Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association nationale des parents d'enfants aveugles (ANPEA) qui gère l'institut médico-éducatif La Pépinière à Loos, a demandé à la commission départementale d'aide sociale du Nord d'annuler la décision du 9 mars 2009 par laquelle le président du conseil général du Nord a refusé la prise en charge des frais de séjour de Mme A... au sein de cet établissement pour la période du 13 septembre 2008 au 12 septembre 2009.
Par une décision du 16 mars 2017, la commission départementale d'aide sociale du Nord s'est déclarée incompétente pour statuer sur sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juin 2017, l'association GAPAS à laquelle appartient l'ANPEA, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 16 mars 2017 de la commission départementale d'aide sociale du Nord ;
2°) d'annuler la décision du 9 mars 2009 du président du conseil général du Nord.
Elle soutient que :
- la commission départementale d'aide sociale du Nord s'est déclarée à tort incompétente pour trancher le litige dès lors que ce dernier porte sur l'application de " l'amendement Creton " qui ne peut être qualifié de mesure d'aide sociale facultative décidée par le département ;
- le président du conseil départemental n'ayant pas contesté la décision de la maison départementale des personnes handicapées du Nord du 7 octobre 2018 décidant du maintien de Mme A... au sein de l'institut médico-éducatif La Pépinière, il ne pouvait pas refuser de prendre en prendre en charge les frais d'hébergement de l'intéressée sans méconnaître les dispositions de l'article L. 242-4 du code de l'action sociale et des familles issues de l'amendement Creton.
La requête a été communiquée au président du conseil départemental du Nord qui n'a pas présenté d'observations.
En application de l'article 12 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, le dossier de la requête susvisée a été transféré à la Cour administrative d'appel de Paris, où elle a été enregistrée le 2 janvier 2019 sous le n° 19PA00106.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 13 septembre 1988, est accueillie au sein de l'institut médico-éducatif (IME) La Pépinière de Loos depuis son enfance. L'année de ses vingt ans, la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du Nord a, par une décision du 5 février 2008, décidé qu'elle serait accueillie en foyer de vie du 5 février 2008 au 5 février 2013. En l'absence de places disponibles dans un foyer de vie, la MDPH du Nord a décidé le 7 octobre 2008 le maintien de Mme A... au titre de l'amendement Creton en accueil de jour au sein de l'IME La Pépinière à raison de quatre jours par semaine, en semi-internat, pour la période comprise entre le 13 septembre 2008 et le 12 septembre 2009. Le 24 octobre 2008, la MDPH du Nord a donné un avis favorable à l'accueil de Mme A... au sein du foyer de vie Thérèse Olivier de Somain qui pouvait accueillir temporairement l'intéressée à hauteur seulement de 90 jours par an pendant la période allant du 23 octobre 2008 au 23 octobre 2010. Le 6 janvier 2009, le président du conseil général du Nord a accepté la prise en charge des frais de séjour de Mme A... au sein du foyer de vie Thérèse Olivier en internat complet pour cette période. En revanche, par une décision du 9 mars 2009, il a refusé la prise en charge au titre de l'aide sociale des frais de séjour de Mme A... au sein de l'IME La Pépinière au motif que l'établissement n'était pas agréé pour l'accueil de jour au titre de l'amendement Creton. L'association nationale des parents d'enfants aveugles (ANPEA), qui fait partie du GAPAS et qui gère l'IME La Pépinière, a formé le 26 mars 2009 un recours gracieux qui a été rejeté par une décision du 20 avril 2009. Par une décision du 16 mars 2017, la commission départementale d'aide sociale du Nord s'est déclarée incompétente pour statuer sur la demande de l'ANPEA tendant à l'annulation de la décision du 9 mars 2009 du président du conseil général du Nord. Par la présente requête, le GAPAS relève appel de cette décision.
