Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2016 par lequel le maire de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes a refusé de délivrer à la société Les Halles de l'Aveyron un permis de construire en vue du réaménagement d'un bâtiment existant et de condamner la commune de Saint-Thibault-des-Vignes à lui verser une somme de 191 536 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2016, en réparation du préjudice causé par cet arrêté.
Par un jugement n° 1610470 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Melun a condamné la commune de Saint-Thibault-des-Vignes à verser à la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais la somme de 161 282,40 euros, assortie des intérêts à compter du 27 septembre 2016, mis à la charge de la commune le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 5 avril 2019 et le 6 août 2019, la commune de Saint-Thibault-des-Vignes, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1610470 du 7 décembre 2018 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'enjoindre à la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais de communiquer l'annexe n° 7 du contrat de bail conclu avec la société Les Halles de l'Aveyron, du contrat de crédit-bail dont elle est preneur et du marché de travaux portant sur l'édification de places de stationnement ;
3°) de rejeter la demande indemnitaire de la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais ;
4°) de mettre à la charge de la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Saint-Thibault-des-Vignes soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors que les premiers juges ont commis une série d'erreurs de droit et de fait et ont dénaturé les pièces du dossier ;
- les conclusions d'excès de pouvoir de première instance étaient irrecevables ;
- l'arrêté du 29 juillet 2016 n'est pas illégal, dans la mesure où il est suffisamment motivé et n'est entaché ni d'erreur d'appréciation ni de détournement de pouvoir ;
- une substitution de motifs peut être prononcée, le pétitionnaire n'ayant pas justifié qu'il satisfaisait aux conditions prévues à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ;
- le lien de causalité n'est pas établi, en l'absence de réalisation des conditions suspensives tenant à l'obtention de l'autorisation de travaux et de l'accord du crédit-bailleur dans le délai contractuellement imparti, entraînant la caducité du contrat ;
- la réalité du préjudice n'est pas établie, dès lors que la requérante a bénéficié d'un nouveau contrat de bail conclu à des conditions plus avantageuses, ne justifie pas qu'elle aurait supporté une perte de marge bénéficiaire, n'apporte pas de précisions relatives aux loyers versés au crédit-bailleur et ne tient pas compte des stipulations contractuelles ; le paiement de la taxe foncière ne constitue pas un préjudice indemnisable.
Par des mémoires en défense enregistrés le 17 mai 2019 et le 23 septembre 2019, la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 500 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais soutient que :
- sa demande indemnitaire était recevable ;
- l'arrêté du 29 juillet 2016 portant refus de permis de construire est entaché d'erreur d'appréciation et de détournement de pouvoir ;
- la substitution de motifs demandée n'est pas fondée ;
- la faute résultant du refus illégal de permis de construire est établie ;
- l'absence de prise d'effet du contrat de bail ayant pour seul motif le refus de permis de construire, le lien de causalité est établi ;
- elle est fondée à demander la réparation de la perte de loyers et le remboursement de la taxe foncière.
La commune de Saint-Thibault-des-Vignes a présenté un mémoire enregistré le 29 octobre 2019, après clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... ;
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public ;
- et les observations de Me C... pour la commune de Saint-Thibault-des-Vignes.
Considérant ce qui suit :
1. La société Les Halles de l'Aveyron a déposé une demande de permis de construire, en vue de l'aménagement d'un bâtiment commercial existant situé au 7 rue Lamartine à Saint-Thibault-des-Vignes, en qualité de bénéficiaire d'un contrat de bail commercial signé le 7 janvier 2016 avec la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais, crédit-preneur de l'immeuble. Par un arrêté du 29 juillet 2016, le maire de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes a refusé ce permis de construire, sur le fondement de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, au motif que " l'aspect extérieur du projet présente un contraste d'importance, de style et de couleurs avec son environnement qui est différent de l'unité architecturale de la zone d'activités " au sein de laquelle il est situé. La société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais a adressé à la commune de Saint-Thibault-des-Vignes une demande tendant à l'indemnisation du préjudice subi du fait de ce refus. Par un jugement du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Melun, après avoir rejeté comme tardives et irrecevables les conclusions de cette société tendant à l'annulation du refus de permis de construire du 29 juillet 2016, a condamné la commune de Saint-Thibault-des-Vignes à lui verser, en réparation des préjudices causés par ce refus de permis de construire illégal, la somme de 161 282,40 euros, assortie des intérêts à compter du 27 septembre 2016. La commune de Saint-Thibault-des-Vignes doit être regardée comme faisant appel de ce jugement dans la mesure où il fait droit aux prétentions de la société.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il appartient au juge d'appel de statuer sur les moyens invoqués par les parties dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Ainsi, contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Thibault-des-Vignes, les erreurs de droit et de fait et la dénaturation du dossier qu'auraient commises les premiers juges n'entachent pas le jugement attaqué d'irrégularité.
