Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun, par trois demandes distinctes, d'une part, l'annulation de l'arrêté du 10 février 2015 par lequel le maire de
Sucy-en-Brie l'a placée en congé pour maladie ordinaire entre le 22 avril 2014 et le
10 février 2015, d'autre part, l'annulation de l'arrêté du 25 février 2015 par lequel la même autorité l'a placée en congé pour maladie ordinaire entre le 11 février 2015 et le 21 avril 2015 et en disponibilité d'office à compter du 22 avril 2015, enfin l'annulation de l'arrêté du
29 septembre 2015 par lequel le maire de Sucy-en-Brie a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 22 avril 2014 dont elle estime avoir été victime.
Par un jugement nos 1502822, 1503012, 1510017 du 21 juin 2018, le Tribunal administratif de Melun, après avoir joint ces trois demandes, a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 février 2015 en tant qu'il l'a placée en disponibilité d'office à compter du 22 avril 2015 et a rejeté le surplus de cette demande ainsi que les autres demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 août 2018, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette sa demande n° 1510017 dirigée contre l'arrêté du 29 septembre 2015 du maire de Sucy-en-Brie, refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 22 avril 2014 dont elle estime avoir été victime ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au maire de Sucy-en-Brie, d'une part, de prendre une décision de reconnaissance de l'imputabilité au service de ses lésions ayant justifié ses arrêts de travail à compter du 22 avril 2014, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, d'autre part, de la placer en congé de maladie imputable au service à compter de la même date ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Sucy-en-Brie la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 29 septembre 2015 est entaché d'une erreur d'appréciation en ce que le maire de Sucy-en-Brie a ignoré le lien partiel mais direct entre sa maladie et le service, pourtant reconnu par le rapport du docteur Benkoula du 6 juillet 2015 ;
- les certificats du docteur Sandret et du docteur Lebon, psychiatres, en date des 17 décembre 2014 et 22 décembre 2014, ainsi que le rapport de contre-visite du docteur Labaume-Lepeuve, également psychiatre et mandaté par la commune, en date du 29 septembre 2014, établissent un lien direct et certain entre ses conditions de travail et sa maladie ;
- son état de santé dégradé résulte d'une surcharge de travail et de mauvaises conditions de travail ;
- elle a été victime d'une gestion calamiteuse du service à la suite de sa réorganisation en septembre 2013 ;
- elle a été exposée de façon prolongée à des risques psychosociaux que son employeur a assimilés à des conditions normales de travail et pour lesquels il n'a pas satisfait à son obligation de protection ;
- la commune de Sucy-en-Brie n'a pas mis en oeuvre les actions de prévention des risques professionnels prévus à l'article L. 4121-1 du code du travail, applicable aux employeurs publics.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2019, la commune de Sucy-en-Brie, représentée par la selarl Landot et Associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable pour tardiveté ;
-la requête est irrecevable dès lors qu'elle méconnaît l'article R. 414-3 du code de justice administrative, du fait de la transmission des pièces dans deux fichiers différents ne contenant en outre pas de signets ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D....
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., adjoint administratif principal de première classe, a été mutée, à sa demande, à la direction des services techniques de la commune de Sucy-en-Brie à compter d'octobre 2012, en qualité d'assistante de direction. Elle a adressé à son employeur un avis d'arrêt de travail à compter du 22 avril 2014, régulièrement renouvelé. Par lettre du 2 janvier 2015, reçue le 5 janvier 2015 par la commune de Sucy-en-Brie, elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de maladie, estimant qu'ils résultaient de la dégradation de ses conditions de travail. Elle a été placée, par des arrêtés successifs du maire de Sucy-en-Brie des 10 février 2015, 25 février 2015 et 27 février 2015, en congé de maladie ordinaire à compter du 22 avril 2014. Par un arrêté du 29 septembre 2015, faisant suite à un avis défavorable de la commission de réforme du 14 septembre 2015, le maire de
Sucy-en-Brie a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de l'état de santé de Mme A.... Cette dernière relève appel du jugement du 21 juin 2018 en tant que le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de ce dernier arrêté.
2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.
