Vu la requête, enregistrée le 3 août 2005, présentée pour le PRESIDENT DU SENAT, par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez ; le PRESIDENT DU SENAT demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 0215801, en date du 23 juin 2005, en tant que le tribunal a, à la demande de M. X et autres, annulé les décisions de 2002 par lesquelles le Sénat a décidé d'entreprendre des travaux créant des sous-sols au droit du musée du Luxembourg, une ouverture dans la façade ouest du musée du Luxembourg et un agrandissement de la salle Caillebotte ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. X et autres devant le Tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de M. X et autres une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi du 31 décembre 1913 modifiée ;
Vu l'ordonnance n° 58-1100 du 19 novembre 1958, modifiée, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ;
Vu la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat ;
Vu l'arrêté des questeurs du Sénat n° 2003 ;779 du 3 juillet 2003 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2007 :
- le rapport de M. Benel, rapporteur,
- les observations de Me Panigel pour le PRESIDENT DU SENAT et Me Pouilhe pour M. X et autres,
- et les conclusions de M. Bachini, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite de décisions de la questure du Sénat ont été entrepris, dans le courant de l'année 2002, des travaux tendant à la création de sous-sols au droit du musée du Luxembourg, d'une ouverture dans la façade Ouest du musée, d'un agrandissement de la salle Caillebotte de ce musée, et à l'installation d'un chapiteau à usage de réception en continuité de cet immeuble ; que le PRESIDENT DU SENAT relève appel du jugement du Tribunal administratif de Paris n° 0215801 du 23 juin 2005, en tant que le tribunal a annulé les décisions en vertu desquelles ont été effectués ces travaux ;
Considérant que la légalité des décisions permettant d'entreprendre des travaux de construction dans l'emprise des propriétés affectées aux assemblées parlementaires ou mises à leur disposition, dont il n'est pas contesté qu'elles sont susceptibles de recours contentieux devant les juridictions administratives, doit s'apprécier au regard du droit commun de l'urbanisme, à défaut de réglementation spécifique prise par les autorités compétentes de ces assemblées ;
Considérant qu'à la date d'intervention des décisions susmentionnées, les autorités du Sénat n'avaient édicté aucune réglementation particulière applicable aux autorisations de travaux de construction à réaliser dans l'enceinte du palais et du jardin du Luxembourg ; qu'en effet, et contrairement à ce que soutient le PRESIDENT DU SENAT, l'article 101 ;2 du règlement du Sénat, aux termes duquel « Au point de vue administratif, l'autorité sur les services appartient au Bureau ; la direction est assurée par les questeurs sous le contrôle du Bureau », concerne seulement les règles d'organisation administrative interne du Sénat et ne peut être regardé comme permettant la définition de règles d'urbanisme ; que le protocole d'accord du 18 février 2000 passé entre le président du Sénat et le ministre chargé de la culture prévoit que le Sénat assume la responsabilité de la programmation des expositions au musée du Luxembourg avec le concours du ministère de la culture et l'appui d'un comité scientifique et de programmation et dont l'article 3 stipule : « Le Sénat continuera à assumer les charges d'entretien et de rénovation du musée du Luxembourg./ Chaque année, le Sénat informera le ministère de la culture des travaux envisagés et recueillera son accord sur le programme présenté » ; que, si le protocole d'accord crée des obligations pour le Sénat en matière de programme de travaux à réaliser dans le musée du Luxembourg, il est, en tout état de cause, dépourvu de toute valeur normative dans le domaine des autorisations de travaux de construction ; que, dans ces conditions, les décisions dont s'agit étaient soumises au droit commun de l'urbanisme et notamment aux dispositions en vigueur du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme : « Quiconque désire entreprendre ou implanter une construction à usage d'habitation ou non, même ne comportant pas de fondations, doit, au préalable, obtenir un permis de construire sous réserve des dispositions des articles L. 422-1 à L. 422-5. Cette obligation s'impose aux services publics et concessionnaires de services publics de l'État, des régions, des départements et des communes comme aux personnes privées » ; qu'il ressort des pièces du dossier que les travaux autorisés relevaient du champ d'application du permis de construire ; que les