Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H...A..., Mme J...F...épouse A...et Mme E... A... ont demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser, d'une part, à M. A...une somme de 1 442 157,32 euros, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée lors de son hospitalisation au centre hospitalier Henri Mondor de Créteil et, d'autre part, à Mme G...A...une somme de 75 000 euros et à Mme E...A...une somme de 70 000 euros, en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis des suites de l'infection nosocomiale contractée par leur mari et père, ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale.
Par un jugement avant dire droit en date du 26 juin 2015, le Tribunal administratif de Melun a décidé de faire procéder à une expertise médicale.
Par un jugement n° 1309351 en date du 6 octobre 2017, le Tribunal administratif de Melun a :
- condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à M. H...A...la somme de 494 245,78 euros, à Mme G...A... la somme de 6 000 euros et à Mme E... A... la somme 4 000 de euros en réparation des préjudices résultant des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par M. A...lors de son hospitalisation au centre hospitalier Henri Mondor de Créteil ;
- condamné l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) à verser à l'ONIAM la somme de 378 184,34 euros ;
- mis les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 2 800 euros à la charge de l'ONIAM à hauteur de 700 euros et de l'AP-HP à hauteur de 2 100 euros ;
- mis à la charge de l'ONIAM la somme de 2 500 euros à verser aux consorts A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de 1 500 euros à verser à l'ONIAM au même titre ;
- rejeté les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 17PA03546 le 20 novembre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1309351 en date du 6 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté ses conclusions ;
2°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 199 786,91 euros en remboursement de ses débours ;
3°) de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, sous réserve d'actualisation au 1er janvier de chaque année par application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
4°) de mettre à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle n'avait pas présenté de conclusions dirigées contre l'AP-HP ; elle n'avait formulé aucune demande à l'encontre de l'ONIAM ;
- les premiers juges ont estimé à bon droit que des fautes avaient été commises lors de l'hospitalisation de M. A...au centre hospitalier Henri Mondor ; dans ces conditions, les premiers juges ne pouvaient pas admettre à la fois le droit à l'indemnisation de la victime ainsi que le recours subrogatoire de l'ONIAM à l'encontre de l'AP-HP et rejeter son recours subrogatoire prévu par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et fondé sur les mêmes fautes commises par le centre hospitalier ;
- elle a versé diverses prestations dans l'intérêt de la victime s'élevant à la somme de 199 786, 91 euros, toutes réserves étant faites pour les prestations non connues à ce jour et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement ;
Par un mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 19 avril 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Joliff, conclut :
- à la réformation du jugement du 6 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci l'a condamné à verser aux consorts A...la somme totale de 504 245,78 euros et à limité la garantie de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à hauteur de 75 % des condamnations prononcées à son encontre ;
- à la réduction à de plus justes proportions du montant des indemnités allouées aux consortsA... ;
- à la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à le garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;
- à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à le garantir à hauteur de 80 % de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre si la Cour retient la perte de chance ;
- à ce que soit mis à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- s'il n'entend pas contester le droit de M. A...de solliciter la prise en charge de ses préjudices au titre de la solidarité nationale, la Cour ne pourra que ramener les prétentions indemnitaires des consorts A...à de plus justes proportions ;
- s'agissant des frais de transport VSL engagés par M.A..., celui-ci ne justifie que d'une facture acquittée d'un montant de 225,14 euros ; il conviendra donc de confirmer le tribunal sur ce point ;
- s'agissant de l'aide par une tierce personne, celle-ci n'a pas été nécessaire pour la période du 29 juillet 2015 au 2 novembre 2015 pendant laquelle M. A...a été hospitalisé à la clinique des Tournelles ; il convient donc de retenir 3 216 jours pendant lesquels l'état de santé de M. A...a nécessité l'aide d'une tierce personne pour des tâches non spécialisées ; le taux horaire proposé étant de 13 euros /heure, le montant au titre de l'assistance par une tierce personne s'élève donc à 334 464 euros ; la prise en charge au titre de la solidarité nationale ne pouvant être que de 20 % au regard tant de l'état antérieur que du traumatisme initial, la somme de 66 892,80 euros pourra être allouée à M.A... ; il convient de déduire de cette somme le montant de l'allocation personnalisée d'autonomie qui a été versée à M. A...du 8 octobre 2006 au 6 juin 2009, du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012 et du 1er septembre 2012 au 30 juin 2015 et qui s'élève à la somme totale de 38 338,96 euros ; ainsi, la somme de 365 260,64 euros allouée par le tribunal doit être ramenée à 28 554,11 euros ;
