Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...E...a demandé au Tribunal administratif de Melun à titre principal d'ordonner une nouvelle expertise et, dans l'hypothèse où il ne serait pas fait droit à sa demande de nouvelle expertise, de condamner le centre hospitalier de Montereau à lui verser la somme de 42 826,50 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de l'opération qu'elle a subie le 28 juin 2002.
Par un jugement n° 1401913 du 18 décembre 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande d'expertise de Mme E...et condamné le centre hospitalier de Montereau à lui verser la somme de 9 465 euros en réparation de ses préjudices.
Procédure devant la Cour :
Par un arrêt avant-dire-droit du 18 janvier 2018, la Cour a, avant de statuer sur la requête de Mme E...et les conclusions incidentes du centre hospitalier de Montereau, prescrit une nouvelle expertise aux fins pour l'expert, d'une part, de donner à la Cour tous les éléments lui permettant d'apprécier l'existence d'un lien de causalité entre l'intervention du 28 juin 2002 et les troubles dont est affectée MmeE..., d'autre part, de dire si l'état de Mme E...avant ou après l'intervention litigieuse, a pu concourir aux troubles qu'elle invoque et dans quelle mesure et, enfin, de fixer la date de consolidation et l'étendue des préjudices de toute nature subis par Mme E....
Par une ordonnance du 23 février 2018, le président de la Cour a désigné le professeur Tadié en qualité d'expert.
Par une ordonnance du 29 mai 2018, le président de la Cour a accordé au professeur Tadié une allocation provisionnelle de 1 250 euros à valoir sur le montant des honoraires et débours devant être ultérieurement taxés.
Le rapport d'expertise a été déposé le 19 octobre 2018.
Par une ordonnance du 14 novembre 2018, le président de la Cour a liquidé et taxé les frais et honoraires du professeur Tadié à la somme de 1 350 euros.
Par un mémoire, enregistré le 24 décembre 2018, le centre hospitalier de Montereau, représenté par MeF..., persiste dans ses précédentes conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué, à la réduction du montant des indemnisations allouées à Mme E... par le tribunal et subsidiairement au rejet de la requête de MmeE....
Il soutient que :
- les conclusions du professeur Tadié sont en contradiction avec celles de la précédente expertise qui ne mettaient pas en cause l'indication opératoire et émettaient un doute quant à l'imputabilité des troubles de la requérante à l'intervention litigieuse ; il s'en remet donc à la sagesse de la Cour quant à l'existence d'une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- la demande de 1 327,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire sera rejetée ; Mme E...n'a subi aucun déficit fonctionnel total en raison des troubles dont elle se plaint ; en lui allouant une somme de 465 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, le tribunal n'a pas fait une évaluation insuffisante de son préjudice ;
- l'indemnisation au titre des souffrances endurées devra être réduite ;
- l'indemnité allouée par le tribunal au titre du déficit fonctionnel permanent n'est pas insuffisante ;
- la demande de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent sera rejetée, le professeur Tadié n'ayant retenu aucun préjudice esthétique ;
- la demande au titre du préjudice d'agrément devra être rejetée, la requérante n'apportant pas la preuve qu'elle a dû renoncer à certaines activités ;
- il appartiendra à Mme E...d'apporter la preuve du surcoût de l'aménagement de son véhicule si elle entend y prétendre.
