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06/06/2025 | FRANCE | N°19NT01040

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 2ème chambre, 06 juin 2025, 19NT01040


Vu la procédure suivante :



Par un arrêt n° 19NT01040 du 9 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer, jusqu'à l'expiration d'un délai de dix-huit mois courant à compter de la notification de l'arrêt, sur la requête de l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Caen du 31 décembre 2018, de l'arrêté du 14 juin 2017 par lequel le préfet de l'Orne a accord

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Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 19NT01040 du 9 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer, jusqu'à l'expiration d'un délai de dix-huit mois courant à compter de la notification de l'arrêt, sur la requête de l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Caen du 31 décembre 2018, de l'arrêté du 14 juin 2017 par lequel le préfet de l'Orne a accordé à la société Futures Energies Parc du Haut du Perche une autorisation unique portant sur la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire de l'ancienne commune de Moussonvilliers, ainsi que de l'arrêté du 24 mai 2022 par lequel le préfet de l'Orne a accordé à la société Futures Energies Parc du Haut du Perche une autorisation régularisant l'autorisation unique du 14 juin 2017, afin de permettre à l'État de produire devant la cour une autorisation environnementale modificative.

Le 11 juillet 2024, le préfet de l'Orne a communiqué à la cour son arrêté du 8 juillet 2024 modifiant l'autorisation environnementale résultant de ses arrêtés du 14 juin 2017 et du 24 mai 2022.

Par des mémoires enregistrés les 17 juin 2024, 25 septembre 2024 et 12 décembre 2024, l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres, représentés par Me Monamy, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 31 décembre 2018 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de l'Orne des 14 juin 2017, 24 mai 2022 et 8 juillet 2024 ;

3°) en cas d'annulation partielle ou de sursis à statuer, de suspendre l'exécution des parties non viciées de l'autorisation résultant de ces arrêtés ;

4°) de mettre à la charge de l'État et de la société Futures Energies Parc du Haut du Perche le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les vices résultant de l'insuffisance de l'étude d'impact, dans son volet chiroptérologique et son volet acoustique, n'ont pas été régularisés ;

- la procédure de régularisation a révélé un vice résultant de l'insuffisance de l'étude d'impact, en ce qui concerne les enjeux du projet pour la cigogne noire ;

- la procédure de régularisation a révélé un vice résultant de l'absence de dérogation à l'interdiction de destruction de spécimens d'espèces protégées pour les chiroptères et pour la cigogne noire ;

- l'autorisation litigieuse porte une atteinte excessive aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, s'agissant de la protection de la faune et de la préservation des paysages et de la commodité du voisinage ;

- cette autorisation est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 515-44 du code de l'environnement ; l'article 3 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent méconnaît les dispositions de cet article.

Par des mémoires, enregistrés les 10 juin 2024, 14 novembre 2024 et 16 janvier 2025, la société Futures Energies Parc du Haut du Perche, représentée par Me Gelas, conclut au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, pour permettre la régularisation de l'autorisation litigieuse et demande à la cour de mettre à la charge de chacun des requérants le versement de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2024, le ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques conclut au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, pour permettre la régularisation de l'autorisation litigieuse.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un courrier du 14 mai 2025, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, de surseoir à statuer pendant un délai de 6 mois, accordé pour permettre la régularisation du vice entachant l'autorisation environnementale en litige tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact en ce qui concerne les impacts du projet sur la cigogne noire.

Par un mémoire enregistré le 16 mai 2025 et communiqué le 19 mai 2025, la société Futures Energies Parc du Haut du Perche a présenté des observations en réponse au courrier du 14 mai 2025.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mas,

- les conclusions de M. Le Brun, rapporteur public,

- et les observations de Me Monamy, représentant l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres, et de Me Kerjean Gauducheau, représentant la société Futures Energies parc du Haut du Perche.

