Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Maurice équipement autos (MEA) a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner conjointement et solidairement le département du Val-de-Marne et la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à lui verser la somme de 401 949 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices de toute nature subis du fait des travaux de création et d'aménagement de la ligne de tramway T7 ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin d'évaluer ses préjudices.
Par un jugement n° 1411101 du 7 avril 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mai 2017, la SARL Maurice équipement autos (MEA), représentée par Me Denoulet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1411101 du 7 avril 2017 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de condamner conjointement et solidairement le département du Val-de-Marne et la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à lui verser la somme de 401 949 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices de toute nature subis du fait des travaux de création et d'aménagement de la ligne de tramway T7 ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin d'évaluer ses préjudices ;
4°) de mettre à la charge conjointement et solidairement du département du Val-de-Marne et de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- les travaux de réalisation et d'aménagement de la ligne de tramway T7 ainsi que les travaux d'aménagement de la voirie existante dont la route départementale 7, qui ont débuté en juillet 2011 et se sont achevés en juin 2013, ont entraîné des difficultés d'accès, principalement en voiture, à son établissement, compte tenu des interdictions et des restrictions de circulation et de stationnement consécutives aux travaux et de la suppression de la contre-allée située devant son magasin, alors que sa clientèle est majoritairement composée d'automobilistes compte tenu de l'objet de son activité commerciale ; contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la perte de jouissance de la contre-allée n'a pas résulté de l'expropriation intervenue en 2007, ni du changement de propriétaire qui s'en est suivi, mais bien de la disparition matérielle proprement dite de cette contre-allée à l'occasion de la réalisation effective des travaux publics en cause ; ces travaux ont également conduit à des difficultés de livraison et les bruits et la poussière ont eu un impact sur la fréquentation de l'établissement ;
- elle a subi, du fait de ces travaux, un important préjudice commercial constitué par la baisse de son chiffre d'affaires de 37 % en 2012 et de 42 % en 2013 ; le caractère anormal du préjudice subi est caractérisé, non seulement par l'importance des perturbations subies, mais également par leur fréquence et leur durée, outre l'ampleur des pertes financières engendrées ; l'anormalité du préjudice a été reconnue par la commission de règlement amiable des litiges compétente pour les travaux en cause qui a proposé, par une décision du 14 octobre 2014, une indemnisation à hauteur de 8 000 euros ; la baisse de son chiffre d'affaires ne peut être imputée à une crise conjoncturelle du secteur de l'équipement automobile alors que les statistiques de l'INSEE sur la période comprise entre 2010 et 2014 mettent en évidence une évolution du chiffre d'affaires du secteur concerné de 8,2 % ; la reprise d'activité après un sinistre ne peut être que progressive et son activité a été impactée après les travaux en cause jusqu'au terme de l'exercice 2013 ;
- l'objet commercial de son établissement étant la vente de pièces et d'accessoires automobiles et sa clientèle étant ainsi constituée d'automobilistes s'y rendant avec leurs véhicules, la circonstance que l'accès de l'établissement ait toujours été possible pour les piétons est sans incidence sur le caractère spécial de son préjudice ; la clientèle spécifique de son établissement ne pouvait plus accéder à la zone commerciale de son établissement en raison des restrictions de circulation et de stationnement imposées par les travaux publics litigieux, puis de la suppression définitive de la contre-allée de desserte privative des commerces du 51, avenue de Stalingrad, ainsi que des emplacements de stationnement et de livraison y étant situés ; son préjudice revêt un caractère spécial ;
- elle est ainsi fondée à demander réparation du préjudice subi du fait de ces travaux publics au titre de la responsabilité sans faute des maîtres de d'ouvrage, en l'espèce le département du Val-de-Marne et la RATP ; son préjudice est évalué à la somme totale de 401 949 euros, soit 30 794 euros pour 2011, 175 114 euros pour 2012 et 196 041 euros pour 2013 ;
- à titre subsidiaire, si la Cour s'estimait insuffisamment informée sur la nature et l'étendue du préjudice subi, il conviendrait d'ordonner une mesure d'expertise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2018, le département du Val-de-Marne, représenté par MeA..., conclut à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la Cour constate le caractère excessif de la somme demandée par la SARL Maurice équipement autos et, enfin, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Maurice équipement autos au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la SARL Maurice équipement autos ne sont pas fondés ;