Par un mémoire, enregistré le 10 janvier 2019, MmeE..., représentée par Me C..., maintient ses conclusions à fin de réformation du jugement n° 1401913 du 18 décembre 2015 du Tribunal administratif de Melun et ramène ses prétentions indemnitaires à la somme de 21 412,50 euros. Elle demande, en outre, à la Cour de mettre à la charge du centre hospitalier de Montereau les frais d'expertise du docteur A...et du professeur Tadié. Elle persiste dans ses conclusions tendant au versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'expert désigné par la Cour retient la responsabilité du centre hospitalier de Montereau ;
- la somme de 912,50 euros devra lui être allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
- elle est fondée à solliciter la somme de 5 000 euros au titre des souffrances endurées ;
- l'expert ayant retenu un déficit fonctionnel permanent de 5%, elle est fondée à solliciter à ce titre la somme de 5 000 euros ;
- c'est à tort que le tribunal et le professeur Tadié n'ont pas retenu de préjudice esthétique alors que sa démarche dysharmonieuse n'est pas de nature somatoforme mais résulte des importantes douleurs ressenties dans sa jambe et son pied ; elle sollicite, en réparation de ce préjudice, la somme de 3 000 euros ;
- elle ne peut plus conduire, ni pratiquer la marche à pied et le jardinage ; son préjudice d'agrément doit être évalué à la somme de 5 000 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Montereau :
1. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que Mme E..., alors âgée de 49 ans, présentait des phénomènes douloureux du mollet gauche qui l'ont conduite à consulter, début avril 2002, le docteurG..., rhumatologue. Malgré une infiltration et une ponction, les douleurs se sont aggravées et ont justifié la réalisation, le 25 juin 2002, d'un arthroscanner du genou gauche mettant en évidence l'existence d'un volumineux kyste poplité. Le 28 juin 2002, Mme E...a subi une intervention chirurgicale afin d'évacuer ce kyste au centre hospitalier de Montereau. Les suites opératoires ont été marquées par l'apparition de douleurs neuropathiques au niveau des nerfs sciatiques poplités externe et interne. Si le centre hospitalier de Montereau fait valoir que l'expert désigné par le Tribunal administratif de Melun, le docteurA..., neuropsychiatre, a émis des doutes quant à l'imputabilité des troubles de Mme E...à l'intervention chirurgicale qu'elle a subie, notamment au regard de la période écoulée entre cette intervention et les doléances de la patiente telles que mentionnées par le chirurgien dans son dossier médical, il ressort toutefois des rapports d'expertise du docteurD..., chirurgien orthopédique et sapiteur du docteurA..., et du professeur Tadié, neurochirurgien et expert désigné par la Cour, que Mme E...a, après son intervention, évoqué ces troubles auprès de son rhumatologue et de son médecin généraliste et qu'ils ont été authentifiés par un électromyogramme du 1er mars 2003. Au demeurant, il ressort du rapport d'expertise du docteur A...que celui-ci s'était finalement rallié à la position de son sapiteur qui, comme le professeur Tadié, avait estimé que les douleurs neuropathiques dont souffre Mme E...depuis l'opération du 28 juin 2002 provenaient d'une compression des branches sensitives des nerfs sciatiques poplités externe et interne, occasionnée par une mauvaise utilisation d'un écarteur par le chirurgien afin d'élargir le champ opératoire. La faute ainsi commise par le chirurgien est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Montereau. Par suite, les conclusions incidentes présentées par ce dernier tendant à l'annulation du jugement 18 décembre 2015 du Tribunal administratif de Melun doivent être rejetées.
Sur les préjudices de MmeE... :
En ce qui concerne le déficit fonctionnel temporaire :
2. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du professeur Tadié, que les douleurs neuropathiques, indépendamment de la période de déficit temporaire prévisible dans le type d'intervention chirurgicale subie par MmeE..., ont entraîné pour cette dernière un déficit fonctionnel temporaire partiel de 5% du 28 juillet 2002 au 28 juin 2004, date de consolidation retenue par cet expert. Il sera fait une juste appréciation du préjudice ayant résulté du déficit fonctionnel temporaire de la requérante en l'évaluant à la somme de 600 euros et en portant ainsi à cette somme la somme de 465 euros allouée par les premiers juges.
En ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent :
3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du professeur Tadié, que MmeE... reste atteinte, en raison des douleurs neuropathiques, d'un déficit fonctionnel permanent imputable à l'accident médical évalué par l'expert à 5 %. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant, compte tenu de l'âge de Mme E...à la date de consolidation de son état, à la somme de 5 600 euros et en portant ainsi à cette somme la somme de 4 500 euros allouée par le jugement attaqué.
