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04/07/2019 | FRANCE | N°17PA01365

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 04 juillet 2019, 17PA01365


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Tahiti Solaire a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n° 2179 CM du 24 décembre 2015 fixant le montant des redevances annuelles de comptage de l'électricité solaire photovoltaïque injectée sur le réseau public de distribution.

Par un jugement n° 1600093 du 24 janvier 2017, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 avr

il 2017, 23 février 2018 et 27 juin 2018, la SARL Tahiti Solaire, représentée par Me A..., demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Tahiti Solaire a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n° 2179 CM du 24 décembre 2015 fixant le montant des redevances annuelles de comptage de l'électricité solaire photovoltaïque injectée sur le réseau public de distribution.

Par un jugement n° 1600093 du 24 janvier 2017, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 avril 2017, 23 février 2018 et 27 juin 2018, la SARL Tahiti Solaire, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600093 du 24 janvier 2017 du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté n° 2179 CM du 24 décembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 360 000 F CFP (2 514 euros) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était recevable ;

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de ce qu'en application de l'arrêté contesté et de l'avenant n° 17 à la convention de concession de distribution publique d'énergie électrique de Tahiti, les producteurs d'énergie photovoltaïque devront s'acquitter deux fois des mêmes frais de gestion, de maintenance et d'exploitation des réseaux de distribution ;

- en mentionnant " le réseau public de distribution " au singulier, l'arrêté en litige est " juridiquement en discordance " avec la loi du pays n° 2013-27 du 23 décembre 2013 relative aux principes directeurs de la politique énergétique de la Polynésie française qui mentionne une pluralité de réseaux ; c'est à tort que les premiers juges ont refusé de reconnaître " les implications juridiques des définitions juridiques données par la réglementation quant à leur champ d'application " ; en outre, la Polynésie française commet une erreur de droit en ne retenant comme distributeur que la seule société Electricité de Tahiti (EDT) ;

- la Polynésie française a reconnu que le calcul de la redevance en cause a été élaboré sur le seul fondement des coûts de la société EDT, concessionnaire du réseau de distribution de Tahiti Nord, sans prendre en considération les autres concessions de distribution ;

- l'assiette de la redevance en cause prévue par l'arrêté contesté est plus large que celle prévue initialement par l'arrêté n° 2128 CM du 23 novembre 2010 auquel est annexé le contrat de raccordement, d'accès et d'exploitation (CRAE), ce qui caractérise une contradiction entre deux textes de même valeur juridique ; des " frais de mise en oeuvre des procédures de sécurité supplémentaires nécessitée par le raccordement de l'installation de production au réseau public d'électricité " sont désormais inclus sans qu'aucune précision ne soit apportée ;

- l'imprécision de l'expression " réseau public d'électricité " mentionnée à l'article 1er de l'arrêté contesté conduit à ce que deux assiettes différentes puissent être envisagées pour une même redevance ; l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la norme juridique est ainsi méconnu ;

- le système mis en place a pour conséquence d'imposer des redevances aux seuls producteurs d'électricité solaire photovoltaïque, ce qui crée une discrimination entre les producteurs des différentes énergies renouvelables ; cette discrimination est contraire aux objectifs fixés par la loi du pays du 23 décembre 2013 ;

- le système induit également une inégalité entre les producteurs d'électricité photovoltaïque dès lors que les petits producteurs d'énergie photovoltaïque qui produisent moins de 10kWc ne sont pas assujettis à la redevance en cause, alors que le tarif doit être établi selon des critères objectifs et rationnels respectant le principe d'égalité entre les producteurs d'électricité solaire et les règles de la concurrence et que le montant de la redevance doit correspondre à la valeur de la prestation ou du service sans pouvoir excéder le coût de la prestation fournie ;

- le tribunal a commis une erreur de droit dès lors qu'il s'est référé à l'article 10 du contrat de raccordement, d'accès et d'exploitation (CRAE) et non au chapitre 10 et qu'il a mentionné que le CRAE était annexé à l'arrêté du 23 novembre 2010 alors qu'il était annexé à l'arrêté du 29 avril 2010 ;