Une note en délibéré, présentée pour la société Futures Energies Parc du haut du Perche a été enregistrée le 22 mai 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 14 juin 2017, le préfet de l'Orne a délivré à la société Futures Energies Parc du Haut du Perche une autorisation unique portant sur un parc éolien, composé de quatre aérogénérateurs et d'un poste de livraison, situé sur le territoire de l'ancienne commune de Moussonvilliers, devenue commune déléguée de la commune nouvelle de Charencey. Par un jugement du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande présentée par l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt avant dire droit du 11 juin 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a jugé que l'autorisation délivrée par cet arrêté était entachée d'illégalité en ce que, premièrement, elle n'avait pas été précédée d'un avis régulièrement émis par l'autorité environnementale, deuxièmement, le public et l'administration n'avaient pas été suffisamment informés quant aux capacités financières dont disposait la société pétitionnaire, troisièmement, l'étude d'impact était, sur certains points, entachée d'inexactitude et d'insuffisance et, quatrièmement, le montant initial des garanties financières était insuffisant au regard des prescriptions de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 22 juin 2020. En conséquence, la cour a, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, sursis à statuer, jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an, sur la demande de l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres, afin de permettre à l'État de communiquer à la cour une autorisation environnementale modificative. Le 7 juin 2022, le préfet de l'Orne a communiqué à la cour son arrêté du 24 mai 2022 modifiant l'autorisation unique du 14 juin 2017.

2. Par un arrêt avant dire droit du 9 décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a jugé que cet arrêté du 24 mai 2022 régularisait les vices entachant l'arrêté du 14 juin 2017 tenant à l'irrégularité de l'avis émis par l'autorité environnementale, de l'insuffisante information du public quant aux capacités financières dont disposait la société pétitionnaire et de l'insuffisance du montant des garanties financières. Par le même arrêt, la cour a toutefois jugé que l'autorisation accordée à la société Futures Energies Parc Eolien du Haut du Perche demeurait entachée de vices résultant de l'insuffisance de l'étude d'impact dans ses volets chiroptérologique, acoustique et paysager et a sursis à statuer, jusqu'à l'expiration d'un délai de dix-huit mois, sur la demande de l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres, afin de permettre à l'État de communiquer à la cour une autorisation environnementale modificative. La cour a également considéré que, compte tenu des lacunes de l'étude d'impact qui entachaient le dossier de demande elle n'était pas en mesure d'apprécier la conformité du projet aux articles L. 515-44 et L. 511-1 du code de l'environnement, et a, par conséquent, réservé sa réponse aux moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions. Le 11 juillet 2024, le préfet de l'Orne a communiqué à la cour son arrêté du 8 juillet 2024 modifiant l'autorisation environnementale résultant de ses arrêtés du 14 juin 2017 et du 24 mai 2022. L'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres demandent à la cour l'annulation des trois arrêtés du préfet de l'Orne des 14 juin 2017, 24 mai 2022 et 11 juillet 2024.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / (...) ".

4. À compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 181-18 du code de l'environnement, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. À ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche utilement soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse de moyens déjà écartés par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.

En ce qui concerne la régularisation des vices relevés dans l'arrêt avant dire droit du 9 décembre 2022 :

5. Aux termes de l'article R. 512-6, alors en vigueur, du code de l'environnement : " I.- A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : / (...) / 4° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dont le contenu est défini à l'article R. 122-5 et complété par l'article R. 512-8 ; / (...) ". L'article R. 122-5 de ce code, dans sa version applicable au litige, dispose : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / (...) l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : / (...) / 3° Une description des aspects pertinents de l'état actuel de l'environnement, (...) / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : / a) De la construction et de l'existence du projet, y compris, le cas échéant, des travaux de démolition ; / b) De l'utilisation des ressources naturelles, en particulier les terres, le sol, l'eau et la biodiversité, en tenant compte, dans la mesure du possible, de la disponibilité durable de ces ressources ; / c) De l'émission de polluants, du bruit, de la vibration, de la lumière, la chaleur et la radiation, de la création de nuisances et de l'élimination et la valorisation des déchets ; / d) Des risques pour la santé humaine, pour le patrimoine culturel ou pour l'environnement ; / e) Du cumul des incidences avec d'autres projets existants ou approuvés, en tenant compte le cas échéant des problèmes environnementaux relatifs à l'utilisation des ressources naturelles et des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement susceptibles d'être touchées. Ces projets sont ceux qui, lors du dépôt de l'étude d'impact : / (...) / - ont fait l'objet d'une évaluation environnementale au titre du présent code et pour lesquels un avis de l'autorité environnementale a été rendu public. / (...) / La description des éventuelles incidences notables sur les facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 porte sur les effets directs et, le cas échéant, sur les effets indirects secondaires, cumulatifs, transfrontaliers, à court, moyen et long termes, permanents et temporaires, positifs et négatifs du projet ; / (...) ". Aux termes du I de l'article R. 512-8, alors en vigueur, du même code : " Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. ".

6. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

7. En premier lieu, la société Futures Energies Parc Eolien du Haut du Perche a produit, à l'appui de sa demande d'autorisation de régularisation, une étude chiroptérologique complémentaire de novembre 2023, laquelle s'appuie sur des écoutes à hauteur de nacelle entre le 31 mars et le 9 novembre 2022 et entre le 15 mars et le 15 novembre 2023, ainsi qu'un inventaire au sol à partir de cinq points d'écoute passive et cinq points d'écoute active entre le 30 mars et le 11 octobre 2023. Les données ainsi relevées ont permis d'identifier, pour chacune des espèces contactées, la sensibilité vis-à-vis des éoliennes compte tenu des risques de collision et de barotraumatisme, de perte de gîte et d'habitat et de perte de corridors de déplacement ou d'habitats de chasse, l'impact brut prévu, ainsi que l'impact résiduel prenant en compte les effets d'un plan de bridage dont les modalités ont été définies compte tenu de l'activité chiroptérologique constatée sur le site.

8. Il ne résulte pas de l'instruction que l'emplacement du mât de mesure qui a permis les écoutes à hauteur de nacelle, situé plus près du boisement situé dans la zone d'implantation que ne le seront les mâts des aérogénérateurs projetés, aurait faussé les résultats de l'étude et ainsi minimisé l'impact du projet sur les chiroptères. En outre, contrairement à ce que soutiennent l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres, l'étude chiroptérologique complémentaire n'a ni omis de prendre en compte les résultats des écoutes en altitude, dès lors notamment qu'elle prend en compte les enjeux du projet pour la noctule commune, qui n'a été contactée qu'en altitude, ni omis de prendre en compte le risque de barotraumatisme, évalué avec le risque de collision. Par ailleurs, si les appelants contestent les modalités de détermination de l'impact brut retenu pour la Noctule commune, il résulte de l'instruction que cet impact brut a été estimé " fort " du fait du statut de conservation défavorable de l'espèce à l'échelle nationale et régionale, de sorte que l'insuffisance alléguée est demeurée sans incidence sur le contenu de l'étude d'impact. Enfin, si la Grande Noctule a été contactée à sept reprises en altitude en 2022, sa présence dans la zone d'implantation n'a pas été constatée en 2023, conformément aux attentes résultant de l'étude bibliographique dont il résulte que la présence de cette espèce n'a jamais été relevée dans le département de l'Orne. Ainsi, la fréquentation du site par cette espèce n'ayant pas été constatée lors de la période la plus proche de l'arrêté de régularisation du 11 juillet 2024 et en l'absence de tout autre élément relatif à la fréquentation éventuelle du site par cette espèce, l'étude d'impact n'est pas entachée d'insuffisance en ce qu'elle n'analyse pas les enjeux du projet pour la Grande Noctule. Il en résulte que l'arrêté du 11 juillet 2024 a régularisé le vice résultant de l'insuffisance de l'étude d'impact, dans son volet chiroptérologique.

9. En deuxième lieu, au point 10 de l'arrêt avant dire droit du 9 décembre 2022, la cour administrative d'appel a jugé que le volet acoustique de l'étude d'impact, en ce qu'il estimait l'émergence sonore résultant du projet au lieu-dit " La Vallée " par extrapolation de données mesurées en un autre point, était entaché d'insuffisance du fait de différences existant entre ce point et le lieu-dit " La Vallée ". A l'appui de sa demande d'autorisation de régularisation, la société Futures Energies Parc Eolien du Haut du Perche a produit une étude acoustique complémentaire du 14 septembre 2023, laquelle comprend notamment des mesures effectuées depuis un point situé au lieu-dit " La Vallée ". Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutiennent l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres, l'analyse des émergences sonores a été réalisée dans cette étude sans prendre en compte le bruit généré par un autre projet éolien à proximité, qui n'était pas encore en exploitation à la date de réalisation de l'étude. Ainsi, la circonstance que le bruit généré par ce parc éolien a été estimé à partir d'hypothèses quant à son plan de bridage acoustique et non à partir des conditions réelles de son exploitation future n'a pu, en tout état de cause, fausser l'appréciation dans cette étude des émergences sonores, que l'exploitation de cet autre parc ne pourra que minorer par rapport aux résultats de l'étude. Il en résulte que l'arrêté du 11 juillet 2024 a régularisé le vice résultant de l'insuffisance de l'étude d'impact, dans son volet acoustique.