Sur la légalité de la décision de la commission départementale d'aide sociale :
2. L'article L. 242-4 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " La prise en charge la plus précoce possible est nécessaire. Elle doit pouvoir se poursuivre tant que l'état de la personne handicapée le justifie et sans limite d'âge ou de durée. Lorsqu'une personne handicapée placée dans un établissement ou service mentionné au 2° du I de l'article L. 312-1 ne peut être immédiatement admise dans un établissement pour adulte désigné par la commission mentionnée à l'article L. 146-9, ce placement peut être prolongé au-delà de l'âge de vingt ans ou, si l'âge limite pour lequel l'établissement est agréé est supérieur, au-delà de cet âge dans l'attente de l'intervention d'une solution adaptée, par une décision de la commission mentionnée à l'article L. 146-9 siégeant en formation plénière. Cette décision s'impose à l'organisme ou à la collectivité compétente pour prendre en charge les frais d'hébergement et de soins dans l'établissement pour adulte désigné par la commission mentionnée à l'article L. 146-9. (...) ". La contribution de la personne handicapée à ces frais ne peut être fixée à un niveau supérieur à celui qui aurait été atteint si elle avait été effectivement placée dans l'établissement désigné par la commission mentionnée à l'article L. 146-9. De même, les prestations en espèces qui lui sont allouées ne peuvent être réduites que dans la proportion où elles l'auraient été dans ce cas. (...) Lorsque le jeune adulte handicapé est orienté vers un établissement relevant de la compétence du département, le tarif journalier de l'établissement pour mineurs dans lequel le jeune adulte handicapé est maintenu est pris en charge par l'aide sociale du département dans lequel il a son domicile de secours. Lorsque le jeune adulte handicapé est orienté vers un établissement et service mentionné au V de l'article L. 314-1, le prix de journée de l'établissement pour mineur à la charge de l'aide sociale du département est diminué du forfait journalier plafond afférent aux soins fixé pour l'exercice précédent, qui est facturé aux organismes d'assurance maladie. Dans les autres cas, ce tarif journalier est pris en charge par les organismes d'assurance maladie et est facturé par l'établissement à ces derniers. ". Aux termes de l'article L. 242-10 du même code : " Les frais d'hébergement et de soins dans les établissements ou services mentionnés au 2° du I de l'article L. 312-1 ainsi que les frais de soins concourant à cette éducation dispensée en dehors de ces établissements, à l'exception des dépenses incombant à l'Etat en application de l'article L. 242-1, sont intégralement pris en charge par les régimes d'assurance maladie, dans la limite des tarifs servant de base au calcul des prestations. A défaut de prise en charge par l'assurance maladie, ces frais sont couverts au titre de l'aide sociale sans qu'il soit tenu compte des ressources de la famille. Il n'est exercé aucun recours en récupération des prestations d'aide sociale à l'encontre de la succession du bénéficiaire décédé lorsque ses héritiers sont son conjoint, ses enfants ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé. ". Aux termes de l'article L. 312-1 du même code : " I.-Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : (...) 2° Les établissements ou services d'enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation ; (...) ".
3. Comme il a été dit, le maintien de la prise en charge de Mme A... au sein de l'IME La Pépinière après ses vingt ans a été décidé par la MDPH du Nord en raison de l'absence de places dans un foyer de vie en application des dispositions précitées. La prise en charge des frais d'accueil de jour de Mme A... au sein de cet établissement ne relevait donc pas de l'aide sociale facultative mise en place par le département du Nord mais de l'aide sociale légale définie par les dispositions législatives issues de " l'amendement Creton " citées au point 2. Il s'ensuit que c'est à tort que la commission départementale d'aide sociale a décliné sa compétence pour connaître des conclusions à fin d'annulation de la décision du 9 mars 2009 du président du conseil général du Nord refusant de prendre en charge les frais de séjour de Mme A... au sein de cet établissement pour la période du 13 septembre 2008 au 12 septembre 2009. Par suite, la décision du 16 mars 2017 de la commission départementale d'aide sociale du Nord doit être annulée.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'ANPEA appartenant au GAPAS devant la commission départementale d'aide sociale.
Sur la légalité de la décision du président du conseil général du Nord :
5. Par les dispositions de l'article L.242-4 du code de l'action sociale et des familles citées au point 2 du présent arrêt, le législateur a entendu prévoir tant la continuité de l'accueil du jeune handicapé adulte, qui ne peut être immédiatement admis dans un établissement pour adultes handicapés désigné par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), que la continuité de la prise en charge des frais d'hébergement de l'intéressé, afin d'éviter qu'ils soient à la charge de ce dernier. Il résulte également de ces dispositions que la décision de la commission décidant le maintien de ce jeune, dans l'attente d'une solution adaptée, dans un établissement ou service mentionné au 2° du I de l'article L.312-1 du même code au-delà de l'âge de vingt ans ou, si l'âge limite pour lequel l'établissement agréé est supérieur, au-delà de cet âge, s'impose à l'organisme ou à la collectivité compétente pour prendre en charge ces frais d'hébergement. Dans ce cas, la prise en charge des frais relevant de l'aide sociale doit prendre effet à compter de la date d'expiration de la prise en charge précédente.
6. Il résulte de l'instruction, comme il a déjà été dit, que par une décision du 5 février 2008, la MDPH du Nord a orienté Mme A... vers un foyer de vie mais que faute de place disponible, elle a, par une décision du 7 octobre 2008, décidé le maintien de l'intéressée en semi-internat à l'IME La Pépinière de Loos pour la période comprise entre le 13 septembre 2008, date anniversaire de ses vingt ans, et le 12 septembre 2009. La décision du 7 octobre 2008, en application des dispositions précitées de l'article L. 242-4, s'imposait au conseil général du Nord, compétent pour prendre en charge les frais d'hébergement et de soins dans l'établissement pour adulte. Dès lors, le président du conseil général du Nord ne pouvait, comme il l'a fait à tort par sa décision litigieuse du 9 mars 2009, se prévaloir de la seule circonstance que le centre médico-éducatif " La Pépinière " de Loos n'était pas habilité à recevoir des personnes handicapées en accueil de jour pour refuser de prendre en charge au titre de l'aide sociale à l'hébergement les frais de séjour de Mme A....
7. Il résulte de tout ce qui précède que le GAPAS est fondé à demander l'annulation de la décision du 9 mars 2009 du président du conseil général du Nord.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 16 mars 2017 de la commission départementale d'aide sociale du Nord et la décision du 9 mars 2009 du président du conseil général du Nord sont annulées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association GAPAS et au président du conseil départemental du Nord.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
Le rapporteur,
V. C...Le président,
H. VINOT
Le greffier,
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19PA00106
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