Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner le centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie Gaston Bourret à lui verser la somme de 14 334 661 francs CFP (120 124,50 euros) en réparation des préjudices subis du fait des fautes commises lors de sa prise en charge, d'ordonner l'exécution provisoire du jugement et de mettre les dépens à la charge du centre hospitalier territorial.
Par un jugement n° 1800337 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a condamné le centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie Gaston Bourret à verser la somme 2 350 000 francs CFP à M. D..., a mis à la charge définitive du centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie Gaston Bourret les dépens, et notamment les frais d'expertise arrêtés à la somme de 1 600 euros, et a rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 mai et 27 septembre 2019, complétés par un mémoire de production de pièces enregistrés le 12 septembre 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1800337 du 28 mars 2019 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner le centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie Gaston Bourret à lui verser la somme totale de 95 575 euros en réparation des préjudices qu'il a subis, soit 1 300 euros au titre des frais divers, 49 920 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels, 44 355 euros au titre de l'incidence professionnelle ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il établit avoir versé la somme de 1 300 euros au titre des honoraires du médecin conseil qui l'a assisté lors de l'expertise judiciaire ;
- la perte de gains professionnels doit être indemnisée entre la fin octobre 2014 et la date de consolidation, le 20 octobre 2016 ;
- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas indemnisé l'incidence professionnelle, dès lors qu'âgé de 63 ans au moment des faits, il a perdu toute chance de trouver un nouvel emploi d'enseignant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2019, le centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée ;
- le code de la santé publique dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie ;
- la loi du pays n° 2001-016 du 11 C... 2002 relative à la sécurité sociale en Nouvelle-Calédonie ;
- la délibération modifiée n° 145 du 29 C... 1969 instituant un régime d'assurance maladie invalidité au profit des travailleurs salariés ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par le jugement attaqué du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a condamné le centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie Gaston Bourret à verser la somme 2 350 000 francs CFP à M. D... en raison de l'infection nosocomiale survenue pendant sa prise en charge dans cet établissement hospitalier et de la faute médicale qui y a été commise. M. D... demande la réformation de ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions indemnitaires relatives à trois chefs de préjudice à caractère patrimonial : les frais divers qu'il a exposés, la perte de gains professionnels et l'incidence professionnelle.
En ce qui concerne les frais divers :
2. M. D... a produit une reconnaissance de dette à l'égard de son médecin conseil, dont il est au demeurant indiqué, dans le rapport d'expertise de l'expert médical judiciaire, qu'il était présent, le 20 février 2018, lors de la réunion des parties, qui porte la mention " somme acquittée le 6 mars 2018 " et qui est signée par ce médecin conseil. Par suite, M. D... est fondé à demander à ce que le centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie Gaston Bourret soit condamné à lui rembourser la somme de 1 300 euros qu'il a exposée au titre d'une prestation de préparation et d'assistance aux opérations d'expertise d'un médecin conseil. Le jugement attaqué doit être réformé en conséquence.
En ce qui concerne la perte de gains professionnels :
3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que M. D... a fait l'objet d'un rapatriement sanitaire du Vanuatu à Nouméa le 21 avril 2014 pour une douleur de hanche avec une impotence fonctionnelle dont il souffrait depuis une semaine, soit depuis le 14 avril 2014, et qu'il a bénéficié d'un remplacement total de sa prothèse de hanche, sous anesthésie générale, le 5 mai 2014 au centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie Gaston Bourret. La durée prévisible des soins après le remplacement de sa prothèse de hanche, compte tenu de l'amyotrophie en lien avec la dénutrition (albumine 26 g/L) dont souffrait M. D... et en l'absence de complications, pouvait être estimée à six mois jusqu'à ce qu'il puisse retrouver un appui complet, donc jusqu'à la fin du mois d'octobre 2014. Par suite, le licenciement à compter du 30 juillet 2014 de M. D..., qui était professeur de sciences économiques et sociales au lycée français J.M.G. Le Clézio de Port Vila au Vanuatu depuis le 11 février 2008, dont le motif, tel qu'il ressort de la convention signée les 22 et 29 juillet 2014 par ce lycée et M. D..., est qu'" en avril 2014, pour des raisons de santé, il n'a pu reprendre son poste ", ne trouve pas sa cause dans les complications post-opératoires (une infection nosocomiale et l'administration fautive d'un antalgique de type anti-inflammatoire non stéroïdien) dont a souffert M. D... lors de son hospitalisation au sein du centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie Gaston Bourret, mais dans le descellement de sa prothèse totale de la hanche et dans l'intervention chirurgicale que celle-ci a rendu nécessaire, en ce compris le temps de rétablissement en dehors de toute complication. Si M. D... soutient qu'il avait déjà programmé son retour à Port Vila avec l'accord des médecins quelques jours après l'intervention chirurgicale et qu'il aurait repris son activité professionnelle quelques semaines plus tard, en effectuant des navettes entre Port Vila et Nouméa afin de poursuivre son traitement, il ne l'établit par aucune pièce, alors que l'expert médical précise que " sans complication, M. D... n'aurait pas pu reprendre son activité d'enseignant à cette date " (mi-juillet), et qu'au surplus le patient était dans un mauvais état de santé général du fait de comportements addictifs multiples (éthylisme chronique et tabagisme), d'une bronchopneumonie obstructive, de lésions prurigineuses généralisées et d'une anémie importante. Il s'en suit que les premiers juges ont estimé, à bon droit, qu'il n'y avait aucun lien de causalité entre le licenciement du requérant et les fautes commises lors de la prise en charge de M. D... au sein du centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie Gaston Bourret.
4. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que M. D... a subi une période de gêne temporaire totale du 5 mai 2014 au 5 février 2015 et une période de gêne temporaire partielle de classe 2 du 6 février 2015 au 6 octobre 2015, date de l'abandon de la canne anglaise. Ainsi, alors que la durée prévisible des soins après le remplacement de sa prothèse de hanche, en l'absence de complication, pouvait être estimée à six mois pour que le patient puisse retrouver un appui complet, donc jusqu'à fin octobre 2014, M. D... a été dans l'impossibilité de reprendre une activité professionnelle, du fait de l'infection nosocomiale dont il a souffert et de l'administration fautive d'un antalgique de type anti-inflammatoire non stéroïdien, entre cette date de fin octobre 2014 et le 6 octobre 2015, soit pendant onze mois et demi. Par suite, il a subi une perte de chance de retrouver un emploi pendant cette période, qui doit être évaluée, dans les circonstances de l'espèce, à 80 %, que le centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie Gaston Bourret doit être condamné à indemniser, et qui doit être calculée en prenant en considération le traitement net que M. D... aurait perçu s'il avait pu reprendre une activité d'enseignement dans des conditions comparables à celles qu'il avait en sa qualité de maître auxiliaire, professeur de sciences économiques et sociale au lycée J.M.G. Le Clézio de Port Vila, duquel doivent être soustraits les revenus qui lui ont été versés pendant cette période.
5. Cependant, M. D..., malgré la demande qui lui a été adressée à plusieurs reprises au cours de l'instruction de sa requête, le 22 août, le 20 septembre et le 30 septembre 2019, n'a pas produit l'intégralité des revenus qu'il a pu percevoir pendant la période considérée, ne mettant pas ainsi la Cour en mesure de déterminer le préjudice qu'il a subi du fait de la perte de chance de retrouver un emploi pendant cette période et lui allouer une indemnité à ce titre.
En ce qui concerne l'incidence professionnelle :
6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que M. D..., né le 31 juillet 1951, aurait donc eu 63 ans à la date initialement prévue de consolidation, fin octobre 2014, si l'infection nosocomiale et la faute médicale n'avaient pas eu lieu ; il avait commencé à travailler en 1976, comme il l'indique dans son curriculum vitae, soit 38 annuités avant cette date prévue de consolidation, fin octobre 2014, et aurait ainsi recherché un nouvel emploi jusqu'à ce qu'il puisse faire valoir ses droits à la retraite. Comme il a été dit, l'infection nosocomiale et la faute médicale qu'il a subies ont différé de onze mois et demi, jusqu'au 6 octobre 2015, son éventuelle reprise d'activité professionnelle, ce qui ne pouvait que rendre plus difficile, du fait de son âge et de sa situation de professeur contractuel, la recherche d'un nouveau poste. M. D... est donc fondé à soutenir qu'il a subi un préjudice lié à l'incidence professionnelle, dont il sera fait une juste indemnisation en condamnant le centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie Gaston Bourret à lui verser la somme de 2 000 euros.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la somme de 2 350 000 francs CFP (19 693 euros) que le jugement dont la réformation est demandée a condamné le centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie Gaston Bourret à verser à M. D... doit être portée à la somme de 22 993 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie Gaston Bourret le paiement à M. D... de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 2 350 000 francs CFP (19 693 euros) que le jugement du 28 mars 2019 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a condamné le centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie Gaston Bourret à verser à M. D... doit être portée à la somme de 22 993 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1800337 du 28 mars 2019 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie Gaston Bourret versera à M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie Gaston Bourret et à la CAFAT.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président,
- M. A..., président assesseur,
- Mme Collet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.
Le rapporteur,
I. A...Le président,
J. LAPOUZADELe greffier,
Y. HERBER
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01747