- c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande d'indemnisation de M. A...au titre des frais d'institutionnalisation ;
- la somme de 6 360 euros allouée par le tribunal au titre du déficit fonctionnel temporaire doit être ramenée à la somme de 5 902,96 euros ;
- l'indemnité due au titre des souffrances endurées par M. A...doit être réduite et limitée à la somme maximale de 9 000 euros ;
- c'est à juste titre que les premiers juges ont évalué l'indemnité due au titre du préjudice esthétique temporaire à la somme de 1 000 euros ;
- le taux de déficit fonctionnel permanent de M. A...imputable à l'infection nosocomiale ayant été fixé par les experts à 55 % et M. A...ayant 69 ans à la date de la consolidation de son état, il y a lieu de lui allouer la somme de 74 008 euros ; le tribunal a ainsi fait une appréciation excessive de ce chef de préjudice en lui allouant la somme de 110 000 euros ;
- le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice esthétique permanent de M. A... en l'évaluant à la somme de 900 euros ;
- en l'absence de préjudice d'agrément, c'est à juste titre que le tribunal n'a pas indemnisé ce chef de préjudice ;
- les demandes indemnitaires de Mme G...A...et de Mme E...A...n'étaient pas en première instance dirigées contre l'ONIAM et doivent donc être rejetées ; à défaut, les demandes devront être réduites à de plus justes proportions dès lors qu'il s'agit d'indemniser le préjudice d'accompagnement pour une victime qui n'est pas décédée ;
- il entend exercer son action récursoire à l'encontre de l'AP-HP dont les fautes dans la prise en charge de M. A...sont manifestes et ont conduit à la dégradation de son état médical ; l'AP-HP devra le garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre en réparation des préjudices des consortsA... ; à défaut, si la Cour estime que les fautes commises par l'AP-HP ne seraient responsables que d'une perte de chance, cette perte de chance ne peut pas être inférieure à 80 % ;
- intervenant au titre de la solidarité nationale, il ne saurait prendre en charge la créance de la CPAM du Val-de-Marne.
Par un mémoire en appel incident, enregistré le 16 mai 2018, M. H...A..., Mme G...A...et Mme E...A..., représentés par Me Duguey, concluent à la réformation du jugement du 6 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci n'a pas entièrement fait droit à leurs conclusions indemnitaires et demandent à la Cour :
- de condamner l'ONIAM à verser à M. A...la somme totale de
1 781 055, 40 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, des frais d'institutionnalisation et de son préjudice d'agrément ;
- de condamner l'ONIAM à verser à Mme G...A...la somme de
75 000 euros en réparation du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence subis du fait des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par son époux ;
- de condamner l'ONIAM à verser à Mme E...A...la somme de 70 000 euros en réparation du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence subis du fait des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par son père ;
- de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- de condamner l'ONIAM aux dépens.
Ils soutiennent que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les experts ont considéré que la nécessité d'une aide humaine active à hauteur de 8 heures par jour et d'une aide passive de surveillance de M. A...sur le reste du nycthémère, soit 16 heures par jour, devaient être intégralement imputées à l'épisode infectieux ;
- l'aide humaine a été assurée par l'épouse de M. A...du 7 octobre 2006 jusqu'à son départ en institution le 2 novembre 2015 ; les frais liés à l'assistance d'une tierce personne ne sauraient être inférieurs au montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales, devant en conséquence être portée à la somme de 1 487 874,40 euros ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'institutionnalisation de M. A...est en lien direct et certain avec la survenue de l'infection nosocomiale ; les frais d'institution s'élèvent pour la période du 2 novembre 2015 au 31 décembre 2018, date fictive de l'arrêt de la Cour, à la somme de 87 840,63 euros ; ils seront capitalisés pour l'avenir, à compter du prononcé de l'arrêt sur la base du barème de la Gazette du palais du 28 novembre 2017 au taux d'intérêt de 0, 5 % , soit la somme de 205 340,37 euros ;
- la gravité de l'état séquellaire de M. A...a conduit à l'abolition de toute forme de vie sociale et de toute forme d'activité ; il convient ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, de lui allouer une indemnité de 15 000 euros en réparation de son préjudice d'agrément ;
- contrairement à ce que soutient l'ONIAM, les premiers juges n'ont pas procédé à une évaluation excessive des autres chefs de préjudices subis par M. A...; le référentiel auquel se réfère l'ONIAM n'a aucune valeur normative ;
- Mme G...A...et Mme E...A...ont dirigé, en première instance, leurs demandes indemnitaires à l'encontre de l'AP-HP et de l'ONIAM ; les premiers juges ont procédé à une évaluation insuffisante de leurs préjudices qui ont été à tort globalisés ; au titre du préjudice d'affection, il conviendra d'allouer à l'épouse de M. A...la somme de 25 000 euros et à sa fille la somme de 20 000 euros ; au titre du préjudice extrapatrimonial exceptionnel qui s'entend des troubles dans les conditions d'existence des proches des victimes directes, l'indemnité versée à l'épouse et à la fille de M. A...doit être évaluée à 50 000 euros chacune.
