Vu la procédure suivante :
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 décembre 2017, la Fédération de la formation professionnelle (FFP), représentée par MeE..., demande à la Cour de réformer l'arrêté du 3 octobre 2017 fixant la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective des organismes de formation (1516) en tant qu'il reconnaît représentatif le Syndicat national des organismes de formation de l'économie sociale (Synofdes).
Elle soutient que :
- le Synofdes ne remplit pas le critère tiré de l'influence dès lors qu'il ne fait la preuve d'aucune activité ni expérience dans la branche ; il ne participe à aucune commission paritaire de la branche et n'a pas adhéré aux nombreux accords signés depuis sa création ; il n'a adhéré à la convention collective que le 4 décembre 2017, soit postérieurement à la reconnaissance de sa représentativité ; le Synofdes ne couvre pas l'ensemble de la branche puisqu'il n'a vocation à promouvoir que les activités des organismes de formation de l'économie sociale et solidaire ; sa finalité est politique et non syndicale, en violation de l'article L. 2131-1 du code du travail ;
- le Synofdes jouit d'une très faible audience puisqu'il ne représente que 79 entreprises adhérentes employant 4196 salariés ;
- il n'est pas démontré que le Synofdes bénéficie d'une implantation territoriale équilibrée.
Par un mémoire enregistré le 8 août 2018, le Synofdes représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la FFP à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'adhésion à la convention collective nationale ne figure pas parmi les critères légaux de représentativité et n'est pas un critère de l'influence dans la branche ;
- pour justifier de son influence, il a produit les preuves de ses actions dans son dossier de candidature à la représentativité ;
- ses statuts démontrent que son objet concerne l'ensemble des structures de formation ;
- son influence est établie par le nombre de ses adhérents qui représentent 15 % des entreprises de la branche ;
- il a une finalité syndicale qui peut passer par des actions auprès des acteurs politiques ;
- il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir participé aux instances paritaires de la branche avant d'être reconnu représentatif ;
- il bénéficie d'une implantation territoriale équilibrée sur l'ensemble du territoire.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 décembre 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- il ne saurait être reproché au Synofdes de ne pas avoir participé aux instances paritaires de la branche dès lors qu'avant la réforme de la représentativité prévalait le principe de la reconnaissance mutuelle ;
- l'absence d'adhésion à la convention collective des organismes de formation ne suffit pas à caractériser l'absence d'influence du Synofdes ;
- les pièces fournies par ce dernier dans le cadre de sa candidature sont nombreuses et témoignent d'une activité dans le champ du secteur considéré tant auprès de ses adhérents que des pouvoirs publics ;
- les statuts du Synofdes établissent qu'il a une vocation syndicale qui ne se limite pas aux seules entreprises du secteur de l'économie sociale et solidaire ;
- l'audience est mesurée uniquement au regard du nombre d'entreprises adhérentes ou des salariés des entreprises adhérentes de la branche ;
- le Synofdes, qui est présent dans 35 départements et 13 régions métropolitaines, justifie d'une implantation territoriale équilibrée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public,
- les observations de Me A...B...pour la FFPet Me C... pour le Synofdes.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 3 octobre 2017, la ministre du travail a fixé la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des organismes de formation (1516). Cet arrêté reconnaît en son article 1er la Fédération de la formation professionnelle (FFP) et le Syndicat des organismes de formation de l'économie sociale (Synofdes) représentatifs dans cette convention collective. Il fixe en son article 2, pour l'opposition à l'extension des accords collectifs prévue à l'article L. 2261-19 du code du travail, le poids respectif de ces deux organisations professionnelles, soit 81,76 % pour la FFP et 18,24 % pour le Synofdes. La FFP demande à la Cour l'annulation de cet arrêté en tant qu'il reconnaît représentatif le Synofdes.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 2151-1 du code du travail : " I.- La représentativité des organisations professionnelles d'employeurs est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : 1° Le respect des valeurs républicaines ; 2° L'indépendance ; 3° La transparence financière ;
4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; 5° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; 6° L'audience, qui se mesure en fonction du nombre d'entreprises volontairement adhérentes ou de leurs salariés soumis au régime français de sécurité sociale et, selon les niveaux de négociation, en application du 3° des articles L. 2152-1 ou L. 2152-4. ". Aux termes de l'article L. 2152-1 du même code : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations professionnelles d'employeurs : 1° Qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 2151-1 ;2° Qui disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; 3° Dont les entreprises et les organisations adhérentes à jour de leur cotisation représentent soit au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d'employeurs de la branche satisfaisant aux critères mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 2151-1 et ayant fait la déclaration de candidature prévue à l'article L. 2152-5, soit au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises. Le nombre d'entreprises adhérant à ces organisations ainsi que le nombre de leurs salariés sont attestés, pour chacune d'elles, par un commissaire aux comptes, qui peut être celui de l'organisation, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. ". L'article L. 2152-6 dudit code dispose que : " Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel ou multi-professionnel. A cette fin, il vérifie que les critères définis au présent