Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...F...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision du 30 novembre 2015 par laquelle le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire.
M. F...a par ailleurs demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision du 20 octobre 2016 par laquelle le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a prononcé à son encontre la sanction du déplacement d'office, ainsi que la décision du 6 décembre 2016 par laquelle il a été affecté à la direction de la jeunesse et des sports de la Nouvelle-Calédonie.
Par deux jugements n° 1500452 du 7 avril 2016 et nos 1600425- 1700034 du 1er juin 2017, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 7 juin et le
28 novembre 2016, sous le n° 16PA01839, M.F..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle- Calédonie n° 1500452 du 7 avril 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2015 par lequel le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une irrégularité dès lors qu'il ne vise pas tous les mémoires produits en défense, ni la note en délibéré déposée à la suite de l'audience ;
- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire en se fondant sur un mémoire en défense et une note en délibéré qui ne lui ont pas été communiqués ;
- la mesure de suspension n'était pas justifiée dès lors qu'il n'a pas commis de faute grave ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle est fondée sur le principe de précaution qui n'était pas applicable en l'espèce ;
- la mesure de suspension est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elle a été prise afin de réorganiser le service de la protection judiciaire de l'enfance et de la jeunesse.
Par un mémoire enregistré le 22 septembre 2016, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. F...ne sont pas fondés.
II - Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juillet et le 21 décembre 2017 sous le n° 17PA02638, MonsieurF..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie
nos 16000425 et 1700034 du 1er juin 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2016 et l'arrêté du 6 décembre 2016 par lesquels le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a prononcé à son encontre la sanction du déplacement d'office et l'a affecté à la direction de la jeunesse et des sports de
Nouvelle-Calédonie ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la sanction portant déplacement d'office est entachée d'un vice de procédure dès lors que le conseil de discipline n'a pas été régulièrement saisi, qu'il a méconnu le principe d'impartialité et qu'il n'a pas rendu un avis dans un délai raisonnable ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- il n'a pas commis de faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a considéré qu'il aurait sciemment omis d'informer sa hiérarchie et qu'il aurait inscrit une personne condamnée pour des faits de viols sur le registre des familles d'accueil ;
- la sanction infligée est disproportionnée ;
- les décisions de déplacement d'office et d'affectation sont entachées d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elles ont été prise pour permettre une réorganisation du service de la protection judiciaire de l'enfance et de la jeunesse.
Par un mémoire enregistré le 20 octobre 2017, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. F...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'arrêté n° 1065 du 22 août 1953 portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux ;
- la délibération n° 81 du 24 juillet 1999 portant droits et obligation des fonctionnaires territoriaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even,
- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.F..., cadre socio-éducatif relevant du statut particulier des personnels
socio-éducatifs de la Nouvelle-Calédonie a été nommé, par un arrêté du 21 décembre 2010, chef du service d'hébergement diversifié (SHD) au sein de la protection judiciaire de l'enfance et de la jeunesse (PJEJ) de la direction des affaires sanitaires et sociales (DASS) de
Nouvelle-Calédonie. Il lui a été reproché d'avoir recruté M. et Mme A...comme famille d'accueil, alors qu'il avait été informé d'une rumeur selon laquelle M. A...avait fait l'objet d'une condamnation pour viol sur mineur de quinze ans. Par une décision du 30 novembre 2015, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a suspendu M.F..., à titre conservatoire, et a saisi le conseil de discipline qui s'est prononcé, le 21 avril 2016, en faveur de la sanction du déplacement d'office. Par un arrêté du 20 octobre 2016 et un arrêté du 6 décembre 2016, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a prononcé la sanction du déplacement d'office à l'encontre de M. F... et l'a affecté à la direction de la jeunesse et des sports en qualité de chargé de l'accompagnement du comité jeunesse de Nouvelle-Calédonie.
M. F...relève appel des deux jugements n° 1500452 et nos 1600425-1700034 des 7 avril 2016 et 1er juin 2017 par lesquels le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté ses trois demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 30 novembre 2015, du 20 octobre 2016 et du 6 décembre 2016.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées nos 16PA01839 et 17PA02638 concernent le même agent public, présentent à juger de questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu par suite d'y statuer par un même arrêt.
