Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...G...D...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 mai 2015 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1516048/5-3 du 20 janvier 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté préfectoral du 13 mai 2015 et a enjoint au préfet de police de délivrer à Mme D...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2016, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 20 janvier 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme D...devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- la reconnaissance de paternité effectuée par M. F...en faveur de la fille de Mme D...revêt un caractère frauduleux ;
- les pièces produites ne permettent pas de justifier de la contribution de M. F... à l'entretien et à l'éducation de sa fille ;
- les autres moyens soulevés en première instance par Mme D...ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2017, MmeD..., représentée par Me Magraner, conclut au rejet de la requête, et à ce que le versement de la somme de 1 500 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés ;
- elle reprend ses moyens de première instance et soutient en outre que la décision du préfet de police méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle est insuffisamment motivée ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence ;
- la décision relative au délai de départ est insuffisamment motivée.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 18 octobre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
-le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- et les observations de Me Magraner, avocat de MmeD....
1. Considérant que Mme A...D...ressortissante ivoirienne née le 9 décembre 1975 à Port-Bouet (Côte d'Ivoire), qui a soutenu être entrée en France le 4 octobre 2010, a le 7 mai 2012, donné naissance à Paris à une fille, Olivia, reconnue le 30 avril 2012 par M. E... F..., ressortissant français ; qu'elle a alors obtenu un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 6°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, titre qui a été renouvelé une fois jusqu'au 19 mars 2015 ; que par un arrêté du 13 mai 2015, le préfet de police a refusé de lui renouveler ce titre ; qu'il fait appel du jugement du 20 janvier 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ;
Sur le motif d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d' un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (... " ; qu'aux termes de l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...)" ;
3. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés ; que, par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'ainsi que le préfet de police le fait valoir devant la Cour, Mme D...ne produit aucun élément de nature à justifier de sa présence en France avant la naissance de sa fille le 7 mai 2012, de ses relations avec M. F... avant la reconnaissance de cette enfant le 30 avril 2012, d'une quelconque forme de vie commune ou même d'un projet de vie commune avec M.F..., avant ou après la naissance, et de la contribution de M. F...à l'entretien et à l'éducation de sa fille, l'attestation qu'elle produit étant dépourvue de caractère probant et n'étant corroborée par aucune pièce bancaire, fiscale ou autre ; que le préfet de police établit d'ailleurs que Mme D...et sa fille ont à plusieurs reprises été prises en charge par les services sociaux de la ville de Paris et par le SAMU social ; qu'il fait également valoir que M. F...a effectué deux autres reconnaissances de paternité, le 23 janvier 2012 et le 15 avril 2013, concernant deux autres enfants dont les mères étaient en situation irrégulière et avec qui il n'avait pas eu de vie commune ; qu'en se référant à ces éléments précis et concordants, le préfet de police établit, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité de la fille de Mme D...par M. F... ; qu'il est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur l'absence de preuve de la fraude pour annuler son arrêté du 13 mai 2015 ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par Mme D...;
6. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige a été signé par M. B...C..., attaché principal d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, adjoint au chef du 9ème bureau de la direction de la police générale, qui disposait à cet effet d'une délégation de signature régulièrement consentie par un arrêté du 16 février 2015, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 24 février 2015 ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté en litige comporte l'exposé de l'ensemble des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'ainsi, il est suffisamment motivé ; qu'il ne ressort pas de cette motivation que le préfet de police ne se serait pas livré à un examen complet de la situation de MmeD... ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale" ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. F...a reconnu la fille de Mme D...par un acte frauduleux, et que sa contribution à l'entretien et à l'éducation de cette enfant n'est pas établie ; qu'en outre il ressort des pièces du dossier que les parents, les frères et soeurs et les deux premiers enfants de MmeD..., nés en 1999 et en 2009, résident en Côte d'Ivoire ; que Mme D...n'est donc pas fondée soutenir que l'arrêté en litige serait intervenu en méconnaissance de ces stipulations ;
9. Considérant, en quatrième lieu, que compte tenu de ce qui vient d'être dit, Mme D... n'est, alors même qu'elle fait état d'une bonne perspective d'intégration à la société française et qu'elle justifie avoir suivi une formation dans le secteur de l'aide à la personne, pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
10. Considérant, en dernier lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme D... n'est pas fondée à invoquer l'illégalité de la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour pour contester l'obligation de quitter le territoire français dont elle a fait l'objet, ni à soutenir que cette mesure méconnaitrait les dispositions citées ci-dessus ; qu'en se bornant à faire état du jeune âge de sa fille, de la naissance de son fils, Anthony, le 12 avril 2015, et de l'hospitalisation qu'elle a subie jusqu'au 27 avril 2015, Mme D...n'établit pas que l'arrêté en date du 13 mai 2015 serait, en ce qu'il mentionne un délai de départ de trente jours, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, n'ayant pas demandé à bénéficier d'un délai plus important, elle ne saurait utilement se plaindre de l'insuffisance de la motivation de la décision relative au délai de départ et de ce qu'elle n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations sur ce délai ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 13 mai 2015 ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 13 mai 2015 ;
Sur les conclusions de Mme D...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme D...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1516048/5-3 du Tribunal administratif de Paris du 20 janvier 2016 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme D...présentée devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...G...D....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 mars 2017.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
6
N° 16PA00710