Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 janvier 2011 et 22 février 2011, présentés par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1006263/6-2 du 17 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 23 mars 2010 retirant à Mme Mounia A son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Paris ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive n°1612/68 du 15 octobre 1968 relatif a l'égalité de traitement au sein de la communauté ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 2011 :
- le rapport de Mme Samson, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me Thiébaut, pour Mme A ;
Considérant que par arrêté du 23 mars 2010, le PREFET DE POLICE a retiré à Mme A la carte de résident algérien de dix ans valable du 13 janvier 2009 au 12 janvier 2019 qui lui avait été délivrée en qualité de conjointe d'un ressortissant de nationalité française au motif qu'elle l'avait obtenue frauduleusement et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que le PREFET DE POLICE relève appel du jugement du 17 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur les conclusions dirigées contre le jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, où à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté du 23 mars 2010 par lequel le PREFET DE POLICE lui a retiré son certificat de résidence de dix ans, Mme A, ressortissante algérienne, soutient qu'entrée en France en 2002, elle réside sur le territoire en situation régulière depuis 2004, qu'elle est mère de deux enfants nés en France respectivement en 2005 et 2009 d'une relation avec un compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 10 janvier 2017, que la communauté de vie avec le père de ses enfants est suffisamment établie, qu'enfin, elle est employée en qualité de gérante d'une entreprise de transport depuis le 1er septembre 2009 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que par jugement du 26 mai 2009, le Tribunal de grande instance de Paris a prononcé le divorce de Mme A avec son époux, que sa relation de concubinage avec un compatriote n'est pas établie, alors que ce dernier est marié avec une ressortissante française et qu'il n'est pas démontré qu'il pourvoit à l'entretien et à l'éducation des deux enfants dont il est le père ; qu'enfin, Mme A n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans ; que, par suite, l'arrêté litigieux du 23 mars 2010 n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; qu'ainsi, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé, pour ce motif, l'arrêté du 23 mars 2010 décidant le retrait du certificat de résidence à Mme A ;
Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : ... le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : a) au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2o, et au dernier alinéa de ce même article ; qu'aux termes de l'article 6 nouveau de cet accord : Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. ;
Considérant qu'un certificat de résidence, délivré en application de ces stipulations, peut être retiré s'il apparaît que le mariage a été contracté par fraude dans le seul but d'obtenir ce titre de séjour ou que le renouvellement du titre de séjour aurait été obtenu par fraude ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, entrée en France en 2002, a épousé le 5 juin 2004 M. B et a obtenu un titre de séjour d'un an en qualité de conjoint de ressortissant français, renouvelé jusqu'en 2008, puis, le 2 février 2009, un certificat de résidence de dix ans ; que, si les époux ont formé, le 24 mars 2009, une requête conjointe en divorce et que, par jugement du 26 mai 2009, le Tribunal de grande instance de Paris a prononcé ce divorce, cette circonstance n'est pas, à elle seule, compte-tenu de la durée de son mariage avec M. B, suffisante pour établir que Mme A a contracté ce mariage dans le but exclusif d'obtenir un titre de séjour ; qu'à la date à laquelle son titre de séjour a été renouvelé, il est constant que Mme A et M. B étaient unis par les liens du mariage et que le PREFET DE POLICE n'établit pas l'absence de communauté de vie entre les époux ; que la rupture de la vie commune entre les époux postérieurement à la date de renouvellement du certificat de résidence de Mme A ne saurait être regardée, par elle-même, comme constitutive d'une fraude ; qu'ainsi Mme A est fondée à soutenir que le PREFET DE POLICE n'a pu légalement se fonder sur le caractère frauduleux de cette union pour procéder au retrait du certificat de résidence qu'elle avait obtenu en qualité de conjointe de ressortissant français ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par Mme A, que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 23 mars 2010 retirant à Mme A son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser à Mme A la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
''
''
''
''
2
N° 11PA00386