Sur la régularité du jugement du 7 avril 2016 :
3. En premier lieu, si M. F...fait valoir que le tribunal administratif a, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, omis de mentionner, dans les visas, le mémoire en défense produit par le gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie le 11 mars 2016, une telle circonstance n'est, par elle-même, pas de nature à vicier la régularité du jugement attaqué dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ces écritures n'apportaient aucun élément nouveau. Par suite, en ne visant pas ce mémoire, les premiers juges n'ont pas entaché le jugement d'irrégularité.
4. En second lieu, si le requérant reproche au tribunal administratif de ne pas avoir visé la note en délibéré dont il affirme qu'elle aurait été produite par le gouvernement de la
Nouvelle-Calédonie au vu d'un échange de mail, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle note aurait été produite après l'audience qui s'est tenue 17 mars 2016. Par suite, en ne visant pas une note en délibéré qui n'existait pas, les premiers juges n'ont pas entaché le jugement d'irrégularité.
Sur la légalité des décisions contestées :
En ce qui concerne la suspension conservatoire :
5. Aux termes de l'article 65 de l'arrêté n° 1065 du 22 août 1953 modifié portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux de Nouvelle-Calédonie : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être immédiatement suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. F...était, en sa qualité de directeur du SHD, chargé de trouver des familles d'accueil aux mineurs placés par l'autorité judiciaire. Il a ainsi été chargé d'organiser l'hébergement du jeuneC..., mineur de dix-sept ans, qu'il a placé dans une première famille d'accueil le 21 mai 2015. A la suite d'incidents survenus au sein de cette famille d'accueil, M. F...a, le 3 août 2015, décidé de déplacerC.... En l'absence de famille d'accueil disponible, il l'a placé, à compter du 2 septembre 2015, chez M. et MmeA..., famille d'accueil en cours de recrutement, alors qu'il ressort notamment de la note du
9 décembre 2015 établie par l'équipe pluridisciplinaire du SHD-CJ, que, dès la mi-août 2015,
M. F...était informé de rumeurs selon lesquelles M. A...avait été condamné pour viol sur mineur de quinze ans, tout en demandant à l'intéressé de fournir un extrait de son casier judiciaire. A l'occasion d'une formation sur les familles d'accueil qui s'est déroulée le 7 octobre 2015, M. F...a rencontré M.A..., lequel lui a confirmé sa condamnation. Ce n'est qu'à l'occasion de la réunion de service du SHD du 19 octobre 2015, que M. F...a décidé de retirer le jeune C...de la familleA..., à compter seulement du 17 novembre 2015, et dans cette attente de renforcer la vigilance de son service autour de ce mineur. Dans l'intervalle, M. F...n'a pas informé ses supérieurs hiérarchiques de l'existence de cette condamnation de M. A...et ne s'est pas opposé à la signature, le 26 octobre 2015, d'une convention par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie assisté du directeur des affaires sanitaires et sociales avec M. et Mme A...pour l'hébergement du jeune C...du 2 septembre 2015 au 1er juin 2016. Ce n'est que le 4 novembre 2015 que l'adjointe au chef de service de la protection judiciaire de l'enfance et de la jeunesse a été informée des faits. En plaçant le jeune C...dans une famille où il n'ignorait pas que le père avait été condamné pour agression sexuelle sur mineur, et en n'informant pas sa hiérarchie pendant plusieurs mois, M. F...a commis une faute grave au sens des dispositions précitées de l'article 65 de l'arrêté du 22 août 1953. En procédant à sa suspension provisoire, l'autorité administrative compétente n'a commis ni erreur de droit, ni erreur de fait, et le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
7. Il résulte de ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 7 avril 2016, le Tribunal de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande introduite contre la décision de suspension prise à son encontre par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie le 30 novembre 2015.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 20 octobre 2016 prononçant le déplacement d'office de M.F... :
8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le conseil de discipline a été saisi, sur la base d'une note rédigée à son intention signée par le secrétaire général du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, le 5 avril 2016, laquelle fait clairement apparaître la situation administrative de M.F..., le contexte de l'affaire et les circonstances ayant motivé la sanction infligée. Dès lors, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le conseil de discipline n'aurait pas été régulièrement saisi.
