Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 19 juin 2018 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1806291 du 19 décembre 2019, le Tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 19 juin 2018, a enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'État une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés les 21 janvier 2020 et 12 juin 2020, le préfet du Val-de-Marne demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1806291 du 19 décembre 2019 du Tribunal administratif de Melun, et de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- l'arrêté du 19 juin 2018 n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation alors que :
- M. A... ne verse pas d'éléments contredisant l'avis médical du collège d'experts de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 27 décembre 2017 sur l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'aurait l'interruption de sa prise en charge médicale ;
- sa présence en France n'est établie au mieux qu'à compter du 2ème trimestre 2012 et ses demandes d'autorisation de travail ont été rejetées par les services de la main d'oeuvre étrangère de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi enfin l'intéressé est célibataire et ne fait pas état d'un concubinage antérieurement aux décisions attaquées ;
- l'arrêté n'a pas été pris en violation de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que M. A... n'a pas présenté de demande de carte de résident sur le fondement de cet article ;
- l'arrêté n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation ou d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- la commission du titre de séjour n'avait pas à être consultée sur le fondement de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que M. A... ne remplit pas les conditions pour se voir renouveler son titre de séjour ;
- l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas irrégulier du seul fait qu'il a été rendu un samedi ;
- il ne s'est pas estimé lié par l'avis médical du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 23 décembre 2017 ;
- le refus de séjour n'a pas été pris en méconnaissance des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas illégale par la voie de l'exception d'illégalité du refus de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2020, M. A..., représenté par Me D..., conclut :
- à la confirmation du jugement du 19 décembre 2019 en ce qu'il annule la décision du préfet du Val-de-Marne du 19 juin 2018 de refus de renouvellement de son titre de séjour ;
- et à ce qu'il soit enjoint sur le fondement de l'article L 911-1 du code de justice administrative au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de résident sur le fondement de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à défaut, d'enjoindre sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, au préfet du Val-de-Marne de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
- et de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'État sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de renouveler son titre de séjour temporaire en qualité d'étranger malade en application de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entaché d'illégalité externe en raison d'une insuffisance de motivation, d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle, d'un vice de procédure tenant à l'absence de consultation de la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'un vice de procédure tenant aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à la composition irrégulière du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en méconnaissance de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de renouveler son titre de séjour temporaire en qualité d'étranger malade est entaché d'illégalité interne car le préfet du Val-de-Marne a commis une erreur de droit en se croyant en situation de compétence liée par rapport à l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; a méconnu l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et compte tenu de l'offre de soins de son pays le Ghana il ne pourrait y bénéficier d'un traitement approprié ; a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de lui délivrer une carte de résident en application de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ;
- le refus de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-10, 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entaché d'erreur de droit alors que le préfet du Val-de-Marne s'est estimé en situation de compétence liée du fait des décisions de refus d'autorisation de travail des services de la main d'oeuvre étrangère de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi rendues le 23 mai 2018 ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est illégale par la voie de l'exception d'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour ; n'a pas été prise à l'issue d'un examen complet de sa situation ; méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est insuffisamment motivée et est illégale par la voie de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de délivrance d'un titre de séjour ; méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par la voie de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de délivrance d'un titre de séjour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ghanéen né le 31 octobre 1982, entré en France en 2011 selon ses déclarations, a bénéficié de cartes de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", en qualité d'étranger malade, valables du 3 juin 2013 au 18 juillet 2017. Il a demandé, le 23 décembre 2017, le renouvellement de cette carte de séjour et, le 20 mars 2018, un titre de séjour en qualité de salarié en contrat à durée indéterminée, sur le fondement du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 juin 2018, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer tout titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays où il pourrait être reconduit. Le préfet du Val-de-Marne fait appel du jugement du 19 décembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'État une somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 26 décembre 2017, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré, au vu des dernières analyses pratiquées sur M. A..., que ce dernier ne nécessitait pas une prise en charge médicale dont le défaut devrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que M. A... pouvait voyager sans risque à destination de son pays d'origine. Toutefois, M. A... produit un certificat médical en date du 17 octobre 2017, émanant de l'hôpital Bichat à Paris précisant qu'il a développé une infection par le VIH, découverte au Ghana et confirmée en France. Plusieurs certificats médicaux émanant du même hôpital des années 2013 à 2017 et dont le dernier est daté du 24 octobre 2017 lui prescrit un traitement anti-rétroviral sous la forme de la spécialité Eviplera(r), médicament reconnu comme étant actif sur le virus de l'immunodéficience humaine. Or, ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Paris, selon le guide à destination des professionnels de santé édité par la Haute Autorité de santé, la poursuite d'un traitement antirétroviral s'impose en cas d'infection au VIH quand bien même la charge virale serait indécelable dans les dernières analyses du patient. M. A... produit par ailleurs, sans être contredit par le préfet de police, une liste des médicaments disponibles au Ghana parmi lesquels ne figure pas l'Eviplera(r). Dans ces conditions, il apparaît qu'en estimant que M. A... n'était pas atteint d'une affectation dont le défaut de prise en charge était de nature à avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet de police a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté contesté et lui enjoindre de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Sur les frais liés au litige :
4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par le préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'État versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... E... A....
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. Platillero, président-assesseur.
- Mme B..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 décembre 2020.
Le rapporteur,
I. B...Le président,
S.-L. FORMERY
Le greffier,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
N° 20PA00200 2
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