Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans.
Par un jugement n° 2403732 du 4 octobre 2024, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Le Bourdais, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2024 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler cet arrêté du 1er juillet 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente de cet examen, une attestation de demande d'asile " procédure normale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ; elle est entachée d'erreurs de droit au regard des dispositions des articles L. 611-1 et L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien, née le 2 mai 1999 à Zarzis (Tunisie), est entré sur le territoire français le 21 décembre 2014. Par un arrêté du 1er juillet 2024, le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de cinq ans. M. A... relève appel du jugement du 4 octobre 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En réponse au moyen tiré de ce que M. A... ne représentait pas une menace pour l'ordre public, le tribunal s'est fondé, en particulier, sur un jugement du 28 juin 2023, par lequel le tribunal administratif de Rennes avait rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation d'un précédent arrêté du 27 mars 2023 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, pour mentionner d'autres infractions commises par M. A... qui ne sont pas indiquées dans l'arrêté en litige. Contrairement aux mentions erronées figurant dans le jugement attaqué, ce jugement du 28 juin 2023 n'est pas visé par le préfet dans l'arrêté contesté du 1er juillet 2024. En se fondant ainsi sur une pièce qui n'avait pas été régulièrement versée au dossier de l'instance en cause et communiquée aux parties, le tribunal a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué doit être annulé pour ce motif.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
Sur les moyens communs aux décisions en litige :
4. Le préfet d'Ille-et-Vilaine a donné délégation, par un arrêté du 29 avril 2024, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, à Mme C... B..., cheffe du bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière, référente régionale, et signataire de l'arrêté attaqué, aux fins de signer, notamment, les décisions d'éloignement.
5. L'arrêté litigieux comporte l'ensemble des motifs de droit et de fait au regard desquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé d'obliger M. A... à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant cinq ans et qui permettent de s'assurer que ce préfet a pris les décisions litigieuses après un examen particulier de la situation de l'intéressé, telle qu'elle était portée à sa connaissance. Il mentionne en particulier que M. A... est défavorablement connu des services de police et de la justice en raison de ses condamnations pénales. L'arrêté relève également que l'intéressé déclare vivre en concubinage et être sans enfant à charge et que ses parents vivent toujours en Tunisie. Par suite, malgré l'absence de mention de l'ensemble des membres de sa famille présents sur le territoire français, le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation de ces décisions doit être écarté, le préfet n'étant pas tenu à peine d'irrégularité d'y énoncer l'ensemble des informations concernant la situation de la personne concernée ou les circonstances susceptibles de s'opposer à la décision en cause ou de justifier qu'une décision différente soit prise. Doit également être écarté, pour les mêmes motifs, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation du requérant.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de la motivation de la mesure d'éloignement elle-même, que cette décision aurait été prise sans vérification préalable du droit au séjour du requérant, tenant notamment compte de la durée de présence de M. A... sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit, conformément au premier alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile explicitant, s'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français, l'obligation d'examen particulier applicable de manière générale aux décisions prises par l'autorité administrative. Par suite, doit être écarté le moyen tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions n'impliquaient pas l'obligation pour le préfet de statuer expressément, dans sa décision, sur le droit au séjour de M. A....
7. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 15 octobre 2021, le tribunal correctionnel de Rennes a condamné, en comparution immédiate, M. A... à huit mois d'emprisonnement dont quatre mois avec sursis. Il a été incarcéré au centre pénitentiaire de Rennes-Vézin pour des faits de transport, détention, offre ou cession, acquisition et usage non autorisé de stupéfiants. Par un jugement du 14 novembre 2023, le tribunal correctionnel de Rennes a, de nouveau, condamné M. A... à huit mois d'emprisonnement pour des faits, en récidive, d'usage illicite, d'acquisition non autorisée, de tentative d'offre ou cession non autorisée, de transport et de détention non autorisés de stupéfiants, de violation de l'interdiction de paraître dans les lieux où l'infraction a été commise, de violence dans un moyen de transport collectif de voyageurs sans incapacité en récidive et d'infraction à une interdiction de séjour. Compte tenu de ces condamnations pénales, de la réitération et de la nature des faits commis par M. A..., qui sont récents à la date de l'arrêté contesté, le préfet d'Ille-et-Vilaine a fait une exacte application des dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que le comportement du requérant, qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois, constitue une menace pour l'ordre public.