autorités du Sénat ne sont pas au nombre des personnes, limitativement énumérées aux articles L. 421 ;1 et L. 421 ;2 ;1 du code de l'urbanisme, qui ont qualité pour délivrer des permis de construire ; qu'il s'ensuit que, comme l'ont estimé les premiers juges, les décisions litigieuses sont entachées d'incompétence ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 421 ;6 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : « Conformément à l'article 13 bis de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques modifiée, lorsqu'un immeuble est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition, d'aucun déboisement, d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une autorisation préalable. Le permis de construire en tient lieu s'il est revêtu du visa de l'architecte des bâtiments de France » ; qu'aux termes de l'article R. 421 ;38 ;4 dudit code, en vigueur à la date des décisions en cause : « Lorsque la construction est située dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, le permis de construire ne peut être délivré qu'avec l'accord de l'architecte des bâtiments de France. Cet accord est réputé donné faute de réponse dans le délai d'un mois suivant la transmission de la demande de permis de construire par l'autorité chargée de son instruction, sauf si l'architecte des bâtiments de France fait connaître dans ce délai, par une décision motivée, à cette autorité, son intention d'utiliser un délai plus long qui ne peut, en tout état de cause, excéder quatre mois. Toutefois, si le ministre chargé des monuments historiques a décidé, dans ce délai, d'évoquer le dossier, le permis de construire ne peut être délivré qu'avec son accord exprès » ; qu'il ressort des pièces du dossier que le bâtiment en cause se trouve en co-visibilité avec la porte du presbytère situé au 50 rue de Vaugirard, classée au titre des monuments historiques ; que l'architecte des bâtiments de France n'a pas été saisi des projets de travaux, contrairement aux dispositions précitées ; que l'accord sur les travaux que le Sénat se proposait d'entreprendre, donné par les représentants du ministre de la culture et de la communication lors de la réunion du comité scientifique et de programmation du 1er mars 2002, ne saurait suppléer à l'absence d'accord exprès ou tacite de l'architecte des bâtiments de France ; qu'au surplus, le projet n'a pas été examiné à cette occasion par rapport au monument historique situé au 50 rue de Vaugirard ; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les décisions attaquées étaient irrégulières, faute de la consultation préalable prévue par les dispositions précitées de l'article R. 421 ;38 ;4 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme : « Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils soient soumis ou non au régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations… / Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements… » ; que le jardin du Luxembourg, à l'exception des constructions et du jardin du Sénat, a été classé en espace boisé au plan d'occupation des sols de la Ville de Paris ; qu'il ressort des documents graphiques annexés au plan d'occupation des sols que la limite de l'espace boisé à l'ouest du musée du Luxembourg est constituée par le mur ouest de la salle Caillebotte et se prolonge au droit de ce mur entre la salle Caillebotte et la rue de Vaugirard ; qu'un tel classement n'est pas subordonné à la valeur du boisement existant, ni même à l'existence d'un tel boisement ; que l'arrêté contesté autorise la construction de deux niveaux de sous-sol, affleurant la hauteur du sol naturel, avec une couverture de dalles ; qu'ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Paris, ces constructions, qui sont partiellement situées dans un espace boisé, constituent un changement d'affectation de nature à porter atteinte à la conservation, la protection ou la création des boisements au sens de l'article L. 130-1 précité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PRESIDENT DU SENAT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions de 2002 par lesquelles le Sénat a décidé d'entreprendre des travaux créant des sous-sols au droit du musée du Luxembourg, une ouverture dans la façade ouest du musée du Luxembourg et un agrandissement de la salle Caillebotte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le PRESIDENT DU SENAT doivent dès lors être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du PRESIDENT DU SENAT est rejetée.
Article 2 : L'Etat (Sénat) versera à M. X une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 01PA02043
SOCIETE EUROSIC
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N° 05PA03248