4. Il ressort des pièces du dossier que, par un certificat du 29 septembre 2014, le docteur Labaume Lepeuve, psychiatre agréé sollicité par l'administration dans le cadre de la demande de congé de longue maladie de Mme A..., a conclu, en dépit du caractère " réactionnel à des difficultés professionnelles " de l'état dépressif de celle-ci, à l'absence d'imputabilité au service de cette pathologie, estimant qu'elle " relève de la maladie ordinaire ". Le docteur Debas, rhumatologue agréé, dans un certificat du 2 février 2015, ainsi que le docteur Benkoula, psychiatre agréé, dans son rapport de contre-expertise du 6 juillet 2015 à destination de la commission de réforme, ont également tous deux conclu à l'absence d'imputabilité au service des troubles de Mme A..., dont ils estiment également qu'ils relèvent de la maladie ordinaire. La requérante, quant à elle, produit un certificat du docteur Lamy, médecin généraliste, en date du 21 mai 2014, ainsi que deux certificats des docteurs Sandret et Lebon, psychiatres, en date des 17 décembre 2014 et 22 décembre 2014, faisant tous mention d'une souffrance psychique liée à de mauvaises conditions de travail mais se bornant à reprendre ses déclarations, sans les assortir de précisions permettant de tenir pour établi que l'état dépressif dont souffrait l'intéressée était directement lié à la dégradation de son contexte de travail, et à formuler des conclusions au regard de situations dont ils n'ont pu personnellement vérifier l'existence. Enfin, la commission de réforme, dans sa séance du 14 septembre 2015, a émis un avis défavorable à l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A..., estimant qu'aucun accident de service n'était établi et que la preuve du lien entre l'état de santé de la requérante et les conditions d'exercice de ses fonctions n'était pas davantage rapportée.
5. Il ressort également des pièces du dossier, notamment de l'attestation de M. B., directeur des sports de la commune de Sucy-en-Brie, sous la responsabilité directe duquel Mme A... a travaillé entre 1998 et 2009 en tant que secrétaire de ce service, que celle-ci a fait montre d'un singulier manque de motivation, d'investissement au travail et de solidarité professionnelle envers ses collègues à l'occasion de ces fonctions. M. B. précise d'ailleurs à ce sujet qu'à compter de 2008, il a régulièrement sollicité la direction des ressources humaines afin qu'une mobilité interne soit proposée à la requérante. En outre, il est constant que Mme A..., après avoir occupé successivement, à compter du 1er décembre 2009, des fonctions d'agent d'accueil à la médiathèque municipale puis un poste au service du logement du centre communal d'action sociale, a rencontré d'importantes difficultés à la direction des services techniques qu'elle a intégrée à la fin de l'année 2012. A cet égard, il résulte des attestations concordantes du directeur général adjoint des ressources humaines et des ressources internes, du directeur et du responsable administratif du service technique ainsi que d'une assistante au centre technique municipal que Mme A..., qui impute l'origine de sa souffrance au travail à une surcharge ainsi qu'à des conditions de travail délétères, n'a fait preuve d'aucune motivation sérieuse pour remplir ses missions, notamment l'accueil téléphonique et physique des usagers, et n'a su ni s'adapter aux exigences de son nouveau poste ni se plier aux contraintes d'une petite équipe reposant sur la polyvalence et la solidarité. Si Mme A... invoque des conditions matérielles de travail dégradées du fait de la disposition du secrétariat des services techniques qui, d'une part, aurait été un lieu de passage et, d'autre part, aurait été configuré en " open space " (espace ouvert), ce qui aurait nui à sa concentration, il résulte des pièces du dossier que l'intéressée, qui était amplement informée de la physionomie de ce service, préexistante à son arrivée, l'avait en outre acceptée sans réserves lors de la présentation de son poste. Au demeurant, et alors que les trois collègues de la requérante ont témoigné de ce que la configuration " open space " était tout à fait adaptée au caractère opérationnel du service et qu'elles n'y associaient aucun désagrément, un nouvel agencement des bureaux avec une séparation physique, conçue spécialement pour Mme A... de façon à lui éviter la fonction d'accueil, lui a été proposée en avril 2014 par son employeur. Dès lors, la requérante, qui ne conteste pas l'existence de cette proposition et qui n'y a pas donné suite, ne saurait reprocher à son employeur de l'avoir exposée de façon prolongée à des risques psychosociaux, d'avoir manqué à son obligation de protection ou de ne pas avoir mis en oeuvre les actions de prévention des risques professionnels prévus à l'article L. 4121-1 du code du travail. Par suite, dès lors que Mme A... n'était pas étrangère aux difficultés à l'origine de l'épuisement professionnel et des conditions de travail dégradées dont elle se plaignait et alors même qu'elle ne présentait pas d'état dépressif antérieur, l'affection dont elle a souffert ne peut être regardée comme présentant un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou avec ses conditions de travail. Il s'ensuit que celle-ci n'est pas fondée à soutenir que le maire de
Sucy-en-Brie aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Sucy-en-Brie, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2015 du maire de Sucy-en-Brie. Par voie de conséquence, le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction de Mme A... doivent être rejetées.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Sucy-en-Brie qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce même fondement par la commune de Sucy-en-Brie.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Sucy-en-Brie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et à la commune de Sucy-en-Brie.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme C..., président,
- M. D..., premier conseiller,
- Mme Portes, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 octobre 2020.
Le rapporteur,
P. D...
Le président,
M. C... Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA02907