Par un mémoire et en appel incident, enregistré le 29 juin 2018, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, représentée par Me Tsouderos, conclut au rejet de la requête de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne et, par la voie de l'appel incident :
- à la réformation du jugement du 6 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci l'a condamnée à verser à l'ONIAM les sommes de 378 184,34 euros et 1 500 euros ;
- à la réduction à de plus justes proportions du montant des indemnités allouées aux consortsA... ;
- à titre subsidiaire, à ce qu'il soit procédé à une nouvelle expertise médicale ;
- à ce que soit mis à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'infection nosocomiale contractée par M. A...n'ouvrait aux consorts A...qu'un droit à indemnisation relevant de la solidarité nationale et assumée par l'ONIAM sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ; la circonstance, à la supposer établie, qu'elle aurait commis une faute en lien avec le dommage n'est pas de nature à ouvrir droit aux consortsA..., et donc pas davantage à l'organisme social subrogé dans les droits de son assuré, une créance à l'encontre du service public hospitalier ;
- la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne n'est pas recevable à invoquer pour la première fois en appel le moyen tiré de l'existence de fautes imputables au service public hospitalier ;
- en tout état de cause, les fautes imputées à l'AP-HP ont été, selon les experts et le tribunal, à l'origine d'une simple perte de chance ; la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne n'est pas, en tout état de cause, fondée à poursuivre le remboursement intégral des prestations servies à son assuré ;
- elle n'a pas commis de fautes lors de la prise en charge de M. A...; l'infection du drain thoracique a été prise en charge dès sa constatation par la mise en oeuvre d'un traitement antibiotique adapté associé à des soins locaux ; le diagnostic d'empyème sous dural et d'abcès cérébraux a été posé dès la constatation des troubles de la marche et d'apathie ; l'expert n'a pas été en mesure de se prononcer de manière certaine quant à l'origine de l'infection nosocomiale et n'a pas envisagé les autres causes possibles de l'empyème alors que l'analyse du liquide d'abcès n'a pas révélé la présence de staphylocoque ; c'est donc à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande formée par l'ONIAM tendant à faire supporter par l'AP-HP une partie de la condamnation mise à sa charge ;
- à titre subsidiaire, la part retenue par les premiers juges des manquements qui lui sont imputés est excessive ; la gravité des séquelles neurologiques est imputable pour une très large part aux antécédents médicaux de M. A...et à son grave traumatisme crânien ; il est constant qu'il a été victime d'une nouvelle chute le 21 mars 2007 à l'origine d'une hémorragie méningée de la citerne ambiante et d'une désorientation temporo-spatiale ;
- seule une nouvelle expertise serait susceptible de préciser l'étendue d'une perte de chance ;
- elle s'associe aux conclusions de l'ONIAM tendant au rejet des demandes présentées en appel par les consorts A...et à ce que les indemnités qui leur ont été allouées par le tribunal soient ramenées à de plus justes proportions.
Par un courrier en date du 8 février 2019 les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de la requête n° 17PA03546 présentée par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne dès lors que celle-ci n'a pas chiffré en temps utile ses conclusions tendant au remboursement de ses débours devant le Tribunal administratif de Melun.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 17PA03705 les 6 décembre 2017 et 29 juin 2018, l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, représentée par Me Tsouderos, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1309351 du 6 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci l'a condamnée à verser à l'ONIAM les sommes de 378 184,34 euros et 1 500 euros ;
2°) de réduire à de plus justes proportions le montant des indemnités allouées aux consortsA... ;
3°) de rejeter la requête n° 17PA03546 de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise médicale ;
5°) de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soulève les mêmes moyens que ceux exposés sous le n° 17PA03546.
Par un mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 19 avril 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Joliff, conclut, pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le n° 17PA03546 :
- à la réformation du jugement du 6 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci l'a condamné à verser aux consorts A...la somme totale de 504 245,78 euros et à limiter la garantie de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à hauteur de 75 % des condamnations prononcées à son encontre ;
- à la réduction à de plus justes proportions du montant des indemnités allouées aux consortsA... ;
- à la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à le garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;
- à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à le garantir à hauteur de 80 % de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre si la Cour retient la perte de chance ;
- à ce que soit mis à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en appel incident, enregistré le 16 mai 2018, M. H...A..., Mme G...A...et Mme E...A..., représentés par Me Duguey, concluent à la réformation du jugement du 6 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci n'a pas entièrement fait droit à leurs conclusions indemnitaires et demandent à la Cour :
- de condamner l'ONIAM à verser à M. A...la somme totale de
1 781 055, 40 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, des frais d'institutionnalisation et de son préjudice d'agrément ;
- de condamner l'ONIAM à verser à Mme G...A...la somme de
75 000 euros en réparation du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence subis du fait des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par son époux ;
- de condamner l'ONIAM à verser à Mme E...A...la somme de 70 000 euros en réparation du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence subis du fait des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par son père ;
- de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- de condamner l'ONIAM aux dépens.
Ils soulèvent les mêmes moyens que ceux exposés sous le n° 17PA03546.