Sur la recevabilité de la demande indemnitaire :
3. L'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2016 présentées en première instance par la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais, rejetées pour tardiveté par le tribunal, est sans incidence sur la recevabilité des conclusions indemnitaires présentées par cette société en vue d'obtenir la réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de cet arrêté. La commune de Saint-Thibault-des-Vignes n'est dès lors pas fondée à se prévaloir de cette irrecevabilité pour demander l'annulation du jugement attaqué dans son ensemble et le rejet des conclusions indemnitaires.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'existence d'une faute :
4. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".
5. Il résulte de l'instruction que le bâtiment en litige est situé dans une zone d'activités composée de bâtiments commerciaux sans unité ni aucun intérêt architectural ou patrimonial particulier. Ainsi qu'il ressort de la notice descriptive et des documents d'insertion joints à la demande de permis de construire, le projet, qui a pour objet principal de modifier les façades d'un bâtiment existant sans intérêt particulier, suggère une sorte de halle en l'habillant d'arches en serrureries noires, de panneaux en terre cuite ou stratifié ocre, d'appareillages de petites pierres naturelles et d'une miroiterie réfléchissante, et prévoit l'installation d'une enseigne portant le logo de la société Les Halles de l'Aveyron. Dans ces conditions, compte tenu des caractéristiques du site d'implantation du projet et de l'absence d'impact de ce projet, du fait de sa nature et de ses effets, sur ce site, il ne peut être regardé comme étant de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites et aux paysages naturels ou urbains. Par suite, le maire de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes ne pouvait sans erreur d'appréciation refuser le permis de construire demandé par la société Les Halles de l'Aveyron au visa des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.
6. La commune de Saint-Thibault-des-Vignes soutient toutefois que la société Les Halles de l'Aveyron n'avait pas qualité pour déposer la demande de permis de construire, le bail commercial du 7 janvier 2016 conclu avec la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais étant caduc faute de réalisation des conditions suspensives qui y sont stipulées.
7. Aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire (...) sont adressées (...) ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ". Aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " La demande de permis de construire précise : a) L'identité du ou des demandeurs (...) La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ".
8. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 423-1 du code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis de construire vient à disposer, au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif. Enfin, si postérieurement à la délivrance du permis de construire, l'administration a connaissance de nouveaux éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de sa décision, elle peut légalement procéder à son retrait sans condition de délai. La fraude est caractérisée lorsqu'il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a eu l'intention de tromper l'administration sur sa qualité pour présenter la demande d'autorisation d'urbanisme.
9. La commune de Saint-Thibault-des-Vignes soutient, d'une part, que la société Les Halles de l'Aveyron n'a pas déposé sa demande de permis de construire dans le délai d'un mois à compter de la signature du bail commercial, et qu'il n'est pas établi que le projet déposé était conforme au projet de principe constitué de l'annexe 7 au contrat de bail, et, d'autre part, que l'accord du crédit-bailleur pour la signature du bail, délivré le 5 février 2016, n'a pas été donné avec accusé de réception justifiant le respect du délai d'un mois prévu au contrat de bail et comportait des réserves mettant en cause sa validité au regard de ce contrat. Toutefois, au vu de ces seuls éléments, le maire de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes ne disposait pas, au moment où il a statué, et sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir le caractère frauduleux de la demande de permis de construire ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne disposait d'aucun droit à la déposer, du fait de la caducité du bail connue par le demandeur. Par ailleurs, la commune de Saint-Thibault-des-Vignes ne saurait sérieusement se prévaloir de la caducité du bail commercial du fait de l'absence de réalisation de la condition suspensive tenant à l'obtention du permis de construire dans un délai de sept mois à compter de la signature du bail commercial le 7 janvier 2016, dès lors que le permis de construire a été refusé dès le 29 juillet 2016. Dans ces conditions, la commune de Saint-Thibault-des-Vignes n'est pas fondée à soutenir que le permis de construire aurait légalement pu être refusé pour défaut de qualité du pétitionnaire.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré du détournement de pouvoir invoqué en première instance et en défense en appel, que, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction, ce qui n'est d'ailleurs même pas allégué, que le refus de permis de construire aurait pu être légalement fondé sur un autre motif, l'illégalité commise par le maire en refusant, par son arrêté du 29 juillet 2016, d'accorder à la société Les Halles de l'Aveyron le permis de construire demandé, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes.
