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04/04/2025 | FRANCE | N°24NT01044

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 04 avril 2025, 24NT01044


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 6 février 2023 par laquelle le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité a refusé de renouveler sa carte professionnelle d'agent de sécurité.



Par un jugement n°2301111 du 6 février 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire,

enregistrés le 8 avril 2024 et le 5 mars 2025, M. A..., représenté par Me Guillou, demande à la cour :



1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 6 février 2023 par laquelle le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité a refusé de renouveler sa carte professionnelle d'agent de sécurité.

Par un jugement n°2301111 du 6 février 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 avril 2024 et le 5 mars 2025, M. A..., représenté par Me Guillou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 février 2024 ;

2°) d'annuler la décision du 6 février 2023 par laquelle le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité a refusé de renouveler sa carte professionnelle d'agent de sécurité ;

3°) d'enjoindre au CNAPS de lui délivrer une carte professionnelle d'agent de sécurité ou, à défaut, de réexaminer sa demande de carte professionnelle, dans un délai de 15 jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du CNAPS le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il omet de mentionner qu'il a obtenu un titre de séjour en septembre 2020 ;

- la décision en litige a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision en litige a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire et de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration dans la mesure où elle n'a pas été prise suite à une demande de sa part ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision en litige est entachée d'erreurs de fait et de droit au regard de l'article L. 612-20 4° bis du code de la sécurité intérieure car il remplit la condition de séjour régulier pendant 5 ans ayant bénéficié de récépissés de demande de titre de séjour l'autorisant à séjourner sur le territoire français sur la période du 26 septembre 2019 au 21 avril 2020 puis avoir bénéficié d'une prolongation de ses récépissés pendant une durée de 180 jours à compter du 21 avril 2020 en vertu de l'article 1 de l'ordonnance n° 2020-328 du 25 mars 2020 portant prolongation de la durée de la validité des documents de séjour dans sa version issue de l'article 24 de l'ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l'épidémie de covid 19, en outre la condition de séjour régulier de 5 ans n'impose pas une continuité de 5 années ;

- la décision en litige est entachée d'erreur d'appréciation car il a déjà bénéficié d'une carte professionnelle d'agent de sécurité ayant déjà obtenu des titres de séjour depuis au moins 2017 ;

- la décision en litige est discriminatoire au regard des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2024, le Conseil national des activités privées de sécurité, représenté par Me Claisse, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- le pacte international de New-York relatif aux droits civils et politiques ;

- le code des relations entre le publics et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- l'ordonnance n°2020-328 du 25 mars 2020 ;

- l'ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020 ;

- le code de justice administrative

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marion,

- les conclusions de M. Catroux, rapporteur public,

- les observations de Me Guillou, représentant M. A... et de Me Debray, substituant Me Claisse, représentant le CNAPS.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien, a bénéficié du 7 mars 2018 au 7 mars 2023 d'une carte professionnelle d'agent de sécurité privé délivrée par la commission interrégionale d'agrément et de contrôle ouest. Le 2 février 2023, il a demandé au Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) de renouveler sa carte professionnelle. Par une décision du 6 février 2023, le CNAPS a rejeté sa demande au motif qu'il ne remplissait pas la condition de détention d'un titre de séjour de manière continue depuis au moins cinq ans, ne justifiant pas avoir été titulaire d'un titre de séjour sur la période du 1er juin 2019 au 28 septembre 2020. M. A... relève appel du jugement du 6 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 6 février 2023.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rennes a expressément répondu au moyen tiré de ce que M A... remplirait la condition de séjour continue de cinq ans, ayant obtenu un titre de séjour le 28 septembre 2020. En effet, le tribunal a retenu que si l'exécution de la décision du 22 juin 2020 du préfet du Morbihan refusant de renouveler le titre de séjour de M. A... a été suspendue par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes n° 2003243 du 28 août 2020 et que si pour exécuter cette ordonnance " le préfet du Morbihan lui [a] de nouveau délivré un titre de séjour le 28 septembre 2020, valable jusqu'au 27 septembre 2021, renouvelé jusqu'au 27 septembre 2023, la requête en annulation formée contre la décision du préfet du Morbihan [de refus de renouvellement de titre de séjour] du 22 juin 2020 a été rejetée par jugement n° 2003104 du tribunal [de céans] du 12 mai 2022, devenu définitif " et que M. A... était resté dépourvu de tout titre de séjour et autorisation provisoire de séjour, entre le 22 juin 2020 et le 28 septembre 2020, sans que cette interruption survenue dans la détention d'un titre de séjour puisse être regardée comme résultant d'un fait imputable à l'administration. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait omis de répondre à un moyen et que le jugement ainsi serait entaché d'irrégularité.

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 6 février 2023 :

3. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 7 du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 11 du jugement attaqué.

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a saisi le 2 février 2023 le CNAPS d'une demande de renouvellement de sa carte professionnelle d'agent privé de sécurité. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de renouvellement de sa carte professionnelle devait être précédée d'une procédure contradictoire en application de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration alors que l'obligation instituée par les dispositions de cet article n'est pas applicable aux décisions administratives prises en réponse à une demande d'un administré.

