Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 25 juillet 2018 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.
Par un jugement n° 1814911/2-2 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 novembre 2018 et 8 janvier 2019, appuyés de pièces complémentaires enregistrées au greffe de la Cour les 16 novembre 2018 et 31 mars 2019, Mme A..., représentée par Me Milich, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler le jugement n° 1814911/2-2 du 4 octobre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 25 juillet 2018 ;
4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 15 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de 10 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocate, Me Milich, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que le premier juge n'a pas mentionné son état de santé et qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :
- la décision contestée est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- contrairement à ce que soutient le préfet de police, les différents récépissés et attestations de demande d'asile qui lui ont été délivrés attestent du caractère régulier de son séjour au cours de la procédure de demande d'asile ;
- l'administration a refusé à plusieurs reprises d'enregistrer sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet de police était ainsi informé de son état de santé ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé nécessite la poursuite de soins médicaux en France dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pourra pas bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement et d'une prise en charge médicale appropriés à ses pathologies ; en outre, elle ne pourra pas effectivement accéder à un traitement et à un suivi en République démocratique du Congo en raison des coûts très élevés des soins, du manque de personnel et de moyens alloués pour une prise en charge médicale appropriée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la nécessité de poursuivre sa vie en France afin de bénéficier d'un suivi médical adapté ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 décembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 décembre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- et les observations de Me Milich, avocate de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité congolaise, relève appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 25 juillet 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 décembre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'elle soit admise à l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de police :
3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du ticket d'attente émis par la direction de l'immigration et de l'intégration en date du 6 janvier 2017, du ticket d'attente émis par la préfecture de police du 15 février 2018, de la convocation de Mme A...par les services de la préfecture de police fixée au 6 juin 2018 et du courrier en date du 30 juin 2018 rédigée par une assistante sociale de l'association La mie de pain, que Mme A...s'est présentée à plusieurs reprises en préfecture afin de déposer une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et que les services de la préfecture ont refusé d'enregistrer sa demande. Il ressort des termes de ce courrier du 30 juin 2018 que Mme A...a informé le préfet de police de sa situation personnelle et médicale. Toutefois, il ne ressort ni des termes de la décision contestée, ni des pièces du dossier que le préfet de police aurait pris en compte les éléments relatifs à la situation médicale de Mme A...avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen particulier et sérieux de sa situation.
5. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. L'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire n'implique pas, compte tenu de ses motifs, qu'il soit enjoint au préfet de police de délivrer à Mme A...une carte de séjour temporaire.
7. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) ". Compte tenu de ces dispositions, les conclusions de la requérante tendant à ce que lui soit délivrée une autorisation provisoire de séjour sont sans objet. En revanche, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Milich, avocate de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Milich de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions présentées par Mme A...tendant à ce qu'elle soit admise provisoirement à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement n° 1814911/2-2 du 4 octobre 2018 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 25 juillet 2018 du préfet de police sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Milich, avocate de Mme A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Milich renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Larsonnier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 avril 2019.
Le rapporteur,
V. LARSONNIERLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
6
N° 18PA03485