Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 1er octobre 2004, présentée pour la COMPAGNIE DES BATEAUX MOUCHES, dont le siège est Port de la Conférence à Paris (75008), par Me Marlio-Marette ; la société requérante demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0103437 du 29 juillet 2004, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de 13 états exécutoires émis à son encontre le 26 juin 2000 par Voies navigables de France (VNF), représentant des droits de péage fluvial d'un montant total de 1 628 930 F pour l'année 2000, ensemble la décision du 8 septembre 2000 refusant d'annuler ces titres exécutoires ;
2°) d'annuler lesdits titres exécutoires ;
3°) de mettre à la charge de VNF une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 90 ;1168 du 29 décembre 1990 ;
Vu le décret n° 91 ;797 du 20 août 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 février 2007 :
- le rapport de Benel, rapporteur,
- les observations de Me Lacazedieu, pour la COMPAGNIE DES BATEAUX MOUCHES, et celles de Me Coelho, pour Voies navigables de France,
- et les conclusions de M. Bachini, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 124 ;III de la loi susvisée portant loi de finances pour 1991 : « Les transporteurs de marchandises ou de passagers et les propriétaires de bateaux de plaisance d'une longueur supérieure à 5 mètres ou dotés d'un moteur d'une puissance égale ou supérieure à 9,9 chevaux sont assujettis, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à des péages perçus au profit de l'établissement public lorsqu'ils naviguent sur le domaine public qui lui est confié, à l'exception des parties internationales du Rhin et de la Moselle. Le montant de ces péages est fixé par l'établissement… » ; qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 20 août 1991 relatif aux recettes instituées au profit de Voies navigables de France par l'article 124 de la loi de finances pour 1991 : « Pour le transport public de personnes réalisé à l'intérieur des limites du domaine confié à Voies navigables de France, le transporteur acquitte un péage pour tout parcours effectué en utilisant le réseau fluvial. Les tarifs du péage sont fonction des sections de voies navigables empruntées par le transporteur, des caractéristiques du bateau, de la durée d'utilisation des voies du réseau et du trajet, que ce bateau relève du régime de la navigation intérieure ou de celui de la navigation maritime » ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret : « Le montant des péages prévus aux articles 1er, 2 et 3 du présent décret est fixé par le conseil d'administration de l'établissement public… » ; qu'aux termes de l'article 13 du décret susvisé du 26 décembre 1960 portant statut de Voies navigables de France : « Le conseil d'administration… / fixe le montant des péages, droits fixes et redevances d'usage du domaine confié à l'établissement… » ;
Considérant qu'il résulte des dispositions législatives et réglementaires précitées que le tarif des péages de certains usagers du domaine public fluvial doit être fixé par une délibération du conseil d'administration de VNF ; que cette délibération, dont le titre exécutoire contesté constitue une mesure d'application, présente le caractère d'un acte réglementaire qui doit faire l'objet, pour être opposable aux usagers, d'une publication qui, compte tenu du champ d'application territorial de la mesure, doit revêtir au moins la forme d'une insertion dans le recueil des actes administratifs des préfectures des départements concernés par la mesure ; que ni le fait que les délibérations du conseil d'administration de VNF sont exécutoires de plein droit, ni la possibilité pour le président de VNF d'établir des états forfaitaires et d'en poursuivre le recouvrement, ne sont de nature à dispenser l'établissement public de l'obligation de publication des délibérations tarifaires pour les rendre opposables ; qu'est également sans incidence sur cette obligation la circonstance que VNF puisse légalement établir, sans avoir arrêté au préalable de tarif, des titres exécutoires à l'encontre des occupants sans titre de son domaine public ; que l'éventuel l'affichage de la délibération dans les locaux, ou la mention des tarifs applicables dans une notice qui aurait été adressée à la requérante, ne sont pas susceptibles de pallier l'absence d'insertion dans les recueils appropriés ; qu'ainsi, en l'absence de mesure de publicité suffisante, la délibération tarifaire du conseil d'administration, que VNF n'a d'ailleurs pas produite, n'est pas entrée en vigueur et n'est pas opposable à la requérante ; que, dès lors, les titres exécutoires litigieux sont dépourvus de base légale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMPAGNIE DES BATEAUX MOUCHES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des 13 états exécutoires émis à son encontre le 26 juin 2000 par VNF, et la décision de rejet des recours gracieux dirigés contre ces titres exécutoires ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de VNF une somme de 600 euros au titre des frais exposés par la COMPAGNIE DES BATEAUX MOUCHES et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par VNF doivent dès lors être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 0103437, du 29 juillet 2004, est annulé.
Article 2 : Les 13 états exécutoires émis le 26 juin 2000 par Voies navigables de France à l'encontre de la COMPAGNIE DES BATEAUX MOUCHES, pour le recouvrement de droits de péage au titre de l'année 2000, sont annulés.
Article 3 : Voies navigables de France versera à la COMPAGNIE DES BATEAUX MOUCHES une somme de 600 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de Voies navigables de France tendant à la condamnation de la COMPAGNIE DES BATEAUX MOUCHES au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
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N° 01PA02043
SOCIETE EUROSIC
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N° 04PA03534