Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... F...C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 1er juillet 2016 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.
Par un jugement n° 1701155 du 8 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 janvier 2018 et des pièces complémentaires enregistrées le
11 mai 2018, M. C..., représenté par MeE..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1701155 du 8 décembre 2017 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 1er juillet 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé au Togo ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 mai 2018, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeD...,
- et les observations de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant togolais né le 3 novembre 1976, relève appel du jugement du 8 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 1er juillet 2016 lui refusant le renouvellement de son titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis (...), à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de Seine-et-Marne. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C...souffre d'un syndrome schizophrénique sévère et qu'il a été mis en possession d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 23 mars 2009 régulièrement renouvelé, dont le dernier était valable jusqu'au 6 mai 2014. Pour refuser de renouveler une nouvelle fois le titre de séjour de M. C... à raison de son état de santé, le préfet de Seine-et-Marne s'est fondé sur l'avis du 17 avril 2014 du médecin de l'Agence Régionale de Santé (ARS) qui a estimé que si l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. Il ressort des certificats médicaux produits par M. C...que celui-ci est suivi depuis 2008 par le DrA..., psychiatre, pour un syndrome schizophrénique sévère qui résiste aux traitements neuroleptiques classiques et atypiques (HADOL, RISPERDAL, NOZINAN) à fortes doses. Il est attesté par ce même médecin que le traitement de M. C...comprend un neuroleptique atypique " LEPONEX " dont la substance active est la clozapine et que ce médicament a permis de " calmer son délire " mais qu'il nécessite " une surveillance stricte dans la prise en charge médicamenteuse " et qu'une " rupture de traitement de LEPONEX entraînerait chez lui une décompensation délirante, et une mise en danger de sa vie ". En outre, l'intéressé démontre faire l'objet de bilans sanguins réguliers afin de contrôler l'évolution de son état de santé et a été hospitalisé à plusieurs reprises en raison de sa pathologie. M. C... soutient que ni le LEPONEX, ni sa substance active la clozapine ne sont disponibles au Togo et qu'aucun autre médicament ne lui est substituable. Il produit, à ce titre, une attestation du 27 février 2017 du Pr Gbeassor, pharmacien au Togo, qui indique que le médicament LEPONEX ne fait pas partie de la liste des médicaments en vente sur le marché togolais. Le préfet de Seine-et-Marne n'établit pas que la clozapine ou tout autre molécule de substitution seraient disponibles au Togo. Dans ces conditions, et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, ce dernier est fondé à soutenir que l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. C... le titre de séjour sollicité. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de délivrer ce titre dans un délai de trois mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance exposés par M. C....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1701155 du 8 décembre 2017 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté en date du 1er juillet 2016 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. C... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F...C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- MmeD..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 10 juillet 2018.
La rapporteure,
M. D...Le président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
C. POVSELa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18PA00127