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25/04/2025 | FRANCE | N°24NT03640

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 3ème chambre, 25 avril 2025, 24NT03640


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2024 par lequel le préfet du Morbihan l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a déterminé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de cinq ans.



Par un jugement n°2406029 du 24 décembre 2024, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 27 septembre 2024 du préfet du M

orbihan.



Procédure devant la cour :



Le préfet du Morbihan a demandé à la cour admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2024 par lequel le préfet du Morbihan l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a déterminé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de cinq ans.

Par un jugement n°2406029 du 24 décembre 2024, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 27 septembre 2024 du préfet du Morbihan.

Procédure devant la cour :

Le préfet du Morbihan a demandé à la cour administrative d'appel de Nantes de prononcer le sursis à exécution du jugement n°2406029 du 24 décembre 2024 du tribunal administratif de Rennes.

Par une ordonnance n° 24NT03641 du 10 janvier 2025 la présidente de la troisième chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a sursis à l'exécution du jugement n° 2406029 du tribunal administratif de Rennes jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête d'appel de fond.

I- Par une requête enregistrée le 24 décembre 2024, sous le n° 24NT03640, le préfet du Morbihan demande à la cour d'annuler le jugement n°2406029 du 24 décembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 27 septembre 2024 obligeant M. E... à quitter le territoire français, fixant le pays de destination et lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée de cinq ans ;

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. E... et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ne méconnaît pas les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 et 14 janvier 2025 et 2 mars 2025, M. E..., représenté par Me Le Bourdais, conclut :

- à la mainlevée du sursis à exécution du jugement n° 2406029 du tribunal administratif de Rennes du 24 décembre 2024 ordonné par une ordonnance n° 24NT03641 du 10 janvier 2025 de la présidente de la troisième chambre de la cour administrative d'appel de Nantes ,

- au rejet de la requête présentée par le préfet du Morbihan contre le jugement n°2406029 du tribunal administratif de Rennes du 24 décembre 2024 ;

- à ce qu'il soit enjoint au préfet du Morbihan de réexaminer sa situation dans un délai de 3 jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance n° 24NT03641 du 10 janvier 2025 a été rendue en méconnaissance du principe du contradictoire dans la mesure où il n'a pas été convoqué à l'audience du 9 janvier 2025 portant sur l'examen de la requête en sursis à exécution présentée par le préfet du Morbihan et n'a pas eu communication de cette requête ;

- le tribunal n'a pas commis d'erreur d'appréciation quant à la stabilité de ses liens avec Mme F... et son fils A... alors que la vie en concubinage n'a été interrompu que de 6 à 7 semaines en 2023 ;

- il a été relaxé des faits de violence commis sur Mme F... et il ne constitue pas une menace à l'ordre public alors que les assertions du préfet du Morbihan sur sa radicalisation sont erronées et qu'il n'a fait l'objet que d'une seule condamnation par le tribunal correctionnel de Lorient le 29 octobre 2024 à six mois d'emprisonnement délictuel pour des faits de soustraction à une escorte et conduite sans permis de conduire ;

- l'arrêté du 27 septembre 2024 est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen complet de sa situation ;

- il a été pris en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il a été pris en violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'interdiction de retour en France pendant 5 ans méconnaît l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

II -Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2025, sous le numéro 25NT00108, M. D... E... représenté par Me Le Bourdais, conclut à la mainlevée du sursis à exécution du jugement n° 2406029 du tribunal administratif de Rennes du 24 décembre 2024 ordonné par une ordonnance n° 24NT03641 du 10 janvier 2025 de la présidente de la troisième chambre de la cour administrative d'appel de Nantes.

Il soutient que :

- l'ordonnance n° 24NT03641 du 10 janvier 2025 de la présidente de la troisième chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a été rendue en méconnaissance du principe du contradictoire énoncé à l'article L. 5 du code de justice administrative

- l'arrêté du préfet du Morbihan du 27 septembre 2024 a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors qu'il vivait bien en concubinage avec Mme F..., qu'il contribue à l'éducation de l'enfant qu'il a eu avec elle ainsi qu'à l'éducation de l'enfant né d'un autre lit de Mme F... et qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public et que la seule condamnation prononcée à son encontre est une peine de six mois de prison prononcée par le tribunal correctionnel de Lorient le 29 octobre 2024, soit postérieurement à l'arrêté en litige, pour conduite d'un véhicule sans permis, refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques intégrés dans un fichier de police par personne soupçonnée de crime ou délit et soustraction à une rétention administrative par un étranger.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord cadre France-Tunisie et protocoles du 28 avril 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marion,