En ce qui concerne le lien de causalité :
11. Pour apprécier si la responsabilité de la puissance publique peut être engagée, il appartient au juge de déterminer si le préjudice invoqué est en lien direct et certain avec une faute de l'administration. La perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal de permis de construire revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, telles que des engagements souscrits par de futurs locataires ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain. Il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.
12. D'une part, il résulte de l'instruction que le contrat de bail commercial signé le 7 janvier 2016 par la SCI Vert Saint Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais, crédit-preneur de l'immeuble en litige, au profit de la société Les Halles de l'Aveyron comportait une condition suspensive stipulant : " Obtention par le preneur des autorisations administratives nécessaires (i) pour la réalisation de ses travaux d'aménagement (...) A cette fin le preneur s'engage à déposer son dossier d'aménagement dans un délai maximum d'un mois à compter de la signature des présentes, le tout conformément au projet de principe annexé (...) La présente condition suspensive devra être réalisée dans un délai de six mois à compter de son dépôt étant toutefois précisé que la présente condition suspensive est rédigée au profit du preneur seul qui pourra s'en prévaloir ou y renoncer pour demander la résiliation du bail (...) Si les conditions suspensives susvisées n'étaient pas réalisées dans un délai maximum de sept mois à compter de la signature des présentes, le présent bail serait nul et non avenu sans versement d'indemnité de part et d'autre ".
13. Si la commune de Saint-Thibault-des-Vignes fait valoir que la société Les Halles de l'Aveyron a déposé une demande de permis de construire plus d'un mois après la signature du contrat de bail et qu'il n'est pas établi que le projet était conforme au projet de principe constitué de l'annexe 7 au contrat de bail, outre que le délai de dépôt de la demande constituait un engagement du preneur du bail, la condition suspensive mentionnée au point 12 était de façon générale stipulée au seul profit du preneur, qui ne s'en est pas prévalu, ainsi qu'en atteste le dépôt de sa demande de permis de construire et le recours engagé contre le refus de permis de construire illégal. De surcroît, un avenant de prorogation au bail commercial, signé le 28 septembre 2016, stipule que " le preneur s'engage à déposer dans les plus brefs délais un recours pour excès de pouvoir et un référé suspension contre l'arrêté municipal du 29 juillet 2016 refusant sa demande de permis de construire " et que " les parties conviennent de proroger la date initialement convenue pour la réalisation de la condition suspensive rappelée ci-avant et porter cette dernière au 31 décembre 2016 ". Ainsi, contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Thibault-des-Vignes, le contrat de bail commercial n'était pas caduc, indépendamment du refus de permis de construire, du fait de l'absence de réalisation de la condition suspensive en cause.
14. D'autre part, le contrat de bail commercial comportait une seconde condition suspensive stipulant : " Obtention par le Bailleur de l'accord du crédit-bailleur pour la signature du présent bail commercial. La présente condition suspensive devra être réalisée dans un délai maximum d'un (1) mois à compter de la signature des présentes (...) ".
15. Si la commune de Saint-Thibault-des-Vignes fait valoir que l'accord du crédit-bailleur pour la signature du bail, délivré le 5 février 2016, n'a pas été notifié avec accusé de réception justifiant le respect du délai d'un mois prévu au contrat de bail et comportait des réserves mettant en cause sa validité au regard de ce contrat, le crédit-bailleur a expressément donné son accord au contrat de bail commercial dans le délai d'un mois à compter de la signature du bail commercial. La requérante ne saurait dès lors sérieusement soutenir que le lien de causalité ne serait pas établi du seul fait de l'absence de preuve de la notification de cet accord dans le délai contractuellement stipulé. Par ailleurs, la commune de Saint-Thibault-des-Vignes ne saurait pas plus sérieusement invoquer les réserves mentionnées à cet accord, dès lors qu'il ressort des termes mêmes dudit accord que le crédit-bailleur a accepté à titre dérogatoire que les conditions qualifiées de " réserves " soient en l'espèce écartées par la reconnaissance d'un droit au maintien dans les lieux du sous-locataire en cas de résiliation du crédit-bail ou de non levée d'option par le crédit-preneur. Enfin, dès lors que le bail commercial n'a pas pu être effectivement mis en oeuvre du fait du refus illégal de permis de construire, la commune de Saint-Thibault-des-Vignes n'est pas fondée à soutenir que le lien de causalité serait rompu faute de souscription d'assurances conformes à la volonté du crédit-bailleur.
