Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'union départementale des associations familiales de la Dordogne, agissant au nom de M. A... B... sous tutelle, a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne d'annuler la décision du 31 octobre 2016 par laquelle le président du conseil départemental de la Dordogne a refusé l'admission de M. B... à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes âgées à compter du 9 novembre 2015.
Par une décision du 21 septembre 2017, la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 novembre 2017, 1er juin et 3 décembre 2018, l'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de M. B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler la décision du 21 septembre 2017 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne rejetant le recours formé contre la décision du 31 octobre 2016 du président du conseil départemental de la Dordogne refusant l'admission de M. B... au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement à compter du 9 novembre 2015 ;
2°) d'annuler la décision du 31 octobre 2016 du président du conseil départemental de la Dordogne refusant d'accorder l'aide sociale à M. B... à compter du 9 novembre 2015 ;
3°) de prononcer la prise en charge des frais d'hébergement au titre de l'aide sociale de M. B... à compter du 9 novembre 2015 ;
4°) de mettre à la charge du département de la Dordogne le versement à l'union départementale des associations familiales de la somme de 700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la composition de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne qui a rendu la décision attaquée est irrégulière en ce qu'elle méconnaît l'article L. 134-6 du code de l'action sociale et des familles, ainsi qu'il résulte de la décision n° 2010-110 QPC du Conseil constitutionnel du 25 mars 2011 dès lors que la commission est composée du président-rapporteur et de la secrétaire en présence des représentants du conseil départemental de la Dordogne et de l'UDAF et que le président de la commission a également exercé les fonctions de rapporteur ;
- les ressources mensuelles de M. B... ne lui permettent pas de s'acquitter de ses frais d'hébergement au sein de l'EHPAD ;
- le président du conseil départemental de la Dordogne ne pouvait lui refuser le bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement au motif de l'absence de réponse d'un de ses obligés alimentaires alors qu'il était en mesure de procéder à des recherches dans l'intérêt des familles ou de procéder à des recoupements avec les données fiscales et qu'il lui appartenait de saisir l'autorité judiciaire afin de fixer le montant éventuel de la dette alimentaire ; en l'absence de ces éléments, l'intéressé a apporté la preuve de son état de besoin ;
- contrairement à ce qu'a retenu la commission départementale d'aide sociale, une requête auprès du juge aux affaires familiales a été déposée dès le 12 janvier 2017 et par un jugement du 21 juin 2018, celui-ci a reconnu l'état de besoin de M. B..., a dispensé ses deux fils de leur obligation alimentaire à l'égard de leur père et a fixé la participation financière de sa fille à la somme de 60 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2018, le département de la Dordogne conclut au rejet de la requête et à la confirmation de la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne du 21 septembre 2017.
Il soutient qu'en l'absence de réponse d'un de ses obligés alimentaires, et en l'absence de saisine du juge aux affaires familiales par l'UDAF de la Dordogne, il devait rejeter la demande d'aide sociale de M. B... ; il n'a pas connaissance d'une décision du juge aux affaires familiales.
Par un courrier du 1er septembre 2020, les parties ont été informées que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que la composition de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne qui a rendu la décision attaquée du 21 septembre 2017 était irrégulière en ce qu'elle était seulement composée du président, qui exerçait les fonctions de rapporteur, et d'une secrétaire non rapporteur en méconnaissance des dispositions de l'article L. 134-6 du code de l'action sociale et des familles en vigueur à la date de cette décision.
Par un mémoire en réponse au moyen d'ordre public soulevé par la Cour, enregistré le 11 septembre 2020, l'UDAF de la Dordogne, en sa qualité de tuteur légal de M. B..., maintient ses conclusions et ses moyens.