En ce qui concerne les souffrances endurées :
4. MmeE... sollicite, dans ses dernières écritures, la somme de 5 000 euros au titre du préjudice constitué par les souffrances endurées. Il ressort des rapports d'expertise que le professeur Tadié a évalué les souffrances endurées par la requérante à 2 sur une échelle de 7, le docteur A...les a évaluées à 3 et le docteur D...à 4,5. Il résulte de l'instruction que MmeE... présente des douleurs à type de décharge électrique sur la face latérale de la jambe gauche et du pied gauche ainsi qu'une paresthésie de ces mêmes parties du corps et une hypoesthésie cutanée. Ces douleurs ont nécessité un suivi au centre antidouleur de l'hôpital Lariboisière à Paris et un traitement médicamenteux. Il sera fait une juste indemnisation des souffrances endurées par MmeE... en lui allouant à ce titre la somme de 4 000 euros et en portant ainsi à cette somme la somme de 3 500 euros allouée par le tribunal.
En ce qui concerne le préjudice d'agrément :
5. Si Mme E...se prévaut, au titre du préjudice d'agrément, de ce que son périmètre de marche est désormais réduit à quinze minutes et de ce qu'elle ne peut plus conduire de véhicule non automatisé, ces éléments ont toutefois été pris en considération au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent. Elle n'établit pas ni même n'allègue qu'elle ne pourrait plus pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs. Dans ces conditions, le centre hospitalier de Montereau est fondé à soutenir que Mme E...ne justifiant pas avoir subi un tel préjudice, c'est à tort que les premiers juges lui ont alloué à ce titre une somme de 1 000 euros.
En ce qui concerne le préjudice esthétique :
6. Il sera fait une juste indemnisation du préjudice esthétique permanent du fait de la démarche dysharmonieuse de Mme E...induite par la paresthésie de sa jambe et de son pied gauche, en lui allouant une somme de 800 euros. Par suite, le centre hospitalier de Montereau est condamné à verser à la requérante la somme de 800 euros en réparation de son préjudice esthétique.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la somme de 9 465 euros que le centre hospitalier de Montereau a été condamné, par le jugement dont la réformation est demandée, à verser à Mme E...en réparation de ses préjudices subis à la suite de l'intervention du 28 juin 2002 doit être portée à la somme de 11 000 euros.
Sur les conclusions tendant au versement d'une somme de 5 000 euros à titre provisionnel :
8. La Cour se prononçant par le présent arrêt sur le montant de l'indemnisation définitive à allouer à Mme E...en réparation de ses préjudices subis à la suite de l'intervention du 28 juin 2002, il n'y a pas lieu de lui accorder une somme de 5 000 euros à titre provisionnel. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées.
Sur les frais d'expertise :
9. Les frais d'expertise, liquidés et taxés par l'ordonnance du 14 novembre 2018 du président de la Cour à la somme de 1 350 euros, incluant l'allocation provisionnelle d'un montant de 1 250 euros accordée à l'expert par une ordonnance du 29 mai 2018 du président de la Cour, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Montereau.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Montereau le paiement à Mme E...de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 9 465 euros que le centre hospitalier de Montereau a été condamné à verser à Mme E...en réparation de ses préjudices consécutifs à l'intervention chirurgicale du 28 juin 2002 est portée à la somme de 11 000 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1401913 du 18 décembre 2015 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 350 euros sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Montereau.
Article 4 : Le centre hospitalier de Montereau versera à Mme E...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E...et les conclusions d'appel incident du centre hospitalier de Montereau sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E...et au centre hospitalier de Montereau.
Copie en sera adressée à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Luben, président,
- Mme Larsonnier, premier conseiller,
- Mme Guilloteau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 février 2019.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
I. LUBEN
Le greffier,
Y. HERBER
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA00725