la maladie dont est atteinte ... : son appartenance à un groupe particulièrement exposé au développement d'une narcolepsie dans les suites de la vaccination en raison de sa vaccination contre la grippe A/H1N1 et de son jeune âge l'exposant à un surrisque additionnel, le fait qu'elle présent une forme de narcolepsie-cataplexie très caractéristique, d'emblée grave et sévère, réunissant l'ensemble des critères diagnostics de Brighton (hypersomnolence diurne, survenue de cataplexie, latences d'endormissements basses avec présence de sommeil paradoxal, typage HLA, effondrement du taux d'hypocrétine dans le liquide céphalo-rachidien), l'absence d'autre facteur déclenchant possible, le lien de causalité reconnu par deux médecins de deux centres de référence sur la narcolepsie et par les deux experts de l'ONIAM ;
- les préjudices évaluables de Mme B... K..., qui ne peuvent être évalués par référence au barème de l'ONIAM, s'élèvent à la somme de 718 948,60 euros, soit 338 050 euros au titre de l'assistance par tierce personne, 181 584 euros au titre de l'assistance scolaire, 50 000 euros au titre du préjudice scolaire, universitaire et de formation, 67 314,60 euros pour le déficit fonctionnel temporaire, 8 000 euros pour les souffrances endurées, 4 000 euros pour le préjudice esthétique temporaire, 20 000 euros pour le préjudice d'agrément et 50 000 euros pour le préjudice d'anxiété, les autres préjudices devant être réservés ;
- Mme G... K..., sa mère, est fondée à solliciter la somme de 94 408,75 euros dont 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, 9 408,75 euros de frais divers, 20 000 euros de préjudice d'affection et 15 000 euros de préjudice extrapatrimonial exceptionnel ;
- M. I... K..., son père, est fondé à solliciter la somme de 44 408,75 euros dont 9 408,75 euros de frais divers, 20 000 euros de préjudice d'affection et 15 000 euros de préjudice extrapatrimonial exceptionnel ;
- MM. D... et E... K..., ses frères, sont fondés à solliciter chacun la somme de 17 500 euros dont 10 000 euros de préjudice d'affection et 7 500 euros de préjudice extrapatrimonial exceptionnel ;
- à titre subsidiaire, il conviendra de désigner un nouvel expert afin de confirmer à nouveau le lien de causalité en litige.
Par des mémoires enregistrés les 21 décembre 2023 et 15 mai 2024, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Birot, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le lien de causalité entre la vaccination et la maladie ne peut être considéré comme établi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, alors qu'aucune étude scientifique n'a pris parti, même à titre d'hypothèse, en faveur de la possibilité d'une relation entre le vaccin Panenza(r) et l'apparition d'une narcolepsie de type 1, un tel lien n'ayant été retenu que par rapport à une vaccination par Pandemrix(r) ; l'hypothèse d'un lien entre le Panenza(r) et la narcolepsie est manifestement jugée non pertinente par la communauté scientifique au regard des taux d'incidence propres à ce vaccin et des résultats des analyses réalisées sur les autres vaccins ;
- le rapport d'expertise des docteurs F... et J... n'est pas probant car ces experts ont employé par défaut une méthode d'imputabilité nécessitant la mise en œuvre de critères qui ne peuvent être, pour la plupart, mis en œuvre pour la narcolepsie-cataplexie ;
- les arguments tirés par les requérants des informations figurant sur la notice et le RCP du vaccin, des positions et orientations adoptées à titre amiable par l'ONIAM, qui n'a accepté à ce jour aucune indemnisation de personnes vaccinées par le Panenza(r) et des décisions juridictionnelles intervenues ne sont pas probants sur l'existence ou la probabilité du lien de causalité en litige ;
- en tout état de cause, le délai d'apparition des premiers symptômes de la narcolepsie de ... K..., plus de deux ans après sa vaccination, ne permet pas d'établir le lien de causalité alors qu'un délai d'un an apparaît comme étant la limite admise par les études scientifiques disponibles ;
- l'expertise sollicitée par les requérants à titre subsidiaire ne souscrit pas à la condition d'utilité justifiant qu'elle soit ordonnée avant dire droit.