chapitre sont respectés et s'assure notamment que le montant des cotisations versées par les entreprises et, le cas échéant, les organisations professionnelles adhérentes est de nature à établir la réalité de leur adhésion. ". Aux termes de l'article R. 2152-2 du même code : " Sont également prises en compte comme entreprises adhérentes celles qui, selon les modalités fixées par une délibération de l'organe compétent de l'organisation ou de la structure territoriale statutaire de cette organisation, s'acquittent d'une cotisation dont le montant est réduit, pour tenir compte d'une adhésion en cours d'année ou de tout autre motif prévu par la délibération précitée, sous réserve que cette réduction n'excède pas de moitié la cotisation due en application des règles mentionnées à l'article R. 2152-1. ". Aux termes de l'article R. 2152-6 du même code : " Le commissaire aux comptes atteste le nombre par département d'entreprises adhérentes de l'organisation professionnelle d'employeurs candidate à l'établissement de sa représentativité, le nombre par département de celles de ces entreprises qui emploient au moins un salarié ainsi que le nombre de salariés employés par ces mêmes entreprises, appréciés conformément aux dispositions de la présente section et des sections 2 et 3 du présent chapitre. Il dispose pour cela d'un accès à des données agrégées non nominatives issues des déclarations sociales des entreprises mentionnées à l'article L. 2122-10-3. Les règles prises en compte en matière de cotisations et définies conformément aux dispositions des articles R. 2152-1 et R. 2152-2 sont jointes à ces attestations. L'attestation du commissaire aux comptes est accompagnée d'une fiche de synthèse dont le modèle est arrêté par le ministre chargé du travail. ". Enfin, aux termes de l'article R. 2152-7 du même code : " Le respect du critère de l'audience défini au 6° de l'article L. 2151-1 est apprécié par le ministre chargé du travail qui s'assure que le montant de la cotisation versée est de nature à établir la réalité de leur adhésion. ".
3. La FFP soutient, en premier lieu, que le Synofdes, qui ne couvre pas l'ensemble de la branche puisqu'il n'a vocation à promouvoir que les activités des organismes de formation de l'économie sociale et solidaire, ne remplit pas le critère tiré de l'influence dès lors qu'il ne fait la preuve d'aucune activité ni expérience dans la branche, ne participant à aucune commission paritaire et n'ayant adhéré à la convention collective que le 4 décembre 2017, soit postérieurement à la reconnaissance de sa représentativité. Toutefois, il ressort, d'une part, des statuts du Synofdes que celui-ci " regroupe des employeurs agissant dans le champ de la formation professionnelle en s'appuyant sur la reconnaissance de la formation tout au long et la vie et trouvant, notamment son socle dans les valeurs de l'économie sociale et solidaire " et qu'il a pour objet " la représentation et la défense des intérêts collectifs professionnels, moraux et économiques, sociaux et juridiques des personnes morales exerçant d'une façon habituelle une activité de formation et/ou de fourniture de prestations de services associés à la formation, ainsi que la promotion et le développement de la formation ". D'autre part, ni l'adhésion à la convention collective nationale de la branche ni la participation à un organisme paritaire de branche ne constituent une condition préalable à la candidature des organisations professionnelles à la représentativité. Par ailleurs, il ressort des pièces produites devant la Cour par le Synofdes que celui-ci justifie de son expérience et d'actions diverses auprès de ses adhérents et du public à travers la participation à des rencontres régionales, table-ronde et conférence débat entre 2009 et 2013, des échanges de courriers avec des responsables politiques, administratifs ou syndicaux, une audition par une mission parlementaire en 2013 et de nombreux communiqués de presse publiés entre 2008 et 2010. Enfin, si pour contester l'influence du Synfodes, la FFP soutient que sa finalité est d'ordre politique et non syndicale, il résulte tant de l'objet social de ce syndicat que de son action, tels que rappelés ci-dessus, que cette argumentation ne saurait être retenue. Ainsi, le Synofdes doit être regardé comme remplissant le critère de représentativité tiré de l'influence et le moyen doit être écarté.
4. Si la FFP soutient, en deuxième lieu, que le Synofdes jouit d'une très faible audience puisqu'il ne représente que 79 entreprises adhérentes, employant 4 196 salariés, il ne conteste pas que ce syndicat représente au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d'employeurs de la branche ou au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises, dans le respect des dispositions précitées de l'article L. 2152-1 du code du travail. Ce moyen ne pourra qu'être écarté.
5. La FFP soutient, en troisième lieu, qu'il n'est pas démontré que le Synofdes bénéficie d'une implantation territoriale équilibrée, en violation des dispositions de l'article L. 2152-1 2° du code du travail. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ce syndicat est présent dans
35 départements et 13 régions métropolitaines. Il doit en conséquence être regardé comme justifiant d'une implantation équilibrée sur le territoire, de sorte que le moyen ne peut qu'être également écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la FFP n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2017 par lequel la ministre du travail a fixé la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale des organismes de formation.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la FFP une somme de 1 500 euros à verser au Synofdes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la FFP est rejetée.
Article 2 : La FFP versera au Synofdes une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération de la formation professionnelle, au Syndicat des organismes de formation de l'économie sociale et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 avril 2019.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERTLa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03765