Par une ordonnance en date du 3 décembre 2019, le président de la chambre sociale de la Cour d'appel de Bordeaux a transmis le jugement de la requête de l'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de M. B... à la Cour administrative d'appel de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;
- le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né en 1954, placé sous la tutelle de l'union départementale des associations familiales (UDAF) de la Dordogne par un jugement du 24 septembre 2015 du juge des tutelles du tribunal d'instance de Périgueux, est hébergé au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Foix de Candalle à Montpon Ménestérol depuis le 9 novembre 2015. Le jour même de l'entrée de M. B... au sein de cet établissement, l'UDAF a sollicité du département de la Dordogne la prise en charge par l'aide sociale des frais d'hébergement de l'intéressé à compter du 9 novembre 2015. Par une décision du 31 octobre 2016, le président du conseil départemental de la Dordogne a rejeté la demande d'aide sociale au motif que les éléments relatifs à la situation financière des obligés alimentaires de M. B... n'ayant pas été communiqués, le demandeur n'établissait pas son état de besoin. Par une décision en date du 21 septembre 2017, la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne a rejeté la demande de l'UDAF de la Dordogne tendant à l'annulation de cette décision et à l'admission de M. B... à l'aide sociale. L'UDAF de la Dordogne relève appel de cette décision.
Sur la régularité de la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne :
2. Aux termes de l'article L. 134-6 du code de l'action sociale et des familles applicable à la date de la décision du 21 septembre 2017 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne : " La commission départementale est présidée par le président du tribunal de grande instance du chef-lieu ou le magistrat désigné par lui pour le remplacer. En cas d'égal partage des voix, le président a voix prépondérante. (...) Les fonctions de rapporteur sont assurées par le secrétaire de la commission. Il peut lui être adjoint un ou plusieurs rapporteurs. Le secrétaire et les rapporteurs sont nommés par le président de la commission parmi les personnes figurant sur une liste établie conjointement par le président du conseil départemental et le préfet. Ils ont voix délibérative sur les affaires qu'ils rapportent. Le secrétaire, les rapporteurs et les commissaires du Gouvernement sont choisis parmi les fonctionnaires ou magistrats en activité ou à la retraite. ".
3. Il ressort des mentions de la décision attaquée de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne que cette commission était seulement composée du président et rapporteur, et de la secrétaire. Or les dispositions de l'article L. 134-6 du code de l'action sociale et des familles ne permettent pas au président de siéger comme rapporteur d'une commission composée de lui-même, avec voix prépondérante, et du secrétaire de la commission. Ainsi, la composition de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne ayant rendu la décision attaquée était irrégulière. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la seconde branche du moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission, il y a lieu d'annuler cette décision et d'évoquer la demande.
Sur le bien-fondé de la demande d'admission à l'aide sociale :
4. Aux termes de l'article 205 du code civil : " Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ". L'article 208 du même code précise que : " Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit ". Aux termes de L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l'occasion de toute demande d'aide sociale, invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. / (...) / (...) / La proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l'obligation alimentaire. La décision peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l'aide sociale d'une décision judiciaire rejetant sa demande d'aliments ou limitant l'obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l'organisme d'admission. La décision fait également l'objet d'une révision lorsque les débiteurs d'aliments ont été condamnés à verser des arrérages supérieurs à ceux qu'elle avait prévus. ". Et aux termes de l'article L. 132-7 du même code : " En cas de carence de l'intéressé, le représentant de l'Etat ou le président du conseil départemental peut demander en son lieu et place à l'autorité judiciaire la fixation de la dette alimentaire et le versement de son montant, selon le cas, à l'Etat ou au département qui le reverse au bénéficiaire, augmenté le cas échéant de la quote-part de l'aide sociale. ".