- les observations de M. C..., représentant le préfet du Morbihan et de Me Le Bourdais, représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant tunisien, né le 11 décembre 1995, à Kasserine (Tunisie) est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement en France en juin 2018. A la suite de la plainte de sa concubine, Mme H... F..., pour des faits de violence et de menaces de mort, il a été interpellé par les services de police de Lorient. Par un arrêté du 8 janvier 2023, le préfet du Morbihan lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai avec une interdiction de retour en France pendant deux ans. Par un jugement du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté. Après s'être soustrait à l'exécution de l'arrêté du 8 janvier 2013 M. E... est reparti en Tunisie puis en Italie avant de revenir en France. Le 27 septembre 2024, il a été interpellé par les services de police et placé en garde à vue pour conduite d'un véhicule sans permis de conduire. Il a été destinataire d'un nouvel arrêté daté du 27 septembre 2024 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée de cinq ans. Le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 27 septembre 2024, par un jugement n° 2406029 du 24 décembre 2024. Le préfet du Morbihan demande à la cour d'annuler ce jugement et M. E... demande à la cour d'ordonner la mainlevée du sursis à exécution de ce jugement prononcé par une ordonnance du 10 janvier 2025 de la présidente de la troisième chambre de la cour administrative d'appel de Nantes. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes des stipulations l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

3. M. E... se prévaut de ce qu'il est le père d'un enfant français né le 13 février 2023 à Vannes de sa relation avec une ressortissante française, Mme H... F..., enfant qu'il a reconnu le 3 mai 2023 par un acte de reconnaissance établi au consulat général de France à Rome et de ce qu'il vit depuis deux ans en concubinage avec celle-ci à la date de l'arrêté du 27 septembre 2024 en litige. Il ressort toutefois des pièces du dossier et en particulier du procès-verbal de dépôt de plainte de Mme F... que M. E... a quitté sa compagne, domiciliée à Lanester (Morbihan), après avoir commis des actes de violence sur cette dernière pendant un mois, puis a vécu à une autre adresse afin d'échapper à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement du 6 janvier 2023. Il a ainsi résidé à Lorient en décembre 2022, puis en janvier 2023 à l'hôtel et au domicile de son père au Pontet (Vaucluse), puis à Ortevo (Italie) en mai 2023, et enfin d'avril à juillet 2024 à Avignon. Par suite, M. E... ne démontre pas la continuité de sa résidence au domicile de sa compagne ni la stabilité de sa relation de concubinage avec cette dernière. Par ailleurs, s'il a reconnu son fils A... qu'il a eu avec Mme F... deux mois et demi après la naissance de ce dernier, il ne démontre pas entretenir et contribuer à l'éducation de son enfant en apportant pour seules preuves de sa contribution à l'entretien de ce dernier des versements " Western Union " intervenus à l'été 2024. Par ailleurs, si M. E... produit des bulletins de paye de diverses entreprises du bâtiment datés de l'année 2022 faisant état de ce qu'il a travaillé comme plâtrier-plaquiste, ces documents ne sont pas de nature à démontrer que M. E... percevrait des revenus régulièrement en étant déclaré sous sa véritable identité par ses employeurs alors qu'il n'a pas obtenu d'autorisation de travail pour exercer le métier de plâtrier-plaquiste en méconnaissance de l'article 11 de l'accord franco-tunisien et de l'annexe I au protocole du 28 avril 2008 relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne. Enfin, si M. E... a fait état de la présence en France de son père et de plusieurs frères et sœurs dont certains ont acquis la nationalité française, il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans en Tunisie et n'a jamais déposé depuis son arrivée supposée en France en 2018 de demande de titre de séjour, et a déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 8 janvier 2023 à l'exécution de laquelle il s'est soustrait le 13 janvier 2023 en s'échappant lors de son acheminement vers l'aéroport de Roissy. Dans ces conditions, le préfet du Morbihan est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 27 septembre 2024 au motif qu'il aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... en première instance et en appel.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, l'arrêté en litige est signé par Mme G... B..., sous-préfète de Lorient qui est bénéficiaire d'une délégation de signature du préfet du Morbihan en vertu d'un arrêté du 14 mai 2024, publié au recueil des actes administratifs n° 56-2024-38 du 16 mai 2024. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 27 septembre 2024 doit être écarté.