III. Par une requête, enregistrée sous le n° 17PA03824 le 15 décembre 2017, M. H...A..., Mme G...A...et Mme E...A..., représentés par Me Duguey, demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1309351 du 6 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci n'a pas entièrement fait droit à leurs conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner l'ONIAM à verser à M. A...la somme totale de 1 788 755,50 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, des frais d'institutionnalisation et de son préjudice d'agrément ;
3°) de condamner l'ONIAM à verser à Mme G...A...la somme de 75 000 euros en réparation du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence subis du fait des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par son époux ;
4°) de condamner l'ONIAM à verser à Mme E...A...la somme de 70 000 euros en réparation du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence subis du fait des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par son père ;
5°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6°) de condamner l'ONIAM aux dépens.
Ils soulèvent les mêmes moyens que ceux exposés sous le n° 17PA03546.
Ils soutiennent, en outre, que les frais d'institution s'élèvent pour la période du 2 novembre 2015 au 31 décembre 2018, date fictive de l'arrêt de la Cour, à la somme de 84 998,92 euros ; qu'ils seront capitalisés pour l'avenir, à compter du prononcé de l'arrêt sur la base du barème de la Gazette du palais du 28 novembre 2017 au taux d'intérêt de 0,5 % , soit la somme de 200 882,18 euros ; au titre de l'aide humaine apportée à M. A...et des frais d'institutionnalisation, déduction faite de l'allocation personnalisée d'autonomie perçue par M.A..., il conviendra de condamner l'ONIAM à verser la somme totale de 1 773 755,50 euros.
Par un mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 19 avril 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Joliff, conclut, pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le n° 17PA03546 :
- à la réformation du jugement du 6 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci l'a condamné à verser aux consorts A...la somme totale de 504 245,78 euros et à limiter la garantie de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à hauteur de 75 % des condamnations prononcées à son encontre ;
- à la réduction à de plus justes proportions du montant des indemnités allouées aux consortsA... ;
- à la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à le garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;
- à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à le garantir à hauteur de 80 % de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre si la Cour retient la perte de chance ;
- à ce que soit mis à la charge de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire, enregistré le 16 mai 2018, les consorts A...réduisent le montant de leurs prétentions indemnitaires au titre des préjudices subis par M. A...à la somme de 1 781 055, 40 euros. Ils maintiennent leurs conclusions et leurs moyens.
Ils soutiennent que les frais d'institution de M. A...s'élèvent pour la période du 2 novembre 2015 au 31 décembre 2018, date fictive de l'arrêt de la Cour, à la somme de 87 840,63 euros ; qu'ils seront capitalisés pour l'avenir, à compter du prononcé de l'arrêt sur la base du barème de la Gazette du palais du 28 novembre 2017 au taux d'intérêt de 0,5 % , soit la somme de 205 340,37 euros ; qu'au titre de l'aide humaine apportée à M. A...et des frais d'institutionnalisation, déduction faite de l'allocation personnalisée d'autonomie perçue par M.A..., il conviendra de condamner l'ONIAM à verser la somme totale de 1 781 055,40 euros.
Par un mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 29 juin 2018, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, représentée par Me Tsouderos, conclut au rejet de la requête n° 17PA03546 de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne et, par la voie de l'appel incident :
- à la réformation du jugement du 6 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun en tant que, par ce jugement, celui-ci l'a condamnée à verser à l'ONIAM les sommes de 378 184,34 euros et 1 500 euros ;
- à la réduction à de plus justes proportions du montant des indemnités allouées aux consortsA... ;
- à titre subsidiaire, à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise médicale ;
- à ce que soit mis à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soulève les mêmes moyens que ceux exposés sous le n° 17PA03546.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique,
- le code de la sécurité sociale,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- les observations de Me Tsouderos, avocat de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris,
- les observations de Me D...substituant Me Joliff, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales,
- et les observations de Me Duguey, avocat des consortsA....
Des notes en délibéré ont été produites le 19 février 2019 pour l'ONIAM dans les trois requêtes.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n°s 17PA03546, 17PA03705, 17PA03824 présentées respectivement par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris et les consorts A...sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
2. Le 31 décembre 2005, M.A..., âgé de 68 ans, a été victime d'une chute à son domicile alors qu'il était en état d'ébriété. Admis au centre hospitalier du Kremlin-Bicêtre, un scanner cérébral réalisé le jour même a mis en évidence un hématome sous dural chronique ancien dû à une chute intervenue en 1986 et un saignement sous dural récent découlant de sa nouvelle chute. M. A...a été transféré le lendemain dans le service de neurochirurgie du centre hospitalier Henri Mondor de Créteil où il a été opéré en urgence afin d'évacuer ce nouvel hématome. Parallèlement, un bilan traumatique a révélé des fractures de quatre côtes, associées à un hémothorax et à un pneumothorax nécessitant la pose d'un drain thoracique. Si les suites opératoires immédiates ont été simples, M. A...a présenté, le 6 janvier 2006, une infection du drain thoracique à l'origine d'une pneumopathie qui a été traitée par une antibiothérapie et le patient a été autorisé à regagner son domicile le 18 février 2006. Toutefois, devant l'aggravation de ses troubles neurologiques, M. A...a de nouveau été hospitalisé au centre hospitalier Henri Mondor de Créteil le 12 avril 2006. Un scanner effectué en urgence a révélé l'existence d'une infection cérébrale caractérisée par un empyème sous-dural gauche avec abcès intra-cérébraux et M. A...a dû subir le jour même une intervention chirurgicale. Le prélèvement bactériologique cérébral effectué a révélé la présence d'un staphylocoque aureus. Malgré l'antibiothérapie mise en place, l'état de santé de M. A...s'est dégradé. Une ponction d'abcès sous scanner est réalisée le 20 avril 2006 avant que M. A...soit à nouveau opéré le 22 avril suivant. Dans les suites immédiates de l'intervention, M. A...va présenter une insuffisance respiratoire puis différentes infections urinaires. Il quittera l'hôpital Henri Mondor le 10 juillet 2006 pour être accueilli dans un centre de rééducation et regagnera son domicile le 7 octobre 2006. M. A...reste atteint d'importantes séquelles neurologiques caractérisées par un syndrome frontal majeur.