La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Calvados qui, dans un courrier enregistré le 6 décembre 2023, se réserve la possibilité de produire un décompte définitif de ses débours lorsque l'expertise sollicitée aura eu lieu.
Une ordonnance a été prise le 2 mai 2024, fixant la clôture de l'instruction à la date du 17 mai 2024.
Un mémoire présenté pour les consorts K... a été enregistré le 15 novembre 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Vergne,
- les conclusions de M. Catroux,
- et les observations de Me de Norey, substituant Me Joseph-Oudin, représentant les consorts K....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... K..., née le 21 juin 2000, a été vaccinée le 30 novembre 2009, alors qu'elle était âgée de 9 ans, contre la grippe A (H1N1) par le vaccin Panenza(r). Un diagnostic de narcolepsie avec cataplexie a été posé cinq ans plus tard, en 2014. Le 24 juin 2019, les parents de ... ont saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), sur le fondement des dispositions des articles L. 3131-1 et L. 3131-4 du code de la santé publique, d'une demande d'indemnisation des préjudices subis par l'ensemble des membres de la famille du fait de la maladie dont est atteinte leur fille. Après une expertise dont le rapport a été rendu le 3 juin 2019, l'ONIAM a refusé de faire droit à la demande d'indemnisation présentée par les requérants. Ceux-ci relèvent appel du jugement du 13 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'ONIAM à réparer leurs préjudices.
2. Aux termes de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique : " En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population ". Aux termes de l'article L. 3131-4 du même code : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles L. 3131-1 ou L. 3134-1 est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionné à l'article L. 1142-22 (...) ".
3. Saisi d'un litige individuel portant sur la réparation des conséquences pour la personne concernée d'une vaccination présentant un caractère obligatoire, il appartient au juge, dans un premier temps, non pas de rechercher si le lien de causalité entre la vaccination et l'affection présentée est ou non établi, mais de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant lui, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe. Il appartient ensuite au juge, soit, s'il ressort de cet examen qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe, de rejeter la demande indemnitaire, soit, dans l'hypothèse inverse, de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et de ne retenir alors l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination obligatoire subie par la victime et les symptômes qu'elle a ressentis que si ceux-ci sont apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressort pas du dossier qu'ils peuvent être regardés comme résultant d'une autre cause que la vaccination.
Sur la probabilité d'un lien entre la vaccination par Panenza(r) et le développement de la narcolepsie avec cataplexie :
4. L'ONIAM, qui rappelle que la narcolepsie est une pathologie rare, à causes multifactorielles, préexistante à la campagne de vaccination obligatoire de 2009 contre l'épidémie de grippe, et que chaque année environ 900 cas de narcolepsie sont dénombrés en France le plus souvent chez des adolescents ou des adultes jeunes, fait valoir, en premier lieu, l'absence de constatation d'une sur-incidence des cas déclarés en pharmacovigilance de narcolepsie à la suite d'une vaccination par Panenza(r) contrairement à ce qui a été constaté pour la vaccination par Pandemrix(r). Ainsi, en 2019, 12 cas seulement de narcolepsie chez des personnes vaccinées par Panenza(r) avaient été signalés aux affaires juridiques et réglementaires de l'Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM). Toutefois, il y a lieu de tenir compte du fait que les déclarations de pharmacovigilance ne sont pas systématiques, que les personnes vaccinées par Panenza(r) sont moins nombreuses que celles vaccinées par Pandemrix(r) et que ces personnes sont principalement des jeunes enfants et des femmes enceintes davantage susceptibles de présenter habituellement ou naturellement des signes de fatigue qui peuvent alors être négligés ou passer inaperçus. Il peut ainsi en résulter une sous-déclaration au regard des cas potentiels.