6. En deuxième lieu, l'obligation de quitter le territoire français vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en particulier l'article L. 611-1, 1°, l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision fait état de ce que " l'intéressé déclare avoir un enfant de deux ans à charge mais que ce dernier réside avec sa mère ; il ne justifie pas entretenir de lien étroit avec son fils ni même participer à son entretien et son éducation " et " qu'il prétend avoir de la famille dans le sud de la France, à savoir son père, ses frères et sœurs ; néanmoins il ne justifie pas ne plus avoir de famille en Tunisie ; ses liens personnels et familiaux en France ne peuvent être qualifiés d'anciens, intenses et stables compte tenu notamment du fait qu'il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 23 ans " et enfin que " Monsieur E... D... déclare travailler depuis un mois et demi dans une société sans vouloir donner le nom de celle-ci et percevoir un revenu de 1 500 euros ". Par suite, la décision comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et n'est pas entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé.

7. En troisième lieu, M. E... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 qui prévoient la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence d'un an au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur à la condition qu'il détienne au moins partiellement l'autorité parentale et qu'il subvienne effectivement aux besoins de l'enfant dès lors que les ressortissants tunisiens ne relèvent pas des stipulations de l'accord franco-algérien.

8. En quatrième lieu, M. E... ne peut davantage se prévaloir des stipulations de l'article 10 de l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 qui réservent la délivrance de plein droit d'un titre de séjour d'une durée de dix ans au ressortissant tunisien en situation régulière au regard du séjour en France lorsque celui-ci est père d'un enfant français résidant en France à la condition qu'il détienne au moins partiellement l'autorité parentale et qu'il subvienne effectivement aux besoins de l'enfant dès lors que M. E... n'est pas en situation régulière au regard du séjour en France.

9. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

10. Il ressort des pièces du dossier et en particulier du procès-verbal de police du 6 janvier 2023 que Mme F... a déclaré que M. E... l'avait frappée à coups de poings en juillet 2022 ainsi qu'en septembre 2022 et l'avait menacée en janvier 2023, alors qu'elle était enceinte de leur enfant A..., de " porter des coups de poings et des coups de pieds dans son ventre, puis de s'occuper d'elle " si elle s'avisait de le quitter et a proféré à son encontre des menaces de mort. Par ailleurs, M. E... ne produit pas de pièces permettant de démontrer qu'il contribue, autrement que très ponctuellement, à l'entretien et à l'éducation de son fils. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contreviendrait à l'intérêt supérieur de l'enfant ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour en France pendant une durée de cinq ans :

11. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public " et de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

12. En premier lieu, il résulte des termes de l'arrêté du 27 septembre 2024 qu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à M. E... et que le préfet a tenu compte de la durée de présence de ce dernier en France, de la nature de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans et de la menace à l'ordre public qu'il pourrait représenter. Par suite, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions susmentionnées des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. En deuxième lieu, si M. E... soutient que l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de cinq ans méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 10 du présent arrêt.

14. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que si M. E... n'a pas été condamné par la juridiction pénale pour les faits de violence qu'il a commis sur sa compagne en la frappant alors qu'elle était enceinte de son premier enfant, il ne conteste pas néanmoins leur matérialité. Par ailleurs, il ne réfute pas non plus avoir échappé aux forces de l'ordre sur une aire d'autoroute lors de son acheminement vers l'aéroport de Roissy ni s'être ainsi opposé physiquement à l'exécution d'une précédente obligation de quitter le territoire français ni être revenu sur le territoire national en violation d'une précédente interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Enfin, il ne conteste pas non plus les faits de conduite d'un véhicule automobile sans permis de conduire au sujet desquels il a été interpelé le 27 septembre 2024 et de soustraction à une rétention administrative ainsi que de refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques intégrés dans un fichier de police par personne soupçonnée de crime ou délit et qui ont donné lieu à une condamnation le 29 octobre 2024. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français pendant cinq ans serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

15. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Morbihan est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 2406029 du 24 décembre 2024, le tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 27 septembre 2024. Par voie de conséquence, la requête présentée par M. E..., aux fins de mainlevée du sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 décembre 2024 est dépourvu d'objet et ne peut qu'être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2406029 du 24 décembre 2024 du tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif ainsi que ses conclusions devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. D... E....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 3 avril2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente de chambre,

- M. Vergne, président assesseur,

- Mme Marion, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2025.

La rapporteure,

I. MARION

La présidente,

C. BRISSON

Le greffier,

Y. MARQUIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 24NT03640, 25NT00108


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24NT03640
Date de la décision : 25/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. BRISSON
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: M. CATROUX
Avocat(s) : LE BOURDAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-25;24nt03640 ?
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