- à titre infiniment subsidiaire, seule la perte de bénéfice a vocation à être indemnisée ; le préjudice ne saurait donc excéder 13 300 euros dont seule la moitié pourrait, le cas échéant, être mise à sa charge dès lors qu'il n'est pas le seul maître d'ouvrage des travaux litigieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2018, la Régie autonome des transports parisiens (RATP), représentée par Me Lapisardi conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Maurice équipement autos au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que la copie du jugement attaqué n'a pas été jointe à la requête ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la SARL Maurice équipement autos ne sont pas fondés ;
- elle ne saurait être tenue pour responsable des conséquences des travaux dont elle n'était pas maître d'ouvrage et de ceux effectués par des concessionnaires de réseau ;
- les travaux de la ligne du tramway T7 ne sont pas à l'origine du prétendu préjudice de la société requérante ;
- à titre infiniment subsidiaire, la société requérante ne justifie pas des sommes dont elle réclame le versement ; seul un manque à gagner est susceptible d'être indemnisé et non une perte de chiffre d'affaires ;
- elle ne pourra pas être condamnée solidairement avec le département du Val-de-Marne, chaque maître d'ouvrage étant responsable des dommages occasionnés par les travaux dont il a la charge ;
- en tout état de cause, la demande d'expertise est dépourvue d'utilité.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 23 juillet 2018, la SARL Maurice équipement autos soutient que sa requête est recevable dès lors qu'elle a produit la copie du jugement attaqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- les observations de MeC..., substituant Me Denoulet, avocat de la société Maurice équipement autos,
- et les observations de MeB..., substituant Me Lapisardi, avocat de la Régie autonome des transports parisiens.
Considérant ce qui suit :
1. La société Maurice équipement autos (MEA) exploite un commerce de vente de pièces et accessoires automobiles situé au 51 de l'avenue de Stalingrad à Villejuif (94800). Compte tenu des conséquences sur son activité des travaux de réalisation de la ligne de tramway T7 reliant Athis-Mons à Villejuif effectués devant son établissement de juillet 2011 à juin 2013, la société MEA a saisi la commission de règlement amiable des litiges compétente pour les travaux en cause par un courrier du 21 novembre 2013. Par une décision du 14 octobre 2014, cette commission lui a proposé une indemnisation à hauteur de 8 000 euros. La société MEA relève appel du jugement du 7 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation conjointe et solidaire du département du Val-de-Marne et de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à lui verser la somme de 401 949 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices subis du fait des travaux de création et d'aménagement de la ligne de tramway T7.
2. Les riverains des voies publiques ont la qualité de tiers par rapport aux travaux publics d'aménagement ou de réfection de ces voies. S'ils subissent un dommage à cette occasion, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage, même en l'absence de toute faute de sa part, d'en assurer l'indemnisation à la double condition pour le demandeur d'établir, d'une part, le lien de causalité présenté avec les travaux publics litigieux et, d'autre part, le caractère anormal et spécial du préjudice qu'il invoque. En outre, ne sont pas susceptibles d'ouvrir droit à indemnité les préjudices qui n'excèdent pas les sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains des ouvrages publics et, en particulier, à ceux des voies publiques. Par ailleurs, les modifications affectant la circulation générale et résultant des changements effectués dans l'assiette ou la direction des voies publiques ne sont, en principe, pas de nature à donner droit au versement d'une indemnité, sauf s'il est porté atteinte aux accès d'un immeuble.
3. Il est constant que durant la période d'exécution des travaux publics litigieux l'établissement de la société MEA est resté en activité et que l'accès piétonnier à cet établissement a toujours été possible par un accès sécurisé. Il résulte de l'instruction que la circulation automobile sur l'avenue de Stalingrad a été organisée de manière alternée entre le
10 avril 2012 et le début du mois de juin 2012. Elle a été réduite à une seule voie dans chaque sens de circulation de juillet 2012 à avril 2013 et durant cette période, une voie de desserte locale a été créée. Si une partie de cette avenue a été fermée à la circulation pendant cinq semaines à compter d'avril 2013, une déviation avait été mise en place et au surplus, la portion fermée n'était pas celle sur laquelle est situé l'établissement concerné. En outre, pendant la période des travaux, il était possible d'accéder à l'établissement de la société MEA par les rues adjacentes à l'avenue de Stalingrad. Ainsi, la circulation automobile devant l'établissement de la société requérante a été maintenue durant la période de travaux et les livraisons ont été assurées.