5. En deuxième lieu, si, comme il a été dit ci-dessus, l'ONIAM fait valoir qu'aucune étude scientifique n'a pu mettre en évidence un lien entre l'apparition de la narcolepsie-cataplexie et la vaccination par Panenza(r) et que les dernières études publiées en 2017 ne confirment un sur-risque d'apparition de la narcolepsie que pour une préparation différente, le vaccin Pandemrix(r), il résulte de l'instruction que plusieurs études observationnelles menées en Europe, notamment en Suède, en Finlande, en Norvège et en France ont mis en évidence un risque accru de narcolepsie chez les patients vaccinés contre le virus H1N1 en 2009 et 2010. Si dans un premier temps, seul le vaccin Pandemrix(r) a été identifié comme susceptible de provoquer la narcolepsie, la cause envisagée comme possible étant l'intégration d'un adjuvant AS03, absent dans le vaccin Panenza(r), un autre vaccin utilisant le même adjuvant que Pandemrix(r), le vaccin Arepanrix(r), n'a quant à lui entraîné aucun risque repéré de narcolepsie. Les études complémentaires se sont alors tournées vers l'hypothèse d'un effet déterminant, dans le déclenchement de la maladie, de l'antigène mis en œuvre, associant celui-ci à la réponse immunitaire dirigée contre les neurones produisant l'hypocrétine. Or la composition antigénique des vaccins Panenza(r) et Pandemrix(r) est la même qualitativement et diffère de celles d'autres vaccins pour lesquels aucun surrisque d'apparition des symptômes n'a été repéré, comme le vaccin Focétria(r). Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction l'existence d'un consensus scientifique permettant d'exclure toute probabilité ou même de conclure à une probabilité négligeable d'un lien entre la survenance d'une narcolepsie-cataplexie et une vaccination par Panenza(r).
6. En troisième lieu, le rapport de l'expertise confiée par l'ONIAM au professeur J... et au docteur F..., respectivement pharmacologue et neurologue, relève que " ni les études épidémiologiques disponibles ni les cas notifiés à l'ANSM ne sont contributifs pour l'étude de l'association entre Panenza(r) et narcolepsie. La composition antigénique du Panenza(r) et du Pandemrix(r) est identique ; la différence entre ces deux vaccins tient à l'adjuvant qui n'est pas en cause dans la survenue de la narcolepsie. Ainsi la composition du Panenza(r) est en faveur du rôle de ce vaccin dans la survenue de narcolepsie au même titre que le Pandemrix(r) ". Les experts précisent que, selon la méthode de pharmacovigilance française, " l'imputabilité peut être qualifiée de vraisemblable à très vraisemblable ".
7. De l'ensemble de ce qui précède, il doit être déduit qu'en l'état des connaissances scientifiques en débat devant la cour, il ne peut être établi avec certitude, ni être exclu, que le vaccin Panenza(r) puisse être à l'origine de cas de narcolepsie chez les personnes vaccinées contre le virus H1N1 dans le cadre de la campagne contre l'épidémie de grippe en 2009 et 2010. Il est d'ailleurs significatif que le conseil d'orientation de l'ONIAM, après avoir, par une orientation du 17 janvier 2017, écarté le principe d'indemnisation des personnes vaccinées par Panenza(r) en retenant que les études disponibles avaient établi la possibilité d'un lien causal avec le vaccin Pandemrix(r), a modifié sa position dans une nouvelle orientation du 24 mai 2019, dont l'article 4 indique que " Les personnes qui ont été vaccinées par Pandemrix et Panenza lors de la campagne 2009/2010 sont susceptibles d'être indemnisées par l'ONIAM. ". Il y a donc lieu de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce afin de statuer sur l'existence, qui n'est pas scientifiquement exclue, d'un lien de causalité pouvant être retenu, au cas particulier, entre la vaccination obligatoire subie par ... K... et l'apparition et le développement de sa maladie.
Sur l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination de ... K... et le développement de sa pathologie :
8. En premier lieu, le rapport d'expertise retient un lien de causalité entre vaccination et narcolepsie après application de la " méthode de Pharmacovigilance Française ", dite aussi " méthode Bégaud ", dont se prévalent les requérants, mais qui est critiquée par l'ONIAM et par les experts eux-mêmes, qui admettent son caractère insuffisant compte tenu de l'impossibilité d'employer, en raison de leur caractère inadapté à la maladie et au vaccin en cause, certains critères ou paramètres méthodologiques tels que l'arrêt des médicaments ou sa ré-administration, de l'inexistence de tests spécifiques utilisables et de l'effet irréversible du vaccin sur la maladie étudiée. Cette méthode mise en œuvre par les experts par défaut ne permet pas d'établir un lien de causalité au regard des critères mentionnés au point 3 du présent arrêt.