3. Les consorts A...relèvent appel du jugement du 6 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a limité à la somme totale de 504 245,78 euros l'indemnité en réparation des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par M. A...qu'il a mises à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de la solidarité nationale. L'Assistance publique - hôpitaux de Paris demande la réformation de ce même jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à l'ONIAM la somme de 378 184,34 euros et demande à la Cour de réduire à de plus justes proportions le montant des indemnités allouées aux consorts A...et de rejeter la requête de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne. Cette dernière demande également la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions présentées à l'encontre de l'AP-HP et de la condamner à lui verser la somme de 199 786,91 euros en remboursement de ses débours, la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Par la voie de l'appel incident, l'ONIAM demande la réformation de ce jugement en tant qu'il l'a condamné à verser aux consorts A...la somme totale de 504 245,78 euros et a limité la garantie de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à hauteur de 75 % des condamnations prononcées à son encontre. Il demande à la Cour de réduire à de plus justes proportions le montant des indemnités allouées aux consorts A...et de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à le garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre.
Sur la recevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne :
4. Il résulte de l'instruction, en particulier du dossier de première instance transmis par le Tribunal administratif de Melun à la Cour, que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, qui s'est contentée de demander aux premiers juges dans son mémoire enregistré le 23 décembre 2013 de " réserver ses droits " à hauteur des débours qu'elle avait exposés en faveur de M.A..., n'a pas en temps utile, avant la clôture de l'instruction, chiffré le montant des débours dont elle entendait demander le remboursement, et au surplus, n'a pas présenté de conclusions dirigées contre l'AP-HP. Il s'ensuit que ses conclusions présentées devant la Cour tendant à la condamnation de l'AP-HP à lui verser la somme de 199 786,91 euros en remboursement de ses débours sont nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins de condamnation de l'AP-HP à lui verser la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ainsi que la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Ainsi, la requête n° 17PA03546 de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne doit être rejetée en toutes ses conclusions.
Sur la réparation au titre de la solidarité nationale par l'ONIAM :
5. Les premiers juges ont estimé, ce qui n'est pas contesté en appel, que M. A...a contracté une infection nosocomiale lors de sa prise en charge par le centre hospitalier Henri Mondor de Créteil en raison d'un hématome sous-dural aigu chronique et de fractures de quatre côtes associées à un hémothorax et à un pneumothorax, que cette infection nosocomiale cérébrale a entraîné des séquelles neurologiques à l'origine d'une incapacité permanente partielle de 55 % et que, par suite, il incombait à l'ONIAM de prendre en charge au titre de la solidarité nationale l'indemnisation des conséquences dommageables de cette infection.
Sur l'évaluation des préjudices des consortsA... :
En ce qui concerne les préjudices de M.A... :
6. Les consorts A...contestent devant la Cour l'évaluation par le Tribunal administratif de Melun des frais d'assistance par une tierce personne qu'ils estiment insuffisante ainsi que le rejet de leur demande d'indemnisation au titre des frais de séjour de M. A...au sein d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et de son préjudice d'agrément. L'ONIAM soutient, quant à lui, que le tribunal a fait une appréciation excessive de l'indemnité au titre du déficit fonctionnel temporaire total, des souffrances endurées par M. A...et du déficit fonctionnel permanent dont il est atteint.