6. En quatrième lieu, aux termes du 4° bis de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : (...) Pour un ressortissant étranger ne relevant pas de l'article L. 233-1 du même code, s'il n'est pas titulaire, depuis au moins cinq ans, d'un titre de séjour ; (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que la période de cinq ans de détention d'un titre de séjour à la date de la décision en litige permettant à un étranger d'exercer une activité privée de sécurité doit être continue. Cette période continue de cinq ans s'apprécie sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les périodes couvertes par la détention d'un titre de séjour et celles couvertes par la détention du récépissé remis, notamment, le temps de l'instruction des demandes de délivrance et de renouvellement d'un titre de séjour. Par ailleurs, une interruption correspondant à un retard, imputable exclusivement à l'administration, dans la délivrance du récépissé d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour n'est pas de nature à interrompre ce délai. Dans les hypothèses, toutefois, où le retard dans la délivrance d'une autorisation de séjour est imputable au manque de diligence du ressortissant non européen ou lorsque son séjour régulier sur le territoire français est interrompu en raison d'une décision de retrait ou de refus de renouvellement de son titre de séjour ou de délivrance d'un récépissé l'autorisant provisoirement à séjourner en France et que ce refus a été jugé légal par un jugement devenu définitif, le ressortissant étranger non européen ne peut être regardé comme étant titulaire d'un titre de séjour depuis au moins cinq ans.

8. Ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, la requête en annulation formée contre la décision du 22 juin 2020 du préfet du Morbihan refusant de renouveler le titre de séjour de M. A... a été rejetée par un jugement n° 2003104 du tribunal administratif de Rennes du 12 mai 2022, devenu définitif. En outre, l'intéressé est resté dépourvu de tout titre de séjour ou autorisation provisoire de séjour, entre le 22 juin 2020 et le 28 août 2020, date de l'ordonnance du juge des référés suspendant l'exécution de la décision du 22 juin 2020. Par suite, il ne remplissait pas la condition d'être titulaire, depuis au moins cinq ans, d'un titre de séjour à la date à laquelle la décision en litige a été prise. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'erreurs de fait et de droit doit être écarté.

9. En cinquième lieu, la décision de refus de renouvellement de la carte professionnelle d'agent de sécurité privée en litige étant exclusivement fondée sur le non-respect de la condition de régularité du séjour pendant les 5 années précédant la décision en litige , le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait également entachée cette décision en raison du fait qu'il a bénéficié d'une première carte professionnelle d'agent de sécurité sur la base de titres de séjour délivrés depuis au moins 2017 ne peut être utilement soulevé.

10. En sixième lieu, il résulte de la décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021 que les dispositions susmentionnées du 4° bis de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure sur la base desquelles la décision en litige a été prise ont été adoptées afin de s'assurer que le ressortissant d'une autre nationalité que la nationalité française ou la nationalité d'un autre pays de l'Union européenne ait un comportement ou des agissements qui ne sont pas contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat. Ces dispositions instituent donc une différence de traitement pour l'accès à l'exercice d'une activité privée de sécurité qui a pour objectif le respect par les personnes assurant des missions privées de sécurité le respect des principes rappelés ci-dessus. Si le requérant soutient que la décision en litige porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect d'une vie privée et familiale normale qu'il tient des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et serait discriminatoire au regard de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article 4° bis de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure n'ont ni pour objet ni pour effet de porter une quelconque atteinte à la vie privée et familiale de M. A... et instituent une différence de traitement en rapport avec le but qu'elles poursuivent en fonction de la nationalité du postulant à l'accès à l'exercice d'une profession réglementée.

11. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article 26 du Pacte relatif aux droits civils et politiques : " Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. A cet égard, la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ".

12. Il résulte de la coexistence du Pacte relatif aux droits civils et politiques et du Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ouverts à la signature le même jour, que l'article 26 précité du premier de ces Pactes ne peut concerner que les droits civils et politiques mentionnés par ce Pacte et a pour seul objet de rendre directement applicable le principe de non-discrimination propre à ce Pacte. Les dispositions de l'article 26 du Pacte relatif aux droits civils et politiques ne sont donc invocables que par les personnes qui invoquent une discrimination relative à l'un des droits civils et politiques énumérés par ce Pacte au nombre desquels ne figurent pas l'accès à l'exercice de la profession réglementée d'agent privé de sécurité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 26 du Pacte relatif aux droits civils et politiques est inopérant.

13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CNAPS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement au CNAPS de la somme qu'il demande au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du CNAPS tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au Conseil national des activités privées de sécurité.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente de chambre,

- M. Vergne, président assesseur,

- Mme Marion, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2025.

La rapporteure,

I. MARION

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

Y. MARQUIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24NT01044


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT01044
Date de la décision : 04/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS CLAISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-04;24nt01044 ?
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