10. En troisième lieu, au point 12 de l'arrêt avant dire droit du 9 décembre 2022, la cour administrative d'appel a jugé que le volet paysager de l'étude d'impact était entaché d'insuffisance, en ce que les photomontages réalisés depuis les lieux-dits " La Roberdière ", " La Vallée " et " Les Létumières ", situés entre le projet litigieux et le projet de parc éolien proche du Haut Perche 1, ne faisaient apparaître que les éoliennes du projet, sans permettre d'apprécier les risques d'encerclement et de saturation visuelle résultant de la proximité de cet autre projet de parc éolien. La société Futures Energies Parc Eolien du Haut du Perche a produit, à l'appui de sa demande d'autorisation de régularisation, une étude paysagère complémentaire de juillet 2023, laquelle analyse, depuis onze points de vue extérieurs, dont les lieux-dits " La Roberdière ", " La Vallée " et " Les Létumières ", les vues sur le projet de parc éolien litigieux et sur le parc éolien proche, ainsi que les risques de saturation visuelle et de sensation d'encerclement depuis ces points, à partir tant de photomontages montrant les deux parcs isolément et ensemble que d'une étude d'encerclement à partir de la proportion de l'horizon à 360 ° sur laquelle des éoliennes seront visibles. Il en résulte que l'arrêté du 11 juillet 2024 a régularisé le vice résultant de l'insuffisance de l'étude d'impact, dans son volet paysager.

En ce qui concerne les vices révélés par la procédure de régularisation :

11. En premier lieu, il résulte d'observations émises pendant l'enquête publique complémentaire menée sur le projet d'arrêté de régularisation du 22 avril 2024 au 7 mai 2024, ainsi que d'éléments obtenus par le commissaire-enquêteur, en particulier d'une note rédigée à sa demande par le Parc naturel régional du Perche, qu'au moins un couple nicheur de cigognes noires, espèce d'oiseau protégée, inscrite comme espèce " en danger " sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de France métropolitaine et comme espèce " en danger critique d'extinction " sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de l'ancienne région Basse-Normandie, s'est installé à une dizaine de kilomètres au sud de la zone d'implantation du projet litigieux en 2018, l'espèce ayant été observée à de multiples reprises dans les environs depuis lors, et que les individus de cette espèce recherchent de la nourriture pour leurs petits dans un rayon de 15 kilomètres autour de leur nid. La cigogne noire a notamment été observée au printemps et à l'été 2022 dans la vallée de l'Avre, à 4 kilomètres environ au nord du site d'implantation retenu, ainsi qu'il résulte d'une étude la Ligue pour la protection des oiseaux produite par l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres. Ce constat n'est remis en cause ni, d'une part, par la circonstance que l'emplacement exact du nid n'est pas précisément connu, ni, d'autre part, par la circonstance que la zone d'implantation n'est pas favorable à la nidification de cette espèce, qui ne fait pas obstacle à ce que des spécimens viennent y rechercher de la nourriture ou y transitent à destination de sites favorables au nourrissement tels que la vallée de l'Avre au nord, ni enfin par l'absence de relevé de la présence de cette espèce lors de deux seules visites de terrain réalisées en 2021 et 2024, dès lors que la cigogne noire n'était pas recherchée et peut ne fréquenter le site que de manière très ponctuelle. Au regard de ces circonstances, de l'état de conservation de l'espèce et de son statut de protection, cette insuffisance de l'étude d'impact a nui à l'information complète de la population, nonobstant les observations sur ce point présentées pendant l'enquête publique, et a été de nature à exercer une influence sur la décision administrative. L'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres est dès lors fondée à soutenir, en s'appuyant sur ces éléments, révélés par la procédure de régularisation, que l'étude d'impact du projet litigieux est incomplète, dans son volet avifaunistique, en tant qu'elle n'analyse pas les enjeux du projet éolien pour la conservation de la cigogne noire.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits: / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code: " I. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / d) A des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ; / e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié de certains spécimens (...) ".

13. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

14. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

15. D'une part, l'étude chiroptérologique complémentaire de novembre 2023 retient des enjeux du projet variables selon les espèces et qualifiés de " fort " pour la Barbastelle d'Europe et la Noctule commune. Cette étude recommande un plan de bridage prévoyant l'arrêt des éoliennes E1, E2 et E3, proches d'un boisement ou d'une haie, pour des températures supérieures à 9°C, lorsque la vitesse du vent est inférieure à 7 mètres par seconde, en l'absence de précipitations, du coucher au lever du soleil et de début mai à fin octobre, couvrant plus de 90 % de l'activité chiroptérologique constatée. L'autorité administrative a renforcé ce plan de bridage, l'arrêté du préfet de l'Orne du 8 juillet 2024 prévoyant un bridage des mêmes éoliennes toute l'année et pour des températures supérieures à 8°C. Il résulte de l'instruction que 99,74 % des contacts en altitude constatés en 2023 l'ont été par une température supérieure 8° C et 91,28 % pour des vitesses de vent supérieures à 7 mètres par seconde. Le même arrêté impose en outre un suivi écologique du chantier d'installation afin d'éviter les impacts nuisibles que celui-ci pourrait avoir sur les chiroptères, ainsi qu'un suivi environnemental de l'exploitation du parc permettant de s'assurer de l'efficacité du plan de bridage retenu. Dans ces conditions et alors même que l'étude chiroptérologique complémentaire de novembre 2023 ne distingue pas, parmi les contacts enregistrés dans les conditions météorologiques pour lesquelles sera mis en œuvre le plan de bridage, ceux qui correspondent aux espèces de haut vol les plus sensibles aux risques de collision et de barotraumatisme, le risque que représente le projet litigieux pour les chiroptères n'est pas suffisamment caractérisé. Le moyen tiré de ce que la société Futures Energies Parc Eolien du Haut du Perche aurait dû solliciter une dérogation à l'interdiction de spécimens d'espèces protégées de chiroptères doit dès lors être écarté.

16. D'autre part, compte tenu de l'insuffisance de l'étude d'impact mentionnée au point 11 du présent arrêt, la cour n'est pas en mesure d'apprécier la nécessité d'une telle dérogation pour la cigogne noire. Dès lors, il y a lieu pour la cour de réserver sa réponse au moyen tiré de ce qu'une telle dérogation aurait dû être sollicitée.

En ce qui concerne les moyens réservés par l'arrêt avant dire droit du 9 décembre 2022 :

17. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. ". L'article L. 511-1 du même code dispose : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

18. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le projet litigieux emporterait des inconvénients excessifs pour la protection des chiroptères doit être écarté pour les motifs mentionnés au point 15 ci-dessus. Par ailleurs, compte tenu de l'insuffisance de l'étude d'impact mentionnée au point 11 du présent arrêt, la cour n'est pas en mesure d'apprécier les inconvénients du projet pour la protection de la cigogne noire. Dès lors, il y a lieu pour la cour de réserver sa réponse au moyen tiré de ce que ces inconvénients sont excessifs, en méconnaissance des dispositions citées au point précédent.

19. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le projet litigieux emporterait des inconvénients excessifs pour la protection des paysages et la conservation des sites et des monuments doit être écarté pour les motifs exposés aux points 13 et 14 de l'arrêt avant dire droit du 11 juin 2021 relatifs au moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.

20. En troisième lieu, il appartient à l'autorité administrative, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à l'effet de saturation visuelle causé par un projet de parc éolien, de tenir compte de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents.