S'agissant des frais d'assistance par une tierce personne :
7. Le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail.
8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que l'état de santé de M.A..., qui souffre notamment de troubles phasiques et de désorientation temporo-spatiale, a nécessité l'assistance d'une tierce personne pour la période comprise entre le 7 octobre 2006, date à laquelle il a quitté le centre de rééducation pour regagner son domicile, et le 30 juillet 2015, date de son hospitalisation à la clinique des Tournelles à l'issue de laquelle il a été accueilli dans un EHPAD, soit une période de 3 213 jours. L'expert judiciaire a évalué l'aide active ainsi apportée à M. A...par une tierce personne, pour notamment l'aide à la toilette, au change de protection, à l'habillage et à la préparation des repas, à 8 heures par jour. Si l'expert relève également que l'état de santé de l'intéressé nécessite une surveillance sur le reste du nycthémère, il ne résulte pas de l'instruction que cette simple surveillance revêt un caractère spécifique. Le coût de l'assistance par une tierce personne 8 heures par jour au domicile familial doit être calculé sur la base d'un prix horaire de 18 euros sur une durée annuelle de 400 jours (les congés payés étant ainsi pris en considération), comprenant les charges sociales dues par l'employeur d'un salarié à domicile. La durée cumulée de 3 213 jours mentionnée au point précédent doit donc être réévaluée à 3 523 jours. Ainsi, le montant des frais afférents à l'assistance à domicile par une tierce personne s'élève à 507 312 euros.
9. Toutefois, il y a lieu de déduire de cette somme les prestations d'allocation personnalisée d'autonomie qui lui ont été versées par le département du Val-de-Marne. Il résulte de l'instruction que M. A...s'est vu accorder le bénéfice de l'allocation personnalisée d'autonomie pour la période comprise entre le 7 juin 2006 et le 6 juin 2009 pour un montant mensuel de 282,78 euros et qu'il a commencé à percevoir cette aide le 7 octobre 2006, date de la fin de son séjour en centre de rééducation. Il a également touché cette allocation pour la période du 1er juillet 2009 au 30 juin 2012 d'un montant mensuel de 345 euros et pour la période du 1er septembre 2012 au 30 juin 2015 d'un montant mensuel de 481,20 euros. Ainsi, le montant total de l'allocation personnalisée d'autonomie reçu par M. A... au titre de la période en cause s'élève à 38 479,68 euros. Le montant des frais restés à la charge de M. A...au titre de l'assistance par une tierce personne doit ainsi être fixé à la somme de 468 832,32 euros. Il s'ensuit qu'il y a lieu de porter à cette somme la somme de 365 260,64 euros allouée par les premiers juges.
S'agissant des frais de séjour dans un EHPAD :
10. Les consorts A...soutiennent que le placement de M. A...en EHPAD est directement lié aux conséquences dommageables de l'infection nosocomiale qu'il a contractée en 2006 à l'hôpital Henri Mondor de Créteil dès lors que Mme A...qui prenait en charge son mari depuis sa sortie du centre de rééducation le 7 octobre 2006 est désormais, en raison de son âge, dans l'impossibilité de lui apporter l'aide adaptée à son état de santé. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que M. A...a quitté le centre de rééducation le 7 octobre 2006 et que si son retour à son domicile a dans un premier temps était difficile à organiser, son épouse a déclaré au Dr I...en juin 2007 que M. A..." continuait à faire des progrès, qu'il tombait moins souvent et qu'elle avait réussi à organiser les choses pour que la vie quotidienne soit relativement facile ". Dans ces conditions, et alors que les seules pièces médicales postérieures à 2007 mentionnées par l'expert concernent l'hospitalisation de M.A..., à l'âge de 78 ans, à la clinique des Tournelles du 30 juillet au 21 novembre 2015 et à l'issue de laquelle il a été placé dans un EHPAD, soit comme l'a relevé le tribunal neuf ans après l'épisode infectieux, le lien de causalité entre ce placement et les séquelles neurologiques résultant de l'infection nosocomiale ne revêt pas un caractère direct et certain. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas alloué d'indemnité au titre de ce chef de préjudice.
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire total :
11. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que M. A...a souffert d'un déficit fonctionnel temporaire total du 1er mars 2006 au 20 juin 2007 imputable aux conséquences dommageables de l'infection nosocomiale. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'indemnisation due à ce titre en l'évaluant à la somme de 6 360 euros.
S'agissant des souffrances endurées :
12. Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que le docteur B...a évalué les souffrances endurées par M. A...en raison de l'infection nosocomiale contractée lors de son hospitalisation au centre hospitalier Henri Mondor de Créteil à 4,5 sur une échelle de 7. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi par M. A...en lui allouant la somme de 10 500 euros.
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
13. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que le déficit fonctionnel permanent directement liée à l'infection nosocomiale dont est atteint M. A... a été fixé à 55%. Compte tenu de ce taux et de l'âge de M. A...à la date de consolidation fixée au 20 juin 2007, soit 69 ans, ce chef de préjudice doit être fixé à la somme de 84 500 euros.
S'agissant du préjudice d'agrément :
14. Si les consorts A...se prévalent, au titre du préjudice d'agrément qu'aurait subi M.A..., de ce que la gravité de ses séquelles neurologiques a conduit pour celui-ci à la disparition de toute forme de vie sociale et de toute forme d'activité, ces éléments ont toutefois été pris en considération au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent. Les consorts A...n'établissent pas que M. A...pratiquait une activité spécifique sportive ou de loisirs avant sa prise en charge par le centre hospitalier Henri Mondor de Créteil pendant laquelle il a contracté l'infection nosocomiale en cause. Dans ces conditions, les consorts A...ne justifiant pas que M. A...a subi un tel préjudice, c'est à juste titre que les premiers juges n'ont pas accordé d'indemnité à ce titre.