- il ressort de l'avenant n° 17 à la convention de concession de distribution publique d'énergie électrique de Tahiti et de l'arrêté contesté que les producteurs d'énergie photovoltaïque s'acquitteront à deux reprises des mêmes frais portant sur la gestion, la maintenance et l'exploitation des réseaux de distribution de l'énergie photovoltaïque ; les premiers juges n'ont pas précisé s'il s'agissait de l'injection ou du transport de l'énergie photovoltaïque sur le réseau de distribution concerné ; le concessionnaire EDT et la Polynésie française ne justifient pas des frais de gestion de manière détaillée ;

- l'administration a méconnu le principe de sécurité juridique dès lors que les investisseurs ont dû attendre six ans pour connaître le montant de la redevance sans que l'assiette de cette dernière ne soit précisément déterminée et alors que les producteurs d'énergie photovoltaïque s'acquitteront doublement des frais portant sur la gestion, la maintenance et l'exploitation des réseaux de distribution de l'énergie photovoltaïque ; les conditions d'investissement ont été modifiées rendant l'opération plus coûteuse pour les investisseurs ; le gouvernement de la Polynésie française n'a pas pris dans les délais raisonnables les mesures qu'impliquait le CRAE.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2017, la société Electricité de Tahiti, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Tahiti Solaire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SARL Tahiti Solaire ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2018, la Polynésie française, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 1 500 euros soit mis à la charge de la SARL Tahiti Solaire au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SARL Tahiti Solaire ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 13 décembre 2018, la société Electricité de Tahiti maintient ses conclusions et ses moyens.

Elle demande, en outre, à la Cour, si celle-ci devait prononcer l'annulation totale de l'arrêté en litige, d'enjoindre à la Polynésie française d'adopter dans un délai de six mois une réglementation conforme au principe d'égalité entre les usagers du service public et de différer dans le temps les effets de l'annulation de l'arrêté litigieux à la date ainsi impartie à la Polynésie française en application de la jurisprudence AC ! du Conseil d'Etat.

Elle soutient, en outre, que :

- l'exonération des petits producteurs est justifiée par leur grand nombre et permet d'éviter d'établir mensuellement 1 727 factures de redevances d'un montant inférieur à 700 F CFP dont la majorité est d'ailleurs d'un montant inférieur à 210 F CFP ( moins de 2 euros) et dont les frais de gestion seraient difficilement couverts par le montant des redevances encaissées ;

- en tout état de cause, l'annulation de l'arrêté en litige ne serait être totale dès lors que le principe de la redevance et son montant ne sont pas contestés ; dans le cas contraire, elle serait contrainte de rembourser les redevances encaissées depuis 2016.

Par un mémoire, enregistré le 3 mai 2019, la SARL Tahiti Solaire, représentée par Me A..., persiste dans ses conclusions et dans ses moyens.

Elle soutient, en outre, que l'annulation de l'arrêté en cause n'emporte pas des conséquences manifestement excessives de nature à justifier l'application de la jurisprudence AC ! du Conseil d'Etat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la loi du pays n° 2013-27 du 23 décembre 2013 ;

- l'arrêté n° 606 CM du 29 avril 2010 ;

- l'arrêté n° 2128 CM du 23 novembre 2010 ;

- le code du commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Tahiti Solaire relève appel du jugement du 24 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2179 CM du 24 décembre 2015 fixant le montant des redevances annuelles de comptage de l'électricité solaire photovoltaïque injectée sur le réseau public de distribution.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2179 CM du 24 décembre 2015 :

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Par un arrêté n° 606 CM du 29 avril 2010 fixant les conditions techniques, administratives, commerciales et financières des raccordements et de l'achat de l'électricité solaire photovoltaïque, modifié par un arrêté n° 2128 CM du 23 novembre 2010, la Polynésie française a établi un modèle de contrat de raccordement, d'accès et d'exploitation (CRAE) d'une installation de production d'énergie électrique photovoltaïque. Il ressort de ce document annexé à ces arrêtés, en particulier de ses chapitres 10 et 25 qu'une " composante annuelle de comptage est mise à la charge du Producteur " d'électricité photovoltaïque en contrepartie notamment de la fourniture et de la location, par le distributeur en sa qualité de gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité, des appareils de mesure et de contrôle des caractéristiques de l'injection de l'électricité audit réseau et se décomposant en une redevance annuelle de location et d'entretien, une redevance annuelle de contrôle, une redevance annuelle de relève et une redevance annuelle de profilage. Une composante annuelle de gestion du contrat d'accès aux réseaux couvrant les coûts de la gestion du dossier, l'accueil physique et téléphonique, la facturation et le recouvrement était également prévue par ces stipulations.