9. En second lieu, dès lors qu'il n'est fait état, pour ... K..., avant la vaccination, d'aucune anomalie clinique ou symptomatologique pouvant être rapportée à une narcolepsie, d'aucune prédisposition à la maladie d'ordre familial et d'aucune cause alternative repérée de la maladie extérieure à la vaccination en ce qui la concerne, il doit être tenu compte, pour l'appréciation du lien de causalité entre la vaccination de ... et le développement de sa pathologie, de la date et des délais et modalités d'apparition et d'aggravation des symptômes constatés pour elle postérieurement à la vaccination, par rapport à ceux normalement observés pour ce type d'affection.
10. Le délai moyen d'apparition des premiers symptômes de la maladie admis par la littérature médicale en l'état actuel des connaissances, notamment selon les dernières données scientifiques de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) mises à jour au 19 septembre 2013 et d'autres études étrangères s'établit à 4,7 mois (2 jours à 2,5 ans) chez les adultes et à un délai plus court de 3,9 mois (15 jours à 1,3 an) pour les adolescents et les enfants, délais dont se prévaut l'ONIAM dans ses écritures tout en concédant que " certains rares cas ont pu présenter des symptômes jusqu'à deux ans après la vaccination ". Le rapport d'expertise indique quant à lui que " le plus souvent, les symptômes apparaissent dans la première année après la vaccination, mais une augmentation significative de la narcolepsie a été constatée aussi au cours de la deuxième année " et admet un délai pouvant aller jusqu'à 24 mois après la vaccination. Un tel délai pouvant aller jusqu'à deux ans a également été mentionné, à la suite d'études épidémiologiques réalisées en Finlande et en Suède, dans des publications en 2013, 2017 et 2018, l'ONIAM faisant valoir toutefois que ces études retiennent une " date index " correspondant à la date de premier contact médical ou à celle du diagnostic, et non à celle des premiers signes de la maladie, ce qui conduit à une surestimation du délai maximal permettant de caractériser le lien entre la maladie et la vaccination.
11. Au cas particulier, la circonstance que le diagnostic de Mme K... n'ait été posé qu'en juillet 2014 ne fait pas obstacle à la reconnaissance d'un lien entre la vaccination intervenue en novembre 2009 et la pathologie, dont il y a lieu de tenir compte de la date d'apparition des premiers symptômes. A cet égard, si les experts retiennent une date d'apparition des symptômes de narcolepsie chez ... K... à l'été 2010, ils se fondent sur les déclarations de ses parents selon lesquelles l'enfant aurait chuté sans raison sur un chemin de camping à l'été 2010, quelques mois après qu'une première chute suspecte, à vélo, se serait produite. Toutefois, la survenance de ces événements aux dates ou périodes indiquées, de même que la manière dont ils se seraient produits, susceptibles de révéler les premiers symptômes d'une maladie dont le développement initial est discret, très progressif et les premières manifestations banales, ne sont pas corroborées par les pièces du dossier et ne permettent pas d'établir un lien avec la vaccination. Aucune autre chute n'est mentionnée entre 2010 et le début de l'année 2012 avant que les parents de B... s'alarment et se mobilisent à la suite d'un épisode de catalepsie totale sous leurs yeux en décembre 2012, et, s'il est exposé, dans les écritures d'appel des requérants, que " lors de promenades pédestres familiales en 2011 et 2012, ... continue de chuter brutalement, en présence de sa famille, mais également de voisins qui s'étonnent de la soudaineté de ces chutes ", aucun témoignage ou autre document probant n'est produit pour corroborer la survenance d'un ou plusieurs épisodes suspects de cette nature antérieurs à 2012. Le compte rendu du docteur C... du 5 avril 2017 indique il est vrai que " les premiers signes ont débuté au cours de l'année 2010 au moment de passer de CM2 au collège ", mais il ressort du dossier scolaire de ... K... que celle-ci est entrée au collège en septembre 2011. Par ailleurs, si ce même certificat mentionne la vaccination par Panenza(r) en 2009 et indique que " bien qu'il s'agisse d'une vaccination H1N1 sans adjuvant, je signale tout de même à la pharmacovigilance cette association ", le signalement ainsi effectué par ce médecin en raison d'une causalité possible déjà repérée entre la maladie et le vaccin Pandemrix(r) ne révèle pas, de sa part, une analyse d'imputabilité et une prise de position sur le lien entre le vaccin et la narcolepsie de Mme K.... Les attestations des proches ne sont pas précises sur la date de début d'apparition des symptômes. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme K... ait montré des signes de fatigue particuliers avant l'année 2012 et, si les requérants font valoir que ses notes ont chuté à compter de l'année de CM2, les bulletins scolaires produits mentionnent au contraire des résultats satisfaisants ou très satisfaisants durant le primaire et le collège. Les appréciations de la classe de CE2, soit l'année scolaire 2008-2009, relèvent une lenteur à l'écrit, mais ces appréciations sont antérieures à la vaccination de novembre 2009. Des appréciations d'enseignants soulignant, pour les périodes postérieures à la vaccination, un manque de rapidité (mathématiques) ou de confiance en soi pour rédiger (français) figurent au dossier scolaire de ..., mais elles restent très ponctuelles et n'apparaissent pas significatives. Il ne résulte pas de l'instruction que la consultation du docteur H..., médecin traitant de ..., le 10 septembre 2011, dont se prévalent les requérants, à l'issue de laquelle ce praticien a prescrit une dispense de toute participation aux activités physiques et sportives scolaires et extra-scolaires pendant quinze jours, puis six mois, aurait pour cause des symptômes en lien avec la narcolepsie-cataplexie dont ... a été reconnue atteinte ultérieurement, alors que l'intéressée était également atteinte au genou gauche d'une maladie d'Osgood-Schlatter et que des analyses médicales en lien avec cette pathologie lui ont été prescrites en février et en mars 2011 et à nouveau lors de la consultation du 10 septembre 2011. Le compte rendu du docteur A... du 9 juillet 2013, premier médecin consulté compte tenu de symptômes clairement en lien avec la narcolepsie cataplexie, mentionne des épisodes de somnolence et de fatigue excessive qui évoluent, selon ... et sa mère, depuis un an environ, soit depuis juillet 2012. Le compte rendu du 9 avril 2014 mentionne des chutes inexpliquées depuis l'année 2012. Cette même année est mentionnée dans un compte rendu pédiatrique du CHU de Caen du 30 mai 2014. La circonstance que le rapport d'expertise et des certificats très postérieurs, datant de 2017 ou 2020, fassent état de premiers symptômes apparus en 2010, en se fondant uniquement sur les déclarations des requérants, ne permet pas d'établir que les symptômes aient effectivement débuté à cette date. Il résulte donc de l'instruction que le début des symptômes peut être fixé de manière certaine au plus tôt au début de l'année 2012, soit plus de deux ans après la vaccination. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les symptômes de ... K... seraient apparus dans un délai compatible avec ceux indiqués au point 10, compris entre 15 jours à 1,3 an selon l'ANSM et jusqu'à 24 mois après la vaccination. Par suite, la narcolepsie avec cataplexie dont est atteinte Mme K... ne peut pas être regardée comme imputable à sa vaccination contre la grippe A/H1N1 par Panenza(r) le 30 novembre 2009.
12. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise avant-dire droit, laquelle n'apparaît pas utile en l'absence d'évocation par les parties d'études scientifiques en cours ou récemment parues dont il devrait être tenu compte, portant sur la maladie et ses modes et délais d'apparition ou sur les effets repérés du vaccin Panenza(r), les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a refusé de faire droit à leurs conclusions indemnitaires. Leurs conclusions fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par les consorts K... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... K..., à Mme G... K..., àM. I... K..., à M. D... K..., à M. E... K..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la CPAM du Calvados.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2024.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT02453