En ce qui concerne les préjudices de Mme G...A...et de Mme E...A... :
15. Il résulte du dossier de première instance transmis par le Tribunal administratif de Melun à la Cour que, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, les consorts A...avaient présenté, dans leur demande enregistrée au greffe du tribunal le 7 novembre 2013, des conclusions tendant à la condamnation de l'Office à verser à Mme G...A...la somme de 75 000 euros et à Mme E...A...la somme de 70 000 euros en réparation des préjudices qu'elles estimaient avoir subis du fait de l'infection nosocomiale contractée par M. A..., leur mari et père. Ainsi, les premiers juges ont pu, sans commettre d'erreur de droit, condamner l'ONIAM à indemniser Mme G...A...et Mme E...A... au titre de la solidarité nationale.
16. Il résulte de l'instruction qu'en raison des importantes séquelles neurologiques de son mari, caractérisées par un syndrome frontal majeur, Mme G...A...a subi un préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence, lié à l'accompagnement de son époux dans la vie quotidienne jusqu'à son placement en EHPAD intervenu le 2 novembre 2015, soit pendant neuf ans. Les premiers juges, qui ont précisément décrit les éléments constituant tant le préjudice d'affection que les troubles dans les conditions d'existence subis par Mme G...A...et qui n'étaient pas tenus d'accorder une indemnisation distincte pour chacun de ces préjudices ont fait une juste appréciation de ces préjudices en les évaluant à la somme globale de 6 000 euros.
17. Il résulte de l'instruction que Mme E...A..., qui résidait au domicile de ses parents et qui a donc vécu avec son père jusqu'à son départ dans un EHPAD le 2 novembre 2015, a subi un préjudice d'affection du fait des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par son père ainsi que des troubles dans les conditions d'existence. Les premiers juges ont fait une juste appréciation des préjudices, lesquels n'avaient pas à faire l'objet d'une indemnisation distincte, en allouant à Mme E...A...la somme globale de 4 000 euros.
18. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que les consorts A...sont seulement fondés à demander à ce que la somme de 494 245,78 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à M. A...par le jugement du 6 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun soit portée à la somme de 572 317,46 euros.
Sur l'action récursoire de l'ONIAM :
19. Aux termes de l'article L. 1142-21 du code de la santé publique : " Lorsqu'il résulte de la décision du juge que l'office indemnise la victime ou ses ayants droit au titre de l'article L. 1142-1-1, celui-ci ne peut exercer une action récursoire contre le professionnel, l'établissement de santé, le service ou l'organisme concerné ou son assureur, sauf en cas de faute établie à l'origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales. (...) ". En prévoyant, par les dispositions précitées, que l'ONIAM, condamné, en application de l'article L. 1142-1-1 du même code, à réparer les conséquences d'une infection nosocomiale ayant entraîné une incapacité permanente supérieure à 25 % ou le décès de la victime, peut exercer une action récursoire contre le professionnel, l'établissement de santé, le service ou l'organisme concerné ou son assureur " en cas de faute établie à l'origine du dommage ", le législateur n'a pas entendu exclure l'exercice de cette action lorsqu'une faute établie a entraîné la perte d'une chance d'éviter l'infection nosocomiale ou d'en limiter les conséquences.
20. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire, que l'hémothorax et le pneumothorax présentés par M. A...à la suite de sa chute ont nécessité le 1er janvier 2006 la pose d'un drain thoracique qui a rapidement présenté une infection au niveau du point de drainage. L'AP-HP soutient que cette infection a été prise en charge dès sa constatation par la mise en oeuvre d'un traitement antibiotique adapté associé à des soins locaux qui ont permis de la juguler rapidement bien avant la sortie du patient le 18 février 2006. Toutefois, le traitement antibiotique mis en place le 6 janvier 2006 a été arrêté le 10 janvier suivant. Si l'hémoculture du 9 janvier 2006 est restée stérile et la ponction du liquide pleural du 11 janvier 2006 était négative, M. A...a présenté des épisodes de fièvre dès le 12 janvier 2006. Le 15 janvier, l'hémoculture est revenue positive à Cocci gram. Le 20 janvier, M. A...était incohérent avec une température de 38° 3. Or, il ne résulte pas de l'instruction qu'un traitement antibiotique adapté ait été alors mis en place, l'expert estimant au contraire que le traitement de l'infection du drain thoracique n'a pas été conforme aux règles de l'art d'une part, en l'absence de stérilisation de l'orifice du drain à la sortie du patient malgré un écoulement persistant et d'autre part, comme il vient d'être dit, en l'absence d'antibiothérapie adaptée. Par ailleurs, si l'AP-HP soutient que le diagnostic d'empyème sous dural et d'abcès cérébraux a été posé dès la constatation des troubles de la marche et d'apathie de M.A..., il résulte toutefois de l'instruction, comme l'a relevé le tribunal, qu'aucun suivi post-opératoire n'a été mis en place lors de la sortie de l'hôpital de M. A...le 18 février 2006 alors que le contexte de poly traumatisme associé à un épisode infectieux thoracique aurait dû conduire à une surveillance attentive et régulière du patient ce qui aurait permis de déceler plus tôt l'infection cérébrale. Par suite, l'AP-HP n'est pas fondée à soutenir qu'aucune faute n'a été commise par l'hôpital Henri Mondor lors de la prise en charge de l'infection du drain thoracique de M.A....
