Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser une indemnité correspondant aux préjudices matériel et de carrière qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité des décisions des 17 juin et 19 juillet 2011 mettant fin à son détachement auprès de la Nouvelle-Calédonie et à ses fonctions de chef de service, et une somme de 11 933 174 francs CFP (100 000 euros) au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, sommes assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter du 17 octobre 2017.
Par un jugement n° 1800090 du 13 juillet 2018, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 septembre 2018 et le 28 octobre 2019, M. B..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800090 du 13 juillet 2018 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser une indemnité correspondant aux préjudices matériel et de carrière qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de ces décisions et une somme de 100 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis, sommes assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter du 17 octobre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il n'a pas pris en compte les éléments présentés au soutien de sa requête ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie n'était pas engagée dès lors que les décisions annulées pour un vice de forme étaient justifiées sur le fond ;
- aucun intérêt du service ne justifiait qu'il soit mis fin à son détachement de manière anticipée ;
- les décisions illégales mettant fin de manière anticipée de son détachement lui ont causé un préjudice de carrière retardant sa promotion au 9ème échelon du grade d'inspecteur principal ;
- il a été également illégalement privé du bénéfice de la prime de fin de contrat promise par la Nouvelle-Calédonie ;
- les décisions annulées lui ont causé un préjudice moral et l'on contraint à renoncer à une affectation outre-mer.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2019, la Nouvelle-Calédonie, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 500 euros soit mis à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-986 ;
- l'arrêté n° 1065 du 22 août 1953 ;
- les délibérations n° 230 et n° 234 du 13 décembre 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., avocat de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique du 8 juin 2007, M. B..., fonctionnaire de l'Etat, inspecteur principal des impôts de deuxième classe, a été détaché pour une période de deux ans, renouvelable une fois, auprès de la Nouvelle-Calédonie. Ce détachement, qui a pris effet le 1er septembre 2007, a été renouvelé par arrêté du même ministre du 10 juillet 2009 pour une nouvelle période de deux ans expirant le 31 août 2011. Par arrêté du 28 mai 2008, M. B... a été nommé chef du service de contrôle et d'expertise à la direction des services fiscaux. Après que M. B... a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire par un arrêté du président du gouvernement en date du 12 avril 2011, par une lettre du 17 juin 2011 le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie l'a informé de sa décision de mettre fin à son détachement de manière anticipée, dans l'intérêt du service, et de le remettre à la disposition de son administration d'origine à compter du 30 juin 2011. Un arrêté du 19 juillet 2011 du gouvernement de Nouvelle-Calédonie a ensuite mis fin, à compter de la même date, à ses fonctions de chef de service du contrôle et d'expertise de la direction des services fiscaux de la Nouvelle-Calédonie. Par un jugement n° 1500071 du 26 novembre 2015, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, sur renvoi du Conseil d'Etat prononcé par une décision n° 365390 du 11 mars 2015, a annulé les décisions des 17 juin 2011 et 19 juillet 2011 au motif qu'elles étaient entachées d'incompétence. M. B... fait appel du jugement du 13 juillet 2018 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Nouvelle-Calédonie à l'indemniser des préjudices de toute nature résultant de l'illégalité de ces deux décisions mettant fin à son détachement.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte du point 11 du jugement attaqué que les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments avancés au soutien des moyens des parties, ont suffisamment motivé leur réponse au moyens soulevé par M. B... et tiré de qu'aucun intérêt du service ne justifiait qu'il soit mis fin à son détachement de manière anticipée.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'une décision administrative entachée d'incompétence, il appartient au juge administratif de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si la même décision aurait pu légalement intervenir et aurait été prise, dans les circonstances de l'espèce, par l'autorité compétente. Dans le cas où il juge qu'une même décision aurait été prise par l'autorité compétente, le préjudice allégué ne peut alors être regardé comme la conséquence directe du vice d'incompétence qui entachait la décision administrative illégale.
4. Si le détachement d'un fonctionnaire est révocable et s'il peut y être mis fin de manière anticipée à la demande soit de l'administration d'accueil, soit de l'administration d'origine, il est constant que les décisions des 17 juin et 19 juillet 2011 par lesquelles le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, puis le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ont, respectivement, mis fin aux fonctions de chef de service de M. B... et remis celui-ci à disposition de son administration d'origine étaient entachées d'incompétence, ainsi que l'a définitivement jugé le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, dès lors que le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne pouvait remettre M. B... à disposition de son administration d'origine qu'après que le gouvernement a mis fin à ses fonctions de chef de service.
5. Il résulte toutefois de l'instruction, et notamment de la note établie par la directrice des services fiscaux ainsi que des courriers électroniques échangés entre cette dernière et M. B..., que celui-ci, en désaccord persistant avec sa supérieure hiérarchique sur les limites de leurs attributions respectives, a entendu s'opposer au bon déroulement des évaluations des agents de son service, a tenu dans l'exercice de ses fonctions des propos déplacés sur le fonctionnement des institutions calédoniennes, y compris juridictionnelles, et ainsi porté atteinte au bon fonctionnement du service.
6. Dans ces circonstances, les décisions mettant fin aux fonctions de chef de service de M. B... et le remettant à disposition de son administration d'origine auraient pu légalement intervenir, et auraient été prises par le gouvernement puis par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Par suite, les préjudices dont M. B... demande réparation n'étant pas la conséquence directe de l'incompétence ayant entaché les décisions par lesquelles il a été mis fin à son détachement, la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie n'est pas engagée à l'égard de M. B....
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Par ailleurs il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme que la Nouvelle-Calédonie demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Nouvelle-Calédonie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme A..., président assesseur,
-M. Aggiouri, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2020.
Le rapporteur,
P. A...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA03105 2