9. En deuxième lieu, en l'absence de tout élément nouveau de droit ou de fait produit en appel, le moyen exposé en première instance par M.F..., tiré du défaut de motivation de la décision attaquée peut être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
10. En troisième lieu, la circonstance que l'autorité hiérarchique, qui a estimé dans le rapport par lequel elle a saisi le conseil de discipline que les faits reprochés justifient l'engagement d'une procédure disciplinaire, a présidé le conseil de discipline, ne caractérise pas un manquement à l'obligation d'impartialité, dès lors que cette autorité n'a pas manifesté une animosité personnelle ou fait preuve d'impartialité.
11. En l'espèce, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, et notamment pas du procès verbal du conseil de discipline, que la présence de M.B..., auteur de la décision attaquée et président du conseil de discipline, ait à un quelconque moment fait preuve d'animosité ou de partialité à l'endroit de M.F.... En outre, alors que l'administration proposait la sanction de révocation, le conseil de discipline, à l'unanimité de ses membres, a proposé la mutation d'office de l'intéressé. Dès lors, M. F...n'est pas fondé à soutenir que, eu égard à sa composition, le conseil de discipline a méconnu le principe d'impartialité.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 64 de l'arrêté modifié n° 1065 du 22 août 1953 portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux : " L'avis du conseil de discipline doit intervenir dans le délai d'un mois à compter du jour où ce conseil a été saisi ". Et aux termes de l'article 65 du même arrêté : " Dans le cas de suspension immédiate, le conseil de discipline est saisi de l'affaire sans délai. Celui-ci émet un avis motivé sur la sanction applicable et le transmet au chef du territoire ".
13. D'une part, à la date de la décision attaquée, aucun texte n'enfermait dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire. Si les dispositions précitées de l'article 65 de l'arrêté du 22 août 1953 indiquent que le conseil de discipline est saisi sans délai, elles n'avaient pas pour objet ou pour effet d'encadrer le délai de l'action disciplinaire exercée par l'autorité compétente. Par suite, la circonstance qu'en l'espèce le conseil de discipline a été saisi le 5 avril 2016, soit quatre mois après la mesure de suspension édictée à l'encontre de M.F..., qu'il ait rendu un avis le 21 avril suivant et que l'autorité administrative n'ait prononcé la sanction disciplinaire de la mutation d'office que le 20 octobre 2016, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure disciplinaire engagée à l'égard de ce dernier.
14. D'autre part, ainsi qu'il a été dit précédemment, il est constant que, saisi le 5 avril 2016, le conseil de discipline a rendu son avis le 21 avril suivant, dans le délai d'un mois imparti par les dispositions précitées, qui n'est au demeurant pas édicté à peine de nullité. Dès lors,
M. F...n'est pas fondé à soutenir que le conseil de discipline aurait rendu son avis plus d'un mois après sa saisine.
15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 15 de l'arrêté 1065 du 22 août 1953 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ".
16. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
17. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment au point 6, que M. F...s'est abstenu de porter à la connaissance de la direction de la PJEJ de Nouvelle-Calédonie les faits dont il avait été informé, qui étaient susceptibles de conduire au refus de recruter
M. et Mme A...comme famille d'accueil et ne s'est pas opposé à la signature par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, assisté du directeur des affaires sanitaires et sociales, d'une convention d'hébergement avec M. et MmeA..., alors même qu'à la date de signature de cette convention, il est constant qu'il avait eu confirmation de la rumeur relative à une condamnation pour viol sur mineur de M.A.... Le comportement de M. F...révèle ainsi un manquement à ses obligations professionnelles et est donc constitutif d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.
18. Dès lors, et nonobstant la circonstance que M. F...disposait d'un très bon dossier professionnel, la sanction de la mutation d'office qui lui a été infligée, laquelle n'a pas pour conséquence d'écarter totalement l'agent de l'administration n'est pas, n'est pas disproportionnée.
19. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la sanction infligée à M. F... ait eu, en réalité, pour objet de faciliter la réorganisation de la direction de la protection judiciaire de l'enfance et de la jeunesse et serait entachée d'un détournement de pouvoir.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 1er juin 2017, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 octobre 2016. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des frais de justice doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. F...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...F...et au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président rapporteur,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 avril 2018.
Le président rapporteur,
B. EVEN
L'assesseur,
P. HAMON Le greffier,
I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre des outre mer en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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Nos 16PA01839...