5. D'une part, en rejetant la demande d'aide sociale au motif que la situation des obligés alimentaires de M. B... n'avait pas pu être précisée, le président du conseil départemental de la Dordogne a méconnu la combinaison des dispositions ci-dessus rappelées des articles L. 132-6 et L. 132-7 du code de l'action sociale et des familles. Ainsi, en application de ces dispositions, il appartenait au département de fixer la contribution des obligés alimentaires aux frais d'hébergement de l'intéressé pour vérifier si leur participation, ajoutée aux ressources propres de ce dernier, permet de couvrir ses frais d'hébergement. En application de ces mêmes dispositions il appartenait également au département, en cas de carence de l'intéressé à saisir l'autorité judiciaire malgré la défaillance d'un ou de plusieurs de ses obligés alimentaires à faire connaître le montant de l'aide qu'il peut lui allouer, de saisir lui-même l'autorité judiciaire en son lieu et place, pour obtenir la fixation de leur dette alimentaire et l'obligation au versement de son montant. En effet le département, à la différence du postulant à l'aide alimentaire, est en mesure de s'assurer qu'il récupèrera les sommes qu'il avancerait, le cas échéant, à tout ou partie d'éventuels obligés alimentaires défaillants, par le biais de la prise en charge provisoire de sommes dues par eux à compter de la date d'effet de la décision de l'autorité judiciaire leur enjoignant de procéder au paiement de la dette alimentaire, en émettant au besoin un titre exécutoire à leur encontre sous le contrôle du juge judiciaire. Le département de la Dordogne n'est dès lors pas fondé à soutenir que l'UDAF de la Dordogne, en s'abstenant de saisir elle-même le juge judiciaire, l'aurait contraint à rejeter la demande d'aide sociale.
6. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'à la date de sa demande d'aide sociale du 9 novembre 2015, les ressources mensuelles de M. B... s'élevaient à la somme de 808,46 euros correspondant au montant de l'allocation aux adultes handicapés et que, compte tenu de la somme minimale laissée à sa disposition d'un montant de 96 euros correspondant à un centième du montant annuel des prestations minimales de vieillesse, ses ressources propres ne lui permettaient pas de s'acquitter de ses frais d'hébergement d'un montant de 1 710,28 euros par mois. Par un jugement du 21 juin 2018, le juge aux affaires familiales, saisi par l'UDAF de la Dordogne, a reconnu l'état de besoin de M. B..., a dispensé ses deux fils de leur obligation alimentaire à l'égard de leur père et a fixé la participation financière de sa fille à la somme de 60 euros. Dans ces conditions, les ressources propres de M. B... augmentées de la participation financière des obligés alimentaires de l'intéressé sont insuffisantes pour couvrir ses frais d'hébergement. Il suit de là que l'état de besoin de M. B... pour régler ses frais d'hébergement est établi.
7. Par suite, l'UDAF 24, agissant au nom de M. B..., est fondée à soutenir que ce dernier doit être admis à l'aide sociale à l'hébergement à compter du 9 novembre 2015, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit s'agissant de la période postérieure à la date de notification du présent arrêt, et à demander pour ce motif l'annulation de la décision du 31 octobre 2016 du conseil départemental de la Dordogne.
8. Il y a lieu de renvoyer l'UDAF 24, agissant au nom de M. B..., devant le président du conseil départemental de la Dordogne afin qu'il procède à la détermination du déficit constaté entre les ressources perçues par l'intéressé depuis le 9 novembre 2015, diminuées de la quote-part de 10 % fixée à l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles ainsi que des dépenses mises à sa charge par la loi et exclusives de tout choix de gestion, par rapport aux frais de son hébergement au sein de l'EHPAD Foix de Candalle de Montpon Ménestérol, et au paiement des sommes ainsi calculées.
Sur les frais de l'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Dordogne le versement à l'UDAF 24, agissant au nom de M. B..., de la somme de 700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 21 septembre 2017 de la commission départementale d'aide sociale de la Dordogne et la décision du 31 octobre 2016 du président du conseil départemental de la Dordogne sont annulées.
Article 2 : M. B... est admis à l'aide sociale à l'hébergement pour personnes âgées à compter du 9 novembre 2015, et sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit s'agissant de la période postérieure à la date de notification du présent arrêt. L'union départementale des associations familiales de la Dordogne, agissant au nom de M. B..., est renvoyée devant le président du conseil départemental de la Dordogne afin qu'il procède à la détermination et au paiement des sommes dues à ce titre.
Article 3 : Le département de la Dordogne versera à l'Union départementale des associations familiales de la Dordogne, agissant au nom de M. B..., la somme de 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'union départementale des associations familiales de la Dordogne agissant au nom de M. A... B..., au département de la Dordogne et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie pour information sera adressée à l'EHPAD Foix de Candalle de Montpon Ménestérol.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.
Le rapporteur,
V. D...Le président,
H. VINOT
Le greffier,
C. POVSE La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA00382
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