Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée le 29 janvier 2024, M. B... A..., a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande de renouvellement de sa carte de résident, d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2024 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, d'annuler la décision du 26 avril 2023 par laquelle le préfet du Calvados lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et d'enjoindre au préfet du Calvados de réexaminer sa situation.
Par un jugement no 2400242 du 6 mai 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et un mémoire enregistrés le 23 mai 2024 et le 14 octobre 2024, M. B... A..., représenté par Me Ndiaye, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 mai 2024 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet opposée à sa demande de renouvellement de sa carte de résident ;
3°) d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2024 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;
4°) d'enjoindre au préfet du Calvados de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) d'enjoindre au préfet d'effacer son nom du fichier des personnes recherchées et du Système d'information Schengen ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête d'appel est recevable ;
- les décisions ont été prises à l'issue d'une procédure viciée par l'absence de saisine de la commission départementale du titre de séjour, pourtant obligatoire en vertu des dispositions applicables de l'article L. 432-13 (ancien article L. 312-2) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté a méconnu son droit au renouvellement de sa carte de résident en méconnaissance de l'article L. 432-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; saisi d'une demande de renouvellement d'un tel titre, le préfet du Calvados ne pouvait se fonder légalement sur la menace pour l'ordre public que constituerait sa présence en France ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire et interdiction de retour sur le territoire français portent une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2024, le préfet du Calvados conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à la minoration de l'éventuelle condamnation de l'Etat au titre des frais d'instance.
Il fait valoir que les moyens invoqués par l'appelant ne sont pas fondés.
Par une décision du 12 septembre 2024, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Vergne a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né en 1979, est entré une première fois en décembre 2005 en France où il a demandé l'asile. Sa demande ayant été rejetée le 29 août 2006 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 9 juillet 2007. Il s'est marié à Nantes le 16 novembre 2007 avec une ressortissante française, dont il a eu deux filles nées en 2009 et 2010, et il a bénéficié à ce titre de cartes de séjour qui lui ont été délivrées en qualité de conjoint de Français du 26 mars 2008 au 25 mars 2011 puis d'une carte de résident valable du 26 mars 2011 au 25 mars 2021. Toutefois, après une ordonnance de non conciliation rendue le 27 mars 2012, le juge aux affaires familiales a prononcé le 5 mai 2015 la dissolution du mariage de M. A.... Un jugement du tribunal correctionnel de Saint-Brieuc du 27 octobre 2020 a déclaré M. A... coupable de tentative d'agression sexuelle avec violence à l'encontre d'une personne vulnérable entraînant blessure ou lésion, faits survenus le 22 janvier 2019, et l'a condamné à une peine de cinq ans d'emprisonnement qui a été confirmée par un arrêt du 16 février 2021 de la cour d'appel de Rennes. En juin 2021, M. A..., alors incarcéré, a engagé des démarches de renouvellement de sa carte de résident. Il relève appel du jugement du 6 mai 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2024 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Sur la légalité de la décision du préfet du Morbihan portant obligation de quitter le territoire français :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 433-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve des dispositions des articles L. 411-5 et L. 432-3, une carte de résident est renouvelable de plein droit ". Aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " Si l'étranger séjourne déjà en France, sa demande est présentée dans les délais suivants : / 1° L'étranger qui dispose d'un document de séjour mentionné aux 2° à 8° de l'article L. 411-1 présente sa demande de titre de séjour entre le cent-vingtième jour et le soixantième jour qui précède l'expiration de ce document de séjour lorsque sa demande porte sur un titre de séjour figurant dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2. Lorsque sa demande porte sur un titre de séjour ne figurant pas dans cette liste, il présente sa demande dans le courant des deux mois précédant l'expiration du document dont il est titulaire (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 611-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) ".
4. Enfin, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : /1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / 2° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer la carte de résident prévue aux articles L. 423-11, L. 423-12, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-13, L. 424-21, L. 425-3, L. 426-1, L. 426-2, L. 426-3, L. 426-6, L. 426-7 ou L. 426-10 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / (...) ".
5. En premier lieu, M. A... soutient que l'obligation de quitter le territoire français litigieuse est entachée d'un vice de procédure faute d'avoir été précédée de la saisine de la commission du titre de séjour alors qu'il avait présenté une demande de renouvellement de sa carte de résident.
6. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, si M. A... a présenté alors qu'il était en détention, par l'intermédiaire du service pénitentiaire d'insertion et de probation, une demande de renouvellement de sa carte de résident qui a été enregistrée en 2021, le service compétent de la préfecture du Calvados lui a réclamé à plusieurs reprises des pièces complémentaires pour l'instruction de sa demande. Il lui a été demandé, en dernier lieu, d'abord, le 25 avril 2023, un justificatif d'état civil et un justificatif de domicile, demande à laquelle le requérant a répondu le 5 mai 2023 par la production d'un extrait d'acte de naissance, d'un justificatif de domicile et d'une copie de son passeport. Il lui a ensuite été réclamé le 2 juin 2023, par un courriel qui lui a été transmis le 7 juin 2023 par le conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation en charge de son suivi, une demande de communication des " documents justifiant de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de ses filles depuis leurs naissances ou au moins depuis deux ans " et " la preuve de nationalité et de filiation des enfants ainsi que les certificats de scolarité ". Or, il n'est pas démontré, ni même allégué, que le requérant ait fourni au bureau du séjour de la préfecture ces pièces qui étaient nécessaires pour l'examen de sa demande, dès lors qu'il se prévalait de sa qualité de parent d'enfant français. Dans ces conditions, la demande de titre de séjour de M. A... n'étant pas complète, le silence gardé par l'administration doit être regardé comme un refus implicite d'enregistrement de sa demande et non comme une décision implicite de rejet de celle-ci. Il s'ensuit qu'en l'absence d'enregistrement d'une demande de titre de séjour dûment complétée, le requérant ne peut utilement faire valoir que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie. En tout état de cause, l'autorité administrative n'est tenue de saisir la commission que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les textes auxquels elle envisage de refuser le titre de séjour sollicité. Or, si M. A... fait valoir qu'il est père de deux enfants français et s'il a déclaré, au cours de son audition le 5 décembre 2023, leur rendre visite lorsqu'il bénéficie d'une permission de sortie, leur verser 200 euros de pension alimentaire par mois par l'intermédiaire de son frère, leur offrir des cadeaux et des vêtements pour leurs anniversaires et échanger téléphoniquement avec eux, il ne produit aucun document à l'appui de ses allégations ni aucune pièce de nature à justifier de la réalité et de l'intensité des liens ainsi allégués, le préfet produisant pour sa part, en défense, un document attestant seulement de trois virements bancaires de 100 euros, 150 euros et 100 euros effectués par M. A... au profit de son frère respectivement en juillet, octobre et décembre 2023. Il ne peut, ainsi, être considéré que M. A... remplissait la condition tenant à la contribution à l'entretien et à l'éducation de ses enfants depuis leur naissance ou depuis au moins deux ans et que, dans ces conditions, la commission du titre de séjour devait être saisie à peine d'irrégularité de la procédure.
7. En deuxième lieu, M. A... n'ayant présenté sa demande de renouvellement de titre de séjour qu'en juin 2021, soit après l'expiration de sa carte de résident le 25 mars 2021, sa demande devait être regardée comme une première demande. Le moyen tiré par le requérant de ce que le préfet du Calvados ne pouvait lui opposer, pour motiver sa décision, le fait que sa présence en France représentait une menace pour l'ordre public, dès lors que cette réserve tenant à la préservation d'ordre public ne s'appliquerait pas aux demandes de renouvellement d'une carte de résident ne peut, par suite, en tout état de cause, qu'être écarté.
8. En troisième lieu, si M. A... soutient que l'édiction à son encontre de la mesure d'éloignement litigieuse a méconnu son droit au renouvellement de sa carte de résident, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'il a engagé des démarches tendant au renouvellement de sa carte de résident après l'expiration de celle-ci, de sorte que le préfet a pu regarder sa demande comme une première demande de titre de séjour. Il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir que son droit au renouvellement de sa carte de résident aurait été méconnu. C'est donc à bon droit que le préfet du Calvados a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 3.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
10. Si M. A... se prévaut de quinze ans de présence sur le territoire français et du fait qu'il est père de deux enfants français domiciliés à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), il ne démontre pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, pourvoir effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, âgés de 13 et 14 ans à la date de la décision litigieuse, ni même entretenir une réelle relation avec eux en se bornant à produire, outre le jugement de divorce lui reconnaissant l'exercice de l'autorité parentale conjointe et un droit de visite, deux certificats de scolarité édités en août et septembre 2023 pour ses deux enfants élèves en 3ème et 4ème, une copie d'écran de l'application " Pronote " de liaison entre l'Education nationale et les parents d'élève, et un unique billet de train entre Nantes et Paris pour l'une de ses filles. Alors que la seule durée de présence en France d'un étranger ne suffit pas à lui conférer un droit au séjour, il ne justifie pas d'une intégration au plan social et professionnel, même si sa situation régulière durant de longues années lui aurait permis de travailler régulièrement. Il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 16 février 2021, confirmant en appel sa condamnation à 5 ans d'emprisonnement pour des faits d'agression sexuelle sur une personne vulnérable, qu'il a, en outre, été condamné à six reprises entre le 15 avril 2010 et le 25 juin 2019, notamment pour faits de conduite sous l'emprise d'un état alcoolique, conduite malgré suspension, conduite malgré l'annulation du permis de conduire, violence par concubin, violence aggravée par deux circonstances et menaces, condamnations pénales qui témoignent d'une mauvaise intégration, laquelle suppose que soit satisfaite l'obligation élémentaire de respecter les lois. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale doit être écarté. De même, l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'intérêt supérieur des enfants de M. A... et, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.
11. En dernier lieu, si M. A... reprend dans l'" exposé des conclusions " de sa requête d'appel la demande qu'il avait soumise au tribunal administratif de Caen, tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée à sa demande de renouvellement de sa carte de résident, ces conclusions d'appel ne sont assorties d'aucun moyen. En tout état de cause, ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 6 et comme l'a jugé le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen, la demande de titre de séjour de M. A... n'ayant pas été complétée en 2023 par la production des pièces sollicitées par l'administration, le silence gardé par celle-ci devait être regardé comme un refus implicite d'enregistrement de sa demande et non comme une décision implicite de rejet de cette demande, susceptible de recours.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination, et lui interdisant de revenir en France pendant trois ans. Ses conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025.
Le rapporteur,
G.-V. VERGNE
La présidente,
C. BRISSON
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT01510