Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 20 décembre 2017 par lequel le préfet de police a ordonné son transfert aux autorités italiennes.
Par un jugement n° 1800024/8 du 22 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 juin 2018, M. C..., représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800024/8 du 22 janvier 2018 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 20 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement entrepris ne répond pas au moyen tiré du défaut de confidentialité de l'entretien individuel ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article 18.1, b) du règlement (UE) n° 604/2013 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Les parties ont été informées par courrier du 27 août 2018, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de la caducité de l'arrêté de transfert.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 septembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le délai de transfert a été prolongé de dix-huit mois jusqu'au 2 avril 2019 ;
- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 avril 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013,
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme Guilloteau a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant ghanéen né en 1991, a été reçu à la préfecture de police le 14 septembre 2017 afin de solliciter son admission au séjour au titre de l'asile. Après consultation du fichier Eurodac, le préfet a demandé aux autorités italiennes si elles acceptaient de reprendre en charge la demande d'asile de M. C.... Suite à une décision implicite d'acceptation de reprise de charge des autorités italiennes née le 2 octobre 2017, le préfet de police a ordonné le transfert de M. C... en Italie par l'arrêté contesté du 20 décembre 2017. M. C... relève appel du jugement du 22 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 20 décembre 2017 ordonnant son transfert aux autorités italiennes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a répondu, au point 3 du jugement, au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 de manière suffisamment précise, y compris sur les conditions de déroulement de l'entretien individuel. Par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait omis de se prononcer sur ce moyen.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ". Il résulte de ces dispositions que les autorités de l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable doivent, afin d'en faciliter la détermination et de vérifier que le demandeur d'asile a bien reçu et compris les informations prévues par l'article 4 du même règlement, mener un entretien individuel avec le demandeur.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le 14 septembre 2017, les empreintes de M. C... ont été relevées, faisant apparaître qu'il avait présenté préalablement une demande d'asile en Italie. Lui ont alors été remis les brochures d'information et le guide du demandeur d'asile contenant toutes les informations nécessaires sur la procédure dite Dublin ainsi qu'une attestation de demande d'asile-procédure Dublin. Un entretien a également été mené ce même jour, au cours duquel M. C...a notamment été informé de ce que sa reprise en charge vers l'Italie était envisagée. Le requérant n'est par suite pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas bénéficié de l'entretien prévu par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 préalablement à l'intervention de la décision du 20 décembre 2017 ordonnant son transfert vers l'Italie.
5. D'autre part, l'intéressé ne fait état d'aucun élément laissant supposer que cet entretien ne se serait pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604-2013. Si le résumé de l'entretien individuel de M. C... ne comporte pas le nom et la qualité de l'agent qui a conduit l'entretien, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été reçu à la préfecture de police. Dès lors que l'entretien de M. C... a été mené par une personne qualifiée au sens de l'article 5.5 du règlement du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel n'a pas privé M. C... de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les règles de confidentialité n'ont pas été respectées dès lors que l'entretien ne s'est déroulé qu'en présence de l'agent de la préfecture, de l'interprète et de M. C.... Enfin, il n'est pas démontré que l'intéressé n'a pas pu faire valoir toutes les observations qu'il estimait utiles lors de cet entretien, à la fin duquel il a énoncé ne plus rien avoir à déclarer.
6. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement susvisé n° 604/2013 doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement n° 604/2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre ; / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; / c) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29 le ressortissant de pays tiers ou l'apatride qui a retiré sa demande en cours d'examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; / d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ". Aux termes de l'article 24 du règlement n° 603/2013 : " 1. La numérisation des empreintes digitales et leur transmission s'effectuent dans le format pour les données visé à l'annexe I. Dans la mesure où cela est nécessaire au bon fonctionnement du système central, l'agence fixe les exigences techniques pour la transmission du format pour les données par les États membres au système central et inversement. L'agence s'assure que les données dactyloscopiques transmises par les États membres se prêtent à une comparaison dans le système informatisé de reconnaissance des empreintes digitales. / 2. Les États membres transmettent les données visées à l'article 11, à l'article 14, paragraphe 2, et à l'article 17, paragraphe 2, par voie électronique. Les données visées à l'article 11 et à l'article 14, paragraphe 2, sont enregistrées automatiquement dans le système central. Dans la mesure où cela est nécessaire au bon fonctionnement du système central, l'agence fixe les exigences techniques nécessaires pour que les données puissent être correctement transmises par voie électronique des États membres au système central et inversement. / 3. Le numéro de référence visé à l'article 11, point d), à l'article 14, paragraphe 2, point d), à l'article 17, paragraphe 1, et à l'article 19, paragraphe 1, permet de rattacher sans équivoque des données à une personne spécifique et à l'État membre qui transmet les données. Il doit, en outre, permettre de savoir si les données concernent une personne visée à l'article 9, à l'article 14, paragraphe 1 ou à l'article 17, paragraphe 1. / 4. Le numéro de référence commence par la lettre ou les lettres d'identification prévues dans la norme visée à l'annexe I, qui désigne l'État membre qui a transmis les données. La lettre ou les lettres d'identification sont suivies du code indiquant la catégorie de personnes ou de demandes. "1" renvoie aux données concernant les personnes visées à l'article 9, paragraphe 1, "2" aux personnes visées à l'article 14, paragraphe 1, "3" aux personnes visées à l'article 17, paragraphe 1, "4" aux demandes visées à l'article 20, "5" aux demandes visées à l'article 21 et "9" aux demandes visées à l'article 29. ". Aux termes de l'article 9 du même règlement : " chaque État membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'une protection internationale âgé de 14 ans au moins ". Enfin, aux termes de l'article 14 du règlement n° 603/2013 : " Chaque État membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque ressortissant de pays tiers ou apatride, âgé de 14 ans au moins, qui, à l'occasion du franchissement irrégulier de sa frontière terrestre, maritime ou aérienne en provenance d'un pays tiers, a été interpellé par les autorités de contrôle compétentes ".
8. Il ressort des dispositions précitées que l'indication du chiffre 1 dans le numéro d'enregistrement de la base de données Eurodac correspond à la demande de protection internationale par un ressortissant d'un Etat tiers. Il est constant que le relevé Eurodac mentionne, s'agissant de M.C..., le n° IT 1 F102V9U, ce qui signifie que ce dernier a déposé une demande de protection internationale en Italie. Par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 18 du règlement n° 604/2013 en demandant à l'Italie de reprendre en charge sa demande de protection internationale ni que le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., célibataire et sans charge de famille, était présent en France depuis seulement 7 mois à la date de la décision contestée. Il ne soutient par ailleurs pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans au moins. La seule circonstance, à la supposer établie, qu'il vivrait avec sa tante en France ne saurait à elle seule caractériser une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, M. C...n'est pas fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Guilloteau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2018.
Le rapporteur,
L. GUILLOTEAULe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02037