16. Dans ces conditions, compte tenu de la conclusion du bail commercial du 7 janvier 2016 et du motif de l'absence de prise d'effet du bail, résultant directement du refus de permis de construire, la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais justifie de circonstances particulières permettant de faire regarder les préjudices dont elle se prévaut comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain. Elle est dès lors fondée à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'elle pouvait raisonnablement attendre de l'opération.
En ce qui concerne la période d'indemnisation :
17. Il résulte de l'instruction que le bail commercial du 7 janvier 2016 devait prendre effet un mois à compter de la levée de la dernière des conditions suspensives, soit un mois après l'obtention du permis de construire. Le permis de construire ayant été illégalement refusé le 29 juillet 2016, la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais est fondée à demander l'indemnisation des préjudices subis à compter du 29 août 2016, date à laquelle aurait pris effet le bail commercial si le permis de construire avait été accordé. Par ailleurs, elle a signé un nouveau contrat de bail avec un autre locataire le 10 février 2017, la prise de possession des locaux ayant eu lieu le 8 juin 2017. La période d'indemnisation doit dès lors s'achever à cette date.
18. A cet égard, la commune de Saint-Thibault-des-Vignes ne peut utilement se prévaloir du caractère financièrement plus avantageux pour la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais du bail commercial conclu le 10 février 2017, qui ne prive pas la requérante du droit à être indemnisée des préjudices subis du fait de l'impossibilité de mettre en oeuvre le bail commercial du 29 août 2016 au 8 juin 2017, directement liée au refus illégal de permis de construire. Elle ne peut pas plus utilement invoquer un risque de double indemnisation, dès lors que les loyers perçus du nouveau locataire se rattachent à une période postérieure.
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice :
19. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais est seulement fondée à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'elle pouvait raisonnablement attendre de l'opération en litige. La commune de Saint-Thibault-des-Vignes est ainsi fondée à soutenir que, dès lors qu'est en litige une opération s'inscrivant dans le cadre d'un crédit-bail, seule la perte de bénéfices est susceptible d'être indemnisée. La société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais n'a apporté aucun élément justifiant qu'elle s'est acquittée ou non des redevances de crédit-bail mises à sa charge, permettant de justifier d'une perte correspondant effectivement au montant des loyers attendus, compte tenu des charges liées aux redevances qu'elle aurait par ailleurs continué à verser au crédit-bailleur. Dans ces conditions, il doit être ordonné avant dire-droit la production du contrat de crédit-bail mentionnant le montant des redevances ou loyers à verser par la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais au crédit-bailleur ainsi que des pièces comptables assorties des documents justificatifs établissant le paiement des redevances ou loyers au crédit-bailleur au titre de la période mentionnée au point 18 ou tout autre élément de nature à établir l'ampleur de la perte de bénéfices escomptés, incluant tout justificatif relatif au paiement de la taxe foncière.
20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production des autres pièces demandées, qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes, d'ordonner à la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais de produire les documents mentionnés au point 19 dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de réserver jusqu'en fin d'instance tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt.
DÉCIDE :
Article 1er : Avant de statuer sur les conclusions de la requête de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes, il sera procédé à un supplément d'instruction pour permettre à la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais de produire le contrat de crédit-bail mentionnant le montant des redevances ou loyers à verser par elle au crédit-bailleur et des pièces comptables assorties des documents justificatifs établissant le paiement des redevances ou loyers au crédit-bailleur au titre de la période du 29 août 2016 au 8 juin 2017 ou tout autre élément de nature à établir l'ampleur de la perte de bénéfices escomptés, incluant tout justificatif relatif au paiement de la taxe foncière.
Article 2 : Ces documents devront parvenir au greffe de la Cour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Thibault-des-Vignes et à la société Vert Saint-Denis - Saint Thibault des Vignes - Beauvais.
Délibéré après l'audience du 13 février 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme D..., présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 mars 2020.
Le rapporteur,
F. E...La présidente,
S. D...Le greffier,
M. A...La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01237