21. L'AP-HP fait également valoir qu'en tout état de cause, les fautes commises par l'hôpital Henri Mondor ne sont pas à l'origine de l'infection nosocomiale contractée par M. A... dès lors que celui-ci présentait au moment du diagnostic d'empyème sous dural et d'abcès cérébraux un érysipèle de la jambe droite et une dermite bilatérale constitutifs d'une porte d'entrée à infection à staphylocoque. Il résulte toutefois de l'instruction que cette infection dermatologique n'est mentionnée dans le dossier médical de M. A...qu'à la date du 15 avril 2006 alors que l'intéressé avait déjà dû être opéré en urgence le 12 avril en raison de l'infection cérébrale qui préexistait ainsi à l'infection dermatologique. En revanche, l'expert judiciaire a estimé que s'il était possible que l'origine de l'infection nosocomiale contractée par M. A...soit directement cérébrale, elle résulterait le plus probablement d'une propagation de l'infection du drain thoracique au niveau cérébral.
22. L'ONIAM soutient qu'eu égard au caractère manifeste des fautes commises par l'hôpital, l'Assistance publique - hôpitaux de Paris doit le garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction qu'une conduite médicale différente aurait permis d'éviter toute propagation de l'infection du drain thoracique. En revanche, l'expert judiciaire estime que les fautes commises par l'hôpital Henri Mondor dans la prise en charge de l'infection thoracique ont entraîné une perte de chance de limiter les conséquences de l'infection cérébrale à l'origine des troubles neurologiques de M.A....
23. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont fixé à 75 % la perte de chance de limiter les séquelles neurologiques subies par M.A... imputable aux fautes commises par l'hôpital Henri Mondor lors de sa prise en charge. L'AP-HP fait valoir que la part retenue par les premiers juges des manquements qui lui sont imputés est excessive, la gravité des séquelles neurologiques étant imputable pour une très large part aux antécédents médicaux de M. A...et à son grave traumatisme crânien. L'ONIAM estime, au contraire, que cette part ne peut être inférieure à 80 %.
24. Il résulte de l'instruction que M. A...a été victime en 1986 d'une chute ayant provoqué un hématome sus dural droit qui a été évacué chirurgicalement et qu'il souffrait d'alcoolisme. Toutefois, et même si la bilatéralité des traumatismes crâniens comme c'est le cas chez M. A...est de moins bon pronostic, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que si le diagnostic d'empyème cérébral et des abcès intra-cérébraux avait été posé plus tôt, ce qui n'aurait été possible que si une surveillance médicale du patient avait été instaurée à sa sortie de l'hôpital Henri Mondor, ceux-ci auraient entraîné moins de lésions cérébrales et, par suite, moins de séquelles neurologiques pour M.A.... Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la chute de M. A...en 2007 aurait provoqué des lésions neurologiques. Au vu des circonstances de l'espèce, c'est à bon droit que le tribunal a évalué à 75 % la perte de chance de limiter les séquelles neurologiques subies par M. A...et a condamné l'AP-HP à verser à l'ONIAM la somme correspondant à cette fraction des préjudices imputables aux fautes commises par le centre hospitalier Henri Mondor de Créteil. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, la somme que l'AP-HP est condamnée à verser à l'ONIAM au titre de l'action récursoire formée par ce dernier doit être portée à la somme de 436 738,09 euros compte tenu de la somme totale mise à la charge de l'ONIAM qui s'élève à 582 317,46.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement aux consorts A...d'une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP le versement à l'ONIAM d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme que sollicite l'AP-HP au titre de ses frais d'instance, en tout état de cause, ni de mettre à la charge de l'AP-HP la somme que demande également la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne au titre de ces mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 494 245,78 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à M. A...par le jugement du 6 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun est portée à la somme de 572 317,46 euros.
Article 2 : La somme de 378 184,34 euros que l'AP-HP a été condamnée à verser à l'ONIAM par le jugement du 6 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun est portée à la somme de 436 738,09 euros.
Article 3 : Les articles 1 et 2 du jugement du 6 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun sont reformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'ONIAM versera aux consorts A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : L'AP-HP versera à l'ONIAM la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La requête n° 17PA03546 de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne est rejetée.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, à M. H...A..., Mme G... A..., à Mme E...A...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience du 14 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mars 2019.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
C. POVSE
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 17PA03546, 17PA03705, 17PA03824