Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
Par une ordonnance n°1805429/3-1 du 10 avril 2018, la présidente de la 3ème section du Tribunal administratif de Paris a transmis, en application de l'article R. 351-3 1° du code de justice administrative, la requête du Syndicat UNSA OPH à la Cour administrative d'appel de Paris.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 18PA01228, le 5 avril 2018, le Syndicat UNSA OPH représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 6 février 2018 de la ministre du travail fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale du personnel des offices publics de l'habitat (IDCC n°3220) ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la ministre du travail n'était pas compétente pour prendre la décision litigieuse qui n'est pas un arrêté au sens de l'article L. 2122-11 du code du travail mais une simple décision ;
- cette décision n'est pas motivée, en violation de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- l'article L. 2121-2 du code du travail visé par la décision litigieuse permet à l'administration de diligenter une enquête pour déterminer la représentativité d'un syndicat ou d'une organisation professionnelle et non pour arrêter la liste des organisations syndicales représentatives au niveau d'une branche ;
- cette décision est manifestement entachée d'un détournement de pouvoir ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que la ministre ne pouvait déterminer les organisations syndicales représentatives en fonction d'audiences mesurées préalablement à la constitution de la branche ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que la ministre ne pouvait déterminer les organisations syndicales représentatives dans la branche, sans prise en compte des résultats des élections professionnelles dans la fonction publique ;
- ayant négocié et conclu la convention collective nationale des offices publics de l'habitat du 6 avril 2017 et étant encore partie à l'accord de méthode pour la poursuite des négociations de branche, il est une organisation syndicale représentative et à défaut d'une mesure d'audience possible, il ne pouvait être exclu de la liste des organisations syndicales représentatives dans cette convention.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 18PA01416, le 26 avril 2018 et un mémoire enregistré le 13 juin 2019, le Syndicat national de l'urbanisme de l'habitat et des administrateurs de biens (SNUHAB-CFE-CGC), le Syndicat national des territoriaux (SNT-CFE-CGC) et la Confédération française de l'encadrement, Confédération générale des cadres (CFE-CGC), représentés par MeB..., demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) avant dire droit, d'enjoindre à la ministre du travail de produire tous les documents relatifs à l'élaboration de la décision du 6 février 2018 de la ministre du travail fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale du personnel des offices publics de l'habitat (IDCC n° 3220), et notamment l'enquête à laquelle l'arrêté fait référence, la présentation au Haut conseil au dialogue social (HCDS) du 25 octobre 2017 des résultats de la mesure d'audience effectuée dans la branche, l'avis rendu le 22 novembre 2017 par le HCDS, la lettre du 27 juin 2017 signée par la Fédération nationale des offices publics de l'habitat, Interco CFDT, la Fédération CGT des services publics et la Fédération des services publics et des services de santé Force Ouvrière ainsi que toutes les données relatives au scrutin qui ont été utilisées aux fins de fixer la représentativité des organisations syndicales en précisant les voix propres à chaque type d'agent (privé ou de droit public) et à chaque collège électoral mis en place dans chacun des offices publics de l'habitat ;
2°) d'annuler la décision du 6 février 2018 de la ministre du travail fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale du personnel des offices publics de l'habitat (IDCC n° 3220) ;
3°) de condamner l'Etat à verser à chacun des requérants la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée est entachée d'une incompétence de son signataire, M. C... ;
- la Cour est compétente pour statuer sur son recours ;
- la CFE-CGC ayant été reconnue représentative au niveau national, les syndicats qui lui sont affiliés doivent être reconnus représentatifs pendant quatre ans au niveau de la branche ;
- faute de motivation de la décision litigieuse, ils sont dans l'ignorance des critères de représentativité non remplis ;
- il semble que certains offices publics n'ont pas été comptabilisés dans la collecte des résultats électoraux et il pourrait y avoir eu double décompte pour des OPH ayant fusionné ou disparu entre les différents cycles électoraux ;
- la décision est illégale faute de prise en compte des dernières élections ;
- la mesure d'audience n'a pas respecté l'article L. 2122-7 du code du travail qui distingue les résultats dans les deuxième et troisième collèges ;
- la décision ne vise pas les dispositions des articles L. 2122-2 et L. 2122-7 du code du travail spécifiques aux syndicats catégoriels ;
- dès le 27 juin 2017, la ministre du travail avait décidé de ne reconnaître représentatives que la CFDT, la CGT et la CGT-FO sans avoir recueilli l'avis du HCDS qui n'a été rendu que cinq mois plus tard.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ;
- la loi n° 2010-1215 du 15 octobre 2010 complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour le Syndicat UNSA OPH ainsi que celles de Me B...pour le SNUHAB- CFE-CGC, le SNT-CFE-CGC et la CFE-CGC.
