Vu la requête, enregistrée le 4 janvier 2011, présentée pour M. Abdelkader A, demeurant au ..., par Me Mrejen ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003501/6-3 en date du 10 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 février 2010 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;
2°) d'annuler, en conséquence, ledit arrêté du 3 février 2010 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'artiste-interprète ou subsidiairement de moniteur d'auto-école salarié dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative ;
4°) mettre à la charge de l'Etat à la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2011 :
- le rapport de Mme Folscheid, rapporteur,
- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,
- et les observations de Me Thiebaut, substituant Me Mrejen, pour M. A ;
Considérant que M. A, de nationalité tunisienne, entré en France le 3 mai 2009 selon ses déclarations, a présenté le 20 novembre 2009 une demande de titre de séjour portant la mention profession artistique et culturelle sur le fondement de l'article L. 313-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par arrêté du 3 février 2010, le préfet de police a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que M. A relève régulièrement appel du jugement en date du 10 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a refusé de faire droit à sa demande d'annulation de l'arrêté du 3 février 2010 ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant, d'une part, que M. A soutient que le jugement attaqué n'a pas répondu à sa demande de suspension de la décision de rejet du préfet dans l'attente d'un nouvel examen ; qu'il ressort des termes mêmes du recours de l'intéressé devant les premiers juges que celui-ci a présenté à titre principal, outre des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté attaqué, des conclusions à fin d'injonction de délivrance d'un titre de séjour ; qu'il a demandé subsidiairement au tribunal [d'ordonner] la suspension du rejet de [sa] demande de titre de séjour en invitant le préfet d'avoir à réexaminer son dossier ; que les premiers juges, qui n'avaient pas compétence pour statuer sur une demande de suspension de l'arrêté attaqué au sens de l'article L. 521-1 du code de justice administrative dès lors que de telles conclusions doivent, en vertu de l'article R. 522-1 du même code, être présentées devant le juge des référés par requête distincte de la requête à fin d'annulation, ont pu à bon droit interpréter la demande maladroitement formulée dans les termes susrappelés comme tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ; que les premiers juges, qui ont dûment visé les conclusions à fin d'injonction ainsi présentées à titre principal et à titre subsidiaire, les ont rejetées expressément au motif que le jugement n'appelait aucune mesure d'exécution dès lors qu'il rejetait les conclusions à fin d'annulation ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait omis de statuer sur des conclusions ;
Considérant, d'autre part, que le requérant fait grief au tribunal d'avoir omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense dès lors qu'il appartenait à l'autorité administrative compétente de l'interroger sur les éventuelles insuffisances du contrat soumis au visa de ladite autorité ; qu'il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges se sont prononcés sur ce moyen en se fondant sur les dispositions des articles L. 313-9 et R. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'à supposer erronée la réponse qu'ils ont ainsi donnée au moyen présenté par M. A, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer sur un moyen ou insuffisamment motivé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué doivent être écartés ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que l'arrêté attaqué mentionne à tort que l'intéressé est sans charges de famille en France et que ses quatre enfants résident à l'étranger alors que deux de ses fils poursuivent des études en France ; que toutefois et ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif par des motifs qu'il convient d'adopter, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que les autres motifs sur lesquels il s'est fondé et qui sont matériellement exacts ; que par ailleurs s'il est non moins constant que le préfet dans ses écritures en défense devant le tribunal et les premiers juges dans le jugement attaqué ont évoqué à tort les attaches de l'intéressé en Algérie alors que M. A est de nationalité tunisienne, l'erreur purement matérielle ainsi commise est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; que le moyen tiré des inexactitudes matérielles entachant l'arrêté ou le jugement attaqués doit, par suite, être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. A soutient qu'il n'a pas eu droit à un procès équitable et que les droits de la défense n'ont pas été respectés dans la mesure où il n'a pas été entendu par le directeur régional des affaires culturelles chargé de viser le contrat prévu par l'article R. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il peut ainsi être regardé comme invoquant la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et excipant, pour ce motif, de l'illégalité de la décision du 10 décembre 2009 par laquelle le directeur régional des affaires culturelles a décidé de ne pas viser le contrat liant l'intéressé à la SARL Quart de Lune et transmis par le préfet dans le cadre de la demande de titre de séjour présentée par M. A ; que toutefois les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme applicables aux causes entendues par un tribunal ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre de décisions administratives ; que, par ailleurs, le principe du contradictoire n'a pas à s'appliquer, conformément à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n° 2000-321, aux demandes et réclamations adressées aux autorités administratives ; qu'ainsi, la circonstance que M. A n'ait pas été entendu par le directeur des affaires culturelles dans le cadre de l'examen de sa demande est sans incidence sur la légalité tant de la décision du directeur des affaires culturelles que de la décision préfectorale de refus de titre de séjour ;
Considérant, en troisième lieu, que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que, par suite, le préfet de police n'était pas tenu d'examiner la situation de M. A au regard de son activité de moniteur d'auto-école pour laquelle il bénéficiait d'un contrat à durée indéterminée mais dont il n'est pas établi ni même allégué qu'il aurait fait état dans sa demande de titre de séjour ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que : La carte de séjour temporaire délivrée à un artiste-interprète tel que défini par l'article L. 212-1 du code de la propriété intellectuelle ou à un auteur d'oeuvre littéraire ou artistique visée à l'article L. 112-2 du même code, titulaire d'un contrat de plus de trois mois passé avec une entreprise ou un établissement dont l'activité principale comporte la création ou l'exploitation d'une oeuvre de l'esprit, porte la mention profession artistique et culturelle ; que l'article R. 313-14 du même code dispose : Pour l'application de l'article L. 313-9, l'étranger artiste-interprète ou auteur d'oeuvre littéraire ou artistique présente à l'appui de sa demande un contrat d'une durée supérieure à trois mois conclu avec une entreprise ou un établissement dont l'activité principale comporte la création ou l'exploitation d'oeuvres de l'esprit. Ce contrat est visé : 2° Dans les autres cas, par le directeur régional des affaires culturelles du lieu où est situé l'entreprise ou l'établissement signataire du contrat. L'appréciation préalable à la délivrance du visa porte, d'une part, sur l'objet et la réalité de l'activité de l'entreprise ou de l'établissement et, d'autre part, sur l'objet du contrat ;
Considérant qu'il est constant que M. A ne justifiait pas d'un contrat visé par le directeur régional des affaires culturelles ; que ce dernier en effet a refusé le 10 décembre 2009 de viser le contrat d'enregistrement exclusif présenté par M. A pour justifier de sa demande aux motifs que ce contrat n'apportait aucune précision sur les oeuvres commandées à l'artiste et sur les modalités de sa rémunération et que ledit contrat s'apparentait plus à un contrat cadre ou à un contrat de cession de droits d'auteur qu'à la commande d'une prestation précise ; que le requérant ne conteste pas les motifs pour lesquels le directeur régional des affaires culturelles a refusé de viser le contrat mais se borne à faire valoir qu'il aurait pu apporter les précisions nécessaires si elles lui avaient été demandées ; qu'ainsi qu'il a été dit, l'autorité administrative n'était pas tenue de l'interroger pour obtenir des précisions sur l'objet de son contrat et qu'il incombait à l'intéressé lui-même de présenter les éléments permettant au directeur régional d'apposer son visa conformément aux exigences légales ; que le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article L. 313-9 ne peut dès lors qu'être écarté ;
Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que M. A fait valoir que l'arrêté porte une atteinte disproportionnée à sa vie sociale et familiale ; qu'il soutient qu'il subvient aux besoins de ses deux fils majeurs, étudiants en France, que son éloignement du territoire aurait pour conséquence l'interruption de leurs études, qu'il a de fortes attaches en France où il a étudié la musicologie en 1978-1979 et a séjourné à de nombreuses reprises en sa qualité d'artiste ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A, qui ne justifie pas résider sous le même toit que ses fils et ne démontre pas subvenir aux frais de leurs études ou être dans l'impossibilité d'y subvenir depuis son pays d'origine, n'est pas dépourvu d'attaches en Tunisie où il a vécu jusqu'à son entrée en France en 2009 à l'âge de 58 ans et où résident son épouse, l'un de ses quatre enfants et sa fratrie ; que dans ces conditions, l'arrêté litigieux ne peut être regardé comme portant une atteinte disproportionnée au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels il a été pris en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. A n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur sa situation personnelle ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement susvisé, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en tant qu'elle tend à l'annulation de l'arrêté lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A sur le fondement de l'article L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme de 2 000 euros que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
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N° 10PA03855
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N° 11PA00005