9. Il ressort des pièces du dossier que la durée de la présence en France de M. A..., qui déclare être arrivé en France en 2014, à l'âge de quinze ans, s'explique par son séjour en situation irrégulière à compter de sa majorité, l'intéressé n'ayant jamais entamé de démarche en vue de la régularisation de sa situation. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français en dépit de trois décisions l'obligeant à quitter le territoire français édictées les 2 décembre 2020, 3 décembre 2021 et 27 mars 2024 qu'il n'a pas exécutées. M. A... se prévaut de la présence en France de plusieurs oncles et tantes ainsi que des cousins. Toutefois, en l'absence de tout élément circonstancié, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé entretiendrait avec les membres de sa famille présents sur le territoire français des liens d'une particulière intensité. S'il ressort également des pièces du dossier que M. A... entretient une relation sentimentale avec une ressortissante française, la réalité de ce concubinage n'est pas suffisamment établie par l'unique attestation de sa compagne et présente, par ailleurs, un caractère récent. M. A... n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et où il a vécu jusqu'à l'âge de quinze ans. L'intéressé se prévaut de la circonstance que l'exercice de l'autorité parentale a été confié à son oncle par un jugement du 22 janvier 2016 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Quimper et qu'il n'a, dès lors, plus de contact avec ses parents. Cependant, il ressort des termes de ce même jugement que la renonciation à l'exercice de l'autorité parentale n'a été décidée par les parents de M. A... qu'en raison de leurs difficultés financières pour subvenir à l'entretien et l'éducation de leur enfant. Ainsi, alors que M. A... est désormais majeur, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse renouer des liens avec ses parents en cas de retour dans son pays d'origine. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. A... a suivi une formation au sein du CFA de Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine), en vue de l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle de peintre. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait obtenu ce diplôme et, par ailleurs, qu'il aurait par la suite occupé un quelconque emploi sur le territoire français à la suite de sa formation, à l'exception d'un stage effectué à l'hôtel Atlantic du 9 mai au 12 mai 2017, d'une durée de quatre jours, en vue de la validation de son diplôme. En définitive, M. A... est défavorablement connu des services de police et de la justice pour des condamnations pénales en répression de faits de trafic de stupéfiants, en récidive, ce qui relativise l'intégration dont il se prévaut. Dans ces conditions, en dépit de ses efforts dans l'apprentissage de la langue française, M. A... ne peut être regardé comme ayant noué avec la France des liens particulièrement intenses et stables et, dès lors, en obligeant M. A... à quitter le territoire français, le préfet d'Ille-et-Vilaine, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A....
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
10. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
11. Ainsi qu'il a été dit au point 8, le comportement de M. A... sur le territoire français constitue une menace pour l'ordre public. Par conséquent, le préfet d'Ille-et-Vilaine a pu légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire sur le fondement du 1° de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de cinq ans :
12. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public. ".
13. M. A... ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle à la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de cinq ans, dès lors notamment qu'il ne justifie pas avoir noué avec la France des liens particulièrement intenses et stables et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent en particulier ses parents et que, par ailleurs, sa présence sur le territoire français constitue une menace pour l'ordre public, eu égard aux récentes condamnations pénales dont il a fait l'objet. Par suite, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée de cinq ans.
14. Pour les mêmes motifs qu'exposés au point 9, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de cinq ans ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 1er juillet 2024 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administratives doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 4 octobre 2024 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. Vergne, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2025.
La présidente-rapporteure,
C. BRISSON
Le président-assesseur,
G-V. VERGNE
Le greffier,
Y. MARQUIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24NT030202