21. Le parc éolien litigieux est situé à proximité d'un autre parc éolien, autorisé à la date de l'arrêté de régularisation du 8 juillet 2024. Ces deux parcs éoliens sont alignés sur un axe sud-ouest - nord-est et distants d'environ 1,5 kilomètre. A l'appui de sa demande de second arrêté de régularisation, la société Futures Energies Parc du Haut du Perche a produit une étude paysagère complémentaire de juillet 2023, laquelle comporte notamment une analyse des risques théoriques de saturation visuelle, avant prise en compte des effets de masquage pouvant résulter du relief ou de la présence de constructions et de végétation, depuis les lieux-dits situés entre ces deux parcs, réalisée selon une méthodologie, définie par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la région Centre, fondée sur le recoupement de trois indices, un indice d'occupation de l'horizon, correspondant à la somme des angles de l'horizon interceptés par des éoliennes depuis le point de vue choisi, ne devant excéder un seuil d'alerte de 120°, un indice d'espace de respiration, correspondant au plus grand angle continu sans éolienne, ne devant pas être inférieur à un seuil d'alerte de 160°, ainsi qu'un indice de densité des horizons, correspondant au ratio du nombre d'éoliennes présentes par angle d'horizon occupé, ne devant pas être supérieur à un seuil d'alerte de 0,1.

22. Si le projet litigieux est nettement visible depuis les lieux-dits " La Roberdière ", " La Vallée " et " Les Létumières ", situés entre ce projet et le parc éolien autorisé voisin, qui regroupent, selon l'étude d'impact du projet, cinq habitations et une ferme, il ne résulte pas des photomontages produits par les parties qu'il emporterait un effet d'écrasement sur les constructions concernées, compte tenu d'écrans visuels résultant de la trame arborée qui protège certaines habitations. Il ressort de l'étude paysagère complémentaire de juillet 2023 que, depuis ces trois lieux-dits, la densité d'éoliennes visibles restera très faible du fait de l'absence d'autres parcs éoliens construits ou en projet dans un rayon de 25 kilomètres. En outre, il ressort de la même étude, d'une part, que, depuis le lieu-dit " La Roberdière ", le seuil d'alerte est faiblement dépassé pour l'indice d'occupation de l'horizon, qui s'établit à 121°. Toutefois, du fait de la situation du lieu-dit entre les deux parcs, il résulte des plans et photomontages produits qu'aucune vue n'existe depuis ce lieu-dit qui engloberait l'ensemble des deux parcs, les vues étant en outre partiellement bloquées par la végétation dense au nord et au sud du lieu-dit, qui masque notamment deux des quatre éoliennes du projet litigieux. D'autre part, il résulte de la même étude que, depuis le lieu-dit " Les Létumières ", le seuil d'alerte est dépassé tant pour l'indice d'occupation de l'horizon, qui s'établit à 128°, que pour l'indice d'espace de respiration, qui s'établit à 95°. Toutefois, il y est, de même, impossible d'apercevoir l'ensemble des éoliennes des deux parcs, les vues étant en outre partiellement occultées par des haies bocagères ainsi que, depuis les habitations, par des constructions, dont une grande de taille importante. Enfin, il résulte de la même étude que, pour le lieu-dit " La Vallée ", le seuil d'alerte est dépassé tant pour l'indice d'occupation de l'horizon, qui s'établit à 175°, que pour l'indice de respiration, qui s'établit à 118°. Il résulte cependant des photomontages produits que la trame arborée et les constructions masquent partiellement les parcs en litige, dont l'ensemble des éoliennes ne peut être observé ensemble. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il ne résulte pas de l'instruction que le projet litigieux emporterait un risque de saturation visuelle.

23. Il n'est pas contesté que, compte tenu du plan de bridage dont il fait l'objet, le projet litigieux respecte la réglementation applicable en matière de bruit généré. Si l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres se réfèrent à l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale qui indique que les émergences sonores en période nocturne, après mesures de réduction, dépassent en plusieurs points les 10 dB (A), soit un doublement du niveau sonore ressenti par l'ouïe humaine, la société Futures Energies Parc Eolien du Haut du Perche fait valoir sans être contestée que ce doublement, qui s'explique par la faiblesse du bruit ambiant en l'absence du projet, ne constitue pas un indicateur pertinent de la gêne ressentie par les riverains, celle-ci résultant du volume sonore généré par l'exploitation du parc litigieux, qui est inférieur au plafond réglementaire.