4. Il est constant que la contre-allée qui comprenait plusieurs places de stationnement situées devant l'établissement de la société requérante et qui appartenait au département du
Val-de-Marne depuis le 27 octobre 2008 a été supprimée au cours des travaux litigieux et que les clients de l'établissement de la société MEA ne pouvaient donc plus stationner devant celui-ci. Toutefois, la société requérante, qui ne saurait prétendre à l'utilisation de la voie publique pour exercer son activité, n'établit pas en l'absence de pièces en ce sens que son activité de vente de pièces et accessoires automobiles nécessitait que les véhicules de ses clients soient stationnés devant son établissement. Il résulte de l'instruction que ces derniers pouvaient bénéficier des possibilités de stationnement offertes dans les rues adjacentes à l'avenue de Stalingrad. Enfin, les travaux réalisés ont permis d'aménager de nouvelles places de stationnement devant l'établissement de la société requérante. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, les désagréments subis par la société MEA du fait des travaux de réalisation de la ligne T7 du tramway reliant Athis-Mons à Villejuif n'ont pas revêtu le caractère d'un préjudice grave et spécial excédant les sujétions normales qui peuvent être imposées, sans indemnité, aux riverains de la voie publique dans l'intérêt général et qui ne sont, dès lors, pas de nature à ouvrir droit à indemnité à leur profit. Est sans incidence sur cette appréciation l'avis de la commission de règlement amiable, eu égard à la nature de la procédure d'indemnisation à l'amiable mise en place dans un but de prévention du contentieux et aux termes dans lesquels cet avis a été rédigé.
5. Comme il a déjà été dit, durant la période d'exécution des travaux publics litigieux, le sens de circulation de l'avenue de Stalingrad a été modifié ainsi que celui des rues adjacentes et la contre-allée située devant l'établissement de la société requérante a été supprimée. Toutefois, les modifications apportées à la circulation automobile n'ont pas eu pour conséquence de rendre impossible ou excessivement difficile l'accès au commerce en cause, cet accès ayant été préservé pour la clientèle de l'établissement et les livreurs. Par suite, les modifications apportées à l'orientation du trafic routier en raison des travaux de création et d'aménagement de la ligne de tramway T 7 ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité au bénéfice de la société appelante.
6. Enfin, si la contre-allée implantée devant l'établissement de la société MEA et qui comprenait plusieurs places de stationnement a été définitivement supprimée à la suite du réaménagement des trottoirs et de la chaussée de l'avenue de Stalingrad, cette suppression n'a pas eu pour conséquence de limiter l'accès à l'établissement de la société requérante, sa clientèle pouvant toujours stationner devant celui-ci du fait de l'aménagement de places de stationnement sur l'avenue de Stalingrad le long du trottoir sur lequel est située l'entrée de l'établissement.
7. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un lien direct et certain entre le préjudice commercial invoqué par la société MEA et les travaux publics litigieux, la responsabilité du département du Val-de-Marne et de la RATP ne saurait, en tout état de cause, être engagée à l'égard de la société. Par suite, les conclusions indemnitaires de cette dernière ne peuvent qu'être rejetées.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non recevoir soulevée par la Régie autonome des transports parisiens (RATP) ni d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée, que la SARL Maurice équipement autos n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département du Val-de-Marne et la Régie autonome des transports parisiens, qui ne sont pas dans la présente instance, les parties perdantes, versent à la SARL Maurice équipement autos la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SARL Maurice équipement autos le versement d'une somme de 1 000 euros au département du Val-de-Marne et de la même somme de 1 000 euros à la Régie autonome des transports parisiens, au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Maurice équipement autos est rejetée.
Article 2 : La SARL Maurice équipement autos versera au département du Val-de-Marne une somme de 1 000 euros et à la Régie autonome des transports parisiens la même somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Maurice équipement autos, au département du Val-de-Marne et à la Régie autonome des transports parisiens.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
C. POVSELa République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01781