3. Par un arrêté n° 2179 CM du 24 décembre 2015 en litige, la Polynésie française a, par l'article 1er de cet arrêté, prévu que la redevance de comptage et de gestion susmentionnée inclurait également des " frais de mise en oeuvre des procédures de sécurité supplémentaires nécessitée par le raccordement de l'installation de production au réseau public d'électricité " et que serait redevable de la redevance " tout producteur d'électricité solaire photovoltaïque dont l'installation de production d'une puissance supérieure à 10kWc, est raccordée au réseau public de distribution électrique ". L'article 3 de l'arrêté prévoit que " la redevance est assise sur la puissance photovoltaïque totale indiquée en kWc au sein du contrat de raccordement de l'installation de production. Est considérée comme une seule et même installation, tout ensemble de production photovoltaïque disposant du même compteur d'injection ". Enfin, l'article 4 de cet arrêté prévoit un tarif commun à toutes les installations dont la puissance photovoltaïque est supérieure à 10 kWc et fixé à 70 F CFP par kWc.

4. Pour être légalement établie, une redevance pour service rendu doit essentiellement trouver une contrepartie directe dans la prestation fournie par le service et, par conséquent, doit correspondre à la valeur de la prestation ou du service. Si l'objet du paiement que l'administration peut réclamer à ce titre est en principe de couvrir les charges du service public, il n'en résulte pas nécessairement que le montant de la redevance ne puisse excéder le coût de la prestation fournie. Il s'ensuit que le respect de la règle d'équivalence entre le tarif d'une redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier, mais aussi, en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire. Dans tous les cas, le tarif doit être établi selon des critères objectifs et rationnels, dans le respect du principe d'égalité entre les usagers du service public et les règles de la concurrence.

5. La fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d'usagers d'un service public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service ou de l'ouvrage commande cette mesure. Elle suppose, dans l'un comme l'autre cas, que la différence de tarifs ainsi instituée ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des circonstances ou des objectifs qui la motivent.

6. Il ressort de l'article 4 de l'arrêté du 24 décembre 2015 que la Polynésie française a décidé, comme il a déjà été dit, que les producteurs d'énergie photovoltaïque dont les installations de production, raccordées au réseau public de distribution électrique, possédaient une puissance inférieure ou égale à 10kWc n'étaient pas redevables de la redevance en cause. La Polynésie française et la société Electricité de Tahiti soutiennent que cette différence de traitement est justifiée par la circonstance que les frais de gestion et de recouvrement de la redevance en cause auprès des 1 727 producteurs dont les installations de production ont une puissance inférieure ou égale à 10kWc seraient difficilement couverts par le montant de la redevance encaissée qui serait inférieur dans la majorité des cas à 210 F CFP (soit moins de deux euros). Toutefois, ainsi que le soutient, sans être contredite, la société requérante, l'exonération en cause concerne 80 % des producteurs d'électricité voltaïque alors que ces petits producteurs sont ceux qui occasionnent le plus de charges de gestion et de frais de comptage. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que la différence de tarifs ainsi instituée entre les producteurs d'énergie photovoltaïque, qui ne correspond pas à la valeur de la prestation ou du service, est manifestement disproportionnée. Cette disproportion ne peut se justifier par la circonstance que les frais de gestion et de recouvrement de la redevance en cause auprès des 1 727 producteurs dont les installations de production ont une puissance inférieure ou égale à 10kWc seraient difficilement couverts par le montant de la redevance mensuelle encaissée, dès lors que cette circonstance ne résulte pas des différences de situations objectives dans lesquelles se trouveraient les différents producteurs ni d'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service mais est la seule conséquence des modalités de calcul et de perception de la redevance instituée par l'arrêté attaqué. L'exonération dont s'agit a nécessairement pour effet de se répercuter sur les autres catégories d'usagers, et, en conséquence, affecte la légalité de l'ensemble de la redevance.

7. Il y a lieu, par la voie de l'effet dévolutif, d'examiner les fins de non recevoir opposées en première instance à la demande de la SARL Tahiti Solaire.

En ce qui concerne les fins de non recevoir opposées en première instance :

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'extrait Kbis d'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés du 17 janvier 2014, que la SARL Tahiti Solaire exerce une activité de production industrielle d'électricité. Elle justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté n° 2179 CM du 24 décembre 2015 fixant le montant des redevances annuelles de comptage de l'électricité solaire photovoltaïque injectée sur le réseau public de distribution.

9. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 223-18 du code de commerce applicable aux sociétés à responsabilité limitée, en vertu desquelles le ou les gérants sont investis des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société et représentent celle-ci dans ses rapports avec les tiers, que ces personnes ont de plein droit qualité pour agir en justice au nom de la société.

10. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la demande dont était saisi le tribunal administratif de la Polynésie française était signée par l'avocat mandaté par la société requérante et que cette demande était présentée pour la société à responsabilité limitée Tahiti Solaire représentée par ses gérants M. B...et M.C..., cette qualité étant attestée par l'extrait Kbis et les statuts de la société produits au dossier. Il s'ensuit que M. B... et M. C...avaient qualité pour agir en justice au nom de la SARL Tahiti Solaire.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". Ce délai est un délai franc.

12. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté n° 2179 CM du 24 décembre 2015 a été publié au Journal officiel de la Polynésie française du 31 décembre 2015. La SARL Tahiti Solaire disposait d'un délai franc de deux mois à compter de cette date pour saisir le tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande à fin d'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2015. Le délai de recours contentieux expirant donc le 1er mars 2016 à minuit, la demande de la SARL Tahiti Solaire, enregistrée au greffe du tribunal le 1er mars 2016, n'était pas tardive.

13. Enfin, la société Electricité de Tahiti soutient que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté n° 2179 CM du 24 décembre 2015 sont irrecevables pour tardiveté dès lors que l'arrêté n° 2128 CM du 23 novembre 2010 posant le principe de la redevance en cause est devenu définitif. Toutefois, il ressort des termes de l'arrêté n° 2179 CM du 24 décembre 2015 en litige que celui-ci a notamment pour objet de fixer le tarif de cette redevance dont la société requérante sera redevable. Cet arrêté pouvait ainsi faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir dans le délai de recours contentieux. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société Electricité de Tahiti doit être écartée.

14. Il résulte des points 8 à 13 du présent arrêt que les fins de non-recevoir opposées par la société Electricité de Tahiti et la Polynésie française et tirées de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté n° 2179 CM du 24 décembre 2015 doivent être écartées.

15. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SARL Tahiti Solaire est fondée à soutenir, pour les motifs exposés aux points 4 à 6 du présent arrêt, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. En conséquence, le jugement attaqué ainsi que l'arrêté n° 2179 CM du 24 décembre 2015 de la Polynésie française, dont les dispositions de son article 4 ne sont pas divisibles, doivent être annulés.

Sur la modulation dans le temps des effets de la décision d'annulation :

16. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation, ou, lorsqu'il a décidé de surseoir à statuer sur cette question, dans sa décision relative aux effets de cette annulation, que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l'annulation contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.

17. Si la société Electricité de Tahiti fait valoir que l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2015 de la Polynésie française priverait de base légale les factures qu'elle a émises et la redevance en cause qu'elle a perçue depuis 2016, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'effet rétroactif de l'annulation de cet arrêté comporterait des effets manifestement excessifs pour la société Electricité de Tahiti. Les conclusions de la société Electricité de Tahiti tendant à ce que les effets de l'annulation soient modulés dans le temps doivent donc être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Electricité de Tahiti :

18. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution particulière. Par suite, les conclusions présentées par la société Electricité de Tahiti tendant à ce qu'il soit enjoint à la Polynésie française d'édicter un nouvel arrêté fixant les tarifs de la redevance en cause conformément aux motifs du présent arrêt dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SARL Tahiti Solaire, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, verse à la Polynésie française et à la société Electricité de Tahiti les sommes qu'elles demandent au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 1 500 euros à la SARL Tahiti Solaire, au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600093 du 24 janvier 2017 du tribunal administratif de la Polynésie française et l'arrêté n° 2179 CM du 24 décembre 2015 sont annulés.

Article 2 : La Polynésie française versera à la SARL Tahiti Solaire la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Tahiti Solaire, à la Polynésie française et à la société Electricité de Tahiti.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

C. POVSELa République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

9

N° 17PA01365


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01365
Date de la décision : 04/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-05-01-015 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Redevances dues au concessionnaire.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELARL JURISPOL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-07-04;17pa01365 ?
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