24. Au regard de l'ensemble des éléments mentionnés aux points 20 à 23 ci-dessus, le moyen tiré de ce que le projet litigieux emporterait des inconvénients excessifs pour le voisinage doit être écarté.

25. Enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 515-44 du code de l'environnement : " (...) La délivrance de l'autorisation d'exploiter est subordonnée au respect d'une distance d'éloignement entre les installations et les constructions à usage d'habitation, les immeubles habités et les zones destinées à l'habitation définies dans les documents d'urbanisme en vigueur à la date de publication de la même loi, appréciée au regard de l'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1. Elle est au minimum fixée à 500 mètres (...) ". Cette distance est mesurée, d'après l'article 3 de l'arrêté du 26 août 2011 susvisé, à partir de la base du mât de chaque aérogénérateur.

26. En premier lieu, les dispositions précitées de l'article L. 515-44 n'exigent pas, contrairement à ce que soutiennent les appelants, que la distance d'éloignement entre les installations et les constructions à usage d'habitation, les immeubles habités et les zones destinées à l'habitation soit mesurée à partir de l'extrémité des pâles. Par suite, ils ne sont pas fondés à se prévaloir, par la voie d'exception, de l'illégalité dont seraient entachées les dispositions de l'article 3 de l'arrêté du 26 août 2011, en ce qu'elles prévoient que cette distance est mesurée à partir de la base du mât de chaque aérogénérateur.

27. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les mâts de chacune des quatre éoliennes du projet litigieux sont situés à plus de 500 mètres de l'habitation la plus proche.

28. En troisième lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points 20 à 23 ci-dessus, le moyen tiré de ce que, du fait d'inconvénients excessifs pour la commodité du voisinage, le préfet de l'Orne aurait entaché d'erreur manifeste d'appréciation sa décision de ne pas imposer une distance d'éloignement des éoliennes vis-à-vis des habitations les plus proches supérieure à 500 mètres ne peut qu'être écarté.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

29. Aux termes du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / II.-En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées. ".

30. Ainsi qu'il a été dit au point 11 ci-dessus, l'autorisation délivrée par les arrêtés contestés des 14 juin 2017, 24 mai 2022 et 8 juillet 2024 demeure entachée d'illégalité en ce que l'étude d'impact comporte des insuffisances quant aux incidences du projet sur la cigogne noire. Ce vice, qui affecte l'ensemble de l'autorisation environnementale litigieuse et n'avait pas été auparavant relevé par le juge administratif, peut être régularisé par une autorisation modificative. Celle-ci ne pourra être prise qu'au vu d'un dossier actualisé à la lumière des motifs du présent arrêt et après une nouvelle consultation de la mission régionale d'autorité environnementale de Normandie. L'avis émis, le cas échéant, par l'autorité environnementale ainsi que le dossier actualisé seront soumis à une nouvelle phase d'information du public organisée selon les mêmes modalités que celles indiquées au point 39 de l'arrêt avant dire droit du 11 juin 2021. Eu égard aux modalités de régularisation ainsi fixées, l'éventuelle autorisation modificative devra être communiquée à la cour dans un délai d'un an à compter du présent arrêt.

31. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête de l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres jusqu'à l'expiration du délai mentionné au point précédent afin de permettre cette régularisation.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête de l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien " et autres jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an, courant à compter de la notification du présent arrêt, imparti à l'État pour produire devant la cour une autorisation environnementale modificative conforme aux modalités définies au point 30 du présent arrêt.

Article 2 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Libre association de vigilance et de résistance à l'éolien ", représentant unique désigné par Me Monamy, mandataire, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, et à la société Futures Énergies Parc du Haut Perche.

Une copie sera adressée, pour information, au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Mas, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2025.

Le rapporteur,

B. MASLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01040


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01040
Date de la décision : 06/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Energie.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs du juge.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Pouvoirs du juge de plein contentieux.


Composition du Tribunal
Président : Mme DOUET
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. LE BRUN
Avocat(s) : MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-06;19nt01040 ?
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