Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A..., candidate à l'élection municipale 23 et 30 mars 2014 dans la commune de Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne), a demandé au tribunal administratif de Paris de réformer la décision du 16 juillet 2014 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a approuvé, après réformation, son compte de campagne, et arrêté le montant du remboursement forfaitaire dû par l'État en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral à la somme de 5 170 euros.
Par un jugement n° 1422201 du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Paris a réformé la décision du 16 juillet 2014 de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et fixé à 21 170 euros le montant du remboursement forfaitaire auquel Mme A... a droit.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 juin 2015 et un mémoire enregistré le 20 octobre 2015, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, représentée par son président en exercice, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1422201 du 19 mai 2015 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif.
Elle soutient que :
- le montant total de 16 000 euros facturé pour les prestations de " conseil et stratégie, politique digitale " effectuées par la SARL SC Conseils - Sébastien Chenu n'a pas été suffisamment justifié ; les éléments apportés par la candidate n'ont pas permis de connaitre la décomposition du prix par coût d'unité d'oeuvre, les taux horaires et le temps passé pour les prestations immatérielles, nécessaires pour établir la réalité des prestations en question ;
- une partie des prestations facturées ne relève pas de l'obtention directe du suffrage des électeurs et à ce titre ne peuvent être admises comme dépenses électorales, dès lors qu'elles relèvent du fonctionnement interne de la campagne.
Par des mémoires en défense enregistrés le 14 septembre 2015 et le 4 novembre 2015, MmeA..., représentée par Me Blanchetier, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;
2°) de fixer le montant du remboursement qui lui est dû par l'État en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral à la somme de 21 170 euros ou, subsidiairement, à la somme de 17 970 euros ;
3°) de mettre à la charge de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- dès lors qu'une dépense a bien le caractère de dépense électorale, que sont montant n'est ni manifestement dérisoire, ni manifestement surévalué, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'a pas le pouvoir de réformer un compte en en retranchant l'intégralité des dépenses y figurant sur la base d'éléments subjectifs non prévus par les textes applicables ;
- les dépenses contestées sont parfaitement justifiées par la production de factures et de justificatifs ;
- il est admis que constituent des dépenses électorales les horaires correspondant aux prestations fournies par un conseil en communication dans le cadre d'une campagne d'un candidat ;
- la commission ne peut sans se contredire admettre le caractère électoral des documents réalisés par le prestataire et refuser de regarder ses prestations comme liées à l'élection ;
- en toute hypothèse, si elle estimait que certaines prestations n'avaient pas de caractère électoral, la commission n'était pas fondée à écarter l'intégralité des sommes versées au prestataire mais ne pouvait que retenir une quote-part, de l'ordre de 20%, correspondant aux prestations regardées comme ne relevant pas de l'obtention des suffrages des électeurs.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- les observations de Me Blanchetier, avocat de MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a, par une décision du 16 juillet 2014, approuvé après réformation le compte de campagne déposé par MmeA..., candidate élue à l'occasion des élections qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 en vue du renouvellement du conseil municipal de la commune de Bussy-Saint-Georges, et fixé à 5 170 euros le remboursement dû par l'État. Mme A...a contesté devant le tribunal administratif de Paris cette décision, en tant qu'elle exclut des dépenses électorales remboursables la somme de 16 000 euros correspondant aux prestations d'un cabinet de conseil en communication. Le tribunal administratif lui a donné raison et a fixé à 21 170 euros le montant du remboursement forfaitaire auquel elle a droit. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques relève appel de ce jugement.
2. En vertu du premier alinéa de l'article L. 52-11-1 du code électoral, les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles sont applicables les dispositions de ce code relatives à la désignation d'un mandataire destiné à recueillir les fonds destinés au financement de la campagne font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'État égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses, ce remboursement ne pouvant toutefois excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne.
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral : " Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte ". La première phrase du deuxième alinéa du même article dispose : " (...) Chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes, accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral, " la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1 ".
4. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques soutient qu'il n'est pas possible de procéder au remboursement à Mme A...de la somme de 16 000 euros inscrite en " dépenses " dans son compte de campagne pour les prestations de " conseil et stratégie, politique digitale " effectuées par la SARL SC Conseils - Sébastien Chenu, car, d'une part, la somme facturée est répartie en une dizaine de factures faisant apparaître un montant global ne permettant pas d'attester de la réalité des prestations fournies et que les éléments apportés ultérieurement par la candidate n'ont pas permis de connaitre la décomposition du prix par coût d'unité d'oeuvre, les taux horaires et le temps passé pour les prestations immatérielles, précisions nécessaires pour établir la réalité des prestations en question et, d'autre part, une partie des prestations ainsi facturées ne relève pas de l'obtention directe du suffrage des électeurs mais du fonctionnement interne de la campagne.
5. Sur le premier point, Mme A...a produit les factures régulièrement émises par la société SC Chenu entre les mois de juin 2013 et mars 2014, dont il n'est pas contesté qu'elles ont été régulièrement réglées par son mandataire, et divers supports de communication de sa campagne corroborant la réalisation des prestations énumérées dans ces factures. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques fait cependant valoir que les éléments apportés par Mme A... en réponse aux courriers qu'elle lui a adressés les 15 et 26 juin 2014 n'ont permis que de connaître le nombre d'heures affectées chaque mois à telle ou telle prestation mais non la décomposition du prix par coût d'unité d'oeuvre, les taux horaires et le temps passé pour les prestations. Toutefois, eu égard aux preuves ainsi apportées de la réalisation de prestations de conseil tout au long de la campagne électorale, les factures et documents produits par Mme A...peuvent, malgré leur caractère incomplet, être considérés comme permettant de justifier de la nature et de la réalité de ces frais avec une précision suffisante.
6. Sur le second point, il est constant que parmi les dépenses engagées par les candidats, seules celles ayant eu pour finalité l'obtention des suffrages des électeurs, et non, par exemple, celles résultant du fonctionnement habituel de leur formation politique, sont des dépenses électorales pouvant donner lieu à un remboursement. Si la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques soutient qu'une partie des prestations facturées par la société SC Chenu relève du fonctionnement interne de la campagne, notamment l'animation de réunions mensuelles d'équipe ou les consultations hebdomadaires de conseil stratégique avec Mme A... et l'assistance apportée lors de la formation de l'équipe de campagne, il ne résulte pas de l'instruction que les prestations ainsi facturées par un prestataire extérieur, qui s'inscrivent dans la durée de la campagne et le cadre de la circonscription électorale, n'auraient pas été engagées spécifiquement en vue de l'élection en cause.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de MmeA.... Sa requête doit donc être rejetée.
Sur les frais de procédure :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions de Mme A... fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais qu'elle a exposés pour sa défense.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est rejetée.
Article 2 : L'État versera à Mme A...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à Mme B...A....
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Amat, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 13 juillet 2016.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLa présidente,
S. PELLISSIER
Le greffier,
A. LOUNIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02434