Une note en délibéré a été enregistrée le 2 juillet 2019 dans les deux requêtes pour la ministre du travail.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées sont dirigées contre une même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
2. Le syndicat UNSA OPH, le syndicat national de l'urbanisme de l'habitat et des administrateurs de biens (SNUHAB- CFE-CGC), le syndicat national des territoriaux (SNT-CFE-CGC) et la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) demandent à la Cour d'annuler la décision du 6 février 2018 de la ministre du travail fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale du personnel des offices publics de l'habitat (IDCC n° 3220).
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 6 février 2018 de la ministre du travail :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 2121-1 du code du travail issu de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 : " La représentativité des organisations syndicales est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : (...) 5° L'audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-5, dans sa rédaction issue de la loi n°2010-1215 du 15 octobre 2010 applicable au litige : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui : 1° Satisfont aux critères de l'article
L. 2121-1 ; (...) 3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part, des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants, et, d'autre part, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. ". Aux termes de l'article L. 2122-11 du même code : " Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-10. ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2121-2 du code du travail : " S'il y a lieu de déterminer la représentativité d'un syndicat ou d'une organisation professionnelle autre que ceux affiliés à l'une des organisations représentatives au niveau national, l'autorité administrative diligente une enquête. L'organisation intéressée fournit les éléments d'appréciation dont elle dispose. ".
5. Le syndicat UNSA OPH soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'article L. 2121-2 du code du travail visé par la décision litigieuse ne permet pas à l'administration d'arrêter la liste des organisations syndicales représentatives au niveau d'une branche et que la ministre ne pouvait déterminer cette liste en fonction d'audiences mesurées préalablement à la constitution de la branche.
6. Il ressort de l'acte attaqué, qui est une décision prise sur le fondement de l'article L. 2121-2 du code du travail et non l'arrêté prévu par les dispositions de l'article L. 2122-11 dudit code, qu'elle mentionne que la branche du personnel des offices publics de l'habitat du personnel ayant été constituée postérieurement à la clôture du cycle du cycle électoral
2013-2016, " la ministre a été amenée à diligenter une enquête afin de déterminer la représentativité des différentes organisations syndicales de la branche. Cette enquête a permis d'établir que la CFDT, la CGT et la CGT-FO recueillaient plus de 8% des suffrages valablement exprimés dans la branche et respectaient par ailleurs les autres critères de représentativité ". Toutefois, la ministre du travail ne pouvait, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2121-2 du code du travail, déterminer la représentativité des organisations syndicales dans le champ d'une branche, même constituée postérieurement à la dernière mesure d'audience, dès lors que les modalités de cette détermination sont régies, depuis la réforme de la représentativité syndicale issue de la loi du 20 août 2008, par les dispositions précitées des articles L. 2122-5 et L. 2122-11 du code du travail. Par suite, les syndicats requérants sont fondés à soutenir que la ministre du travail a entaché sa décision d'une erreur de droit. Il y a lieu, en conséquence et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens des requêtes ni d'ordonner avant dire droit la production de divers documents, d'annuler la décision attaquée.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros à verser au Syndicat UNSA OPH et une somme de 2 000 euros à verser au SNUHAB - CFE-CGC, au SNT - CFE-CGC et à la CFE-CGC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 6 février 2018 de la ministre du travail fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans la convention collective nationale du personnel des offices publics de l'habitat (IDCC n° 3220) est annulée.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros au Syndicat UNSA OPH et une somme de 2 000 euros au SNUHAB - CFE-CGC, au SNT - CFE-CGC et à la CFE-CGC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat UNSA OPH, au Syndicat national de l'urbanisme de l'habitat et des administrateurs de biens (SNUHAB) - CFE-CGC, au Syndicat national des territoriaux (SNT) - CFE-CGC, à la Confédération française de l'encadrement, Confédération générale des cadres (CFE-CGC) et à la ministre chargée du travail.
Copie en sera adressée à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), la confédération générale du travail (CGT) et la Confédération générale du travail Force ouvrière (CGT-FO).
Délibéré après l'audience du 24 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 juillet 2019.
La rapporteure,
M. JULLIARDLa présidente,
M. HEERS
